Cela fait plus de 10 ans que nous entretenons une relation particulière avec Valentin Debise sur les circuits français ou internationaux. Il était donc naturel que nous lui ouvrions une fois de plus nos colonnes pour partager son aventure en Championnat de France FSBK, dans lequel l’Albigeois vise à nouveau le titre en Supersport 600 et en Superbike 1000.
Après ses quatre victoires au Mans au guidon de ses nouvelles Yamaha, celui que l’on surnommait VD53 mais qui porte maintenant le numéro #153 nous dévoile aujourd’hui les grandes lignes de son projet qui reste simplement extraordinaire, au sens premier du terme.
Nous le retrouverons après la prochaine épreuve à Nogaro, et il en sera ainsi tout au long d’une saison dans laquelle l’ancien pilote de Grand Prix (mais pas que), vise à nouveau les deux titres majeurs du Championnat de France FSBK.
Valentin, comme l’année dernière tu viens de remporter
les deux courses de Superbike et les deux courses de Supersport au
Mans. Cela reste extraordinaire, mais cette fois les conditions
étaient différentes puisque tu t’alignais avec tes propres motos.
Pourquoi ce changement ?
Valentin Debise : « Cette année, je
participe au championnat de France avec ma structure personnelle.
Je l’avais mise en place au fil des ans pour les tests que j’effectue pour
Michelin, en utilisant mes propres motos et mon équipe. C’était
donc avant tout une structure de test plus que de course, même si
je l’avais utilisée une année pour participer à une finale à Albi
avec une Suzuki. L’année dernière, j’ai fait toute la saison du
championnat de France Supersport 600 avec cette structure avec la
Kawasaki, et du coup, cette année, on a agrandi la structure pour
accueillir une moto supplémentaire, pour pouvoir courir en
Superbike. On a aussi changé de marque au bénéfice de Yamaha, aussi
bien en 600 qu’en 1000, et toutes les deux équipées en
Michelin. »
Si on compare aux autres équipes qui arrivent parfois
avec des semi-remorques, ça reste quand même une structure, entre
guillemets, à l’ancienne. Ce n’est pas un handicap ?
«
Non, parce qu’on est petits mais professionnels, dans le sens
où la plus grande partie du travail repose sur mes épaules: c’est
moi qui prépare les motos à l’atelier, même si on garde les moteur
stocks, aussi bien en 600 qu’en 1000, ce qui enlève déjà pas mal de
boulot. Après, il y a quand même toute la préparation du châssis et
du reste, y compris l’aménagement du box, qui prend pas mal de
temps, plus la recherche de partenaires techniques et financiers
ainsi que l’organisation générale des voyages et des mécaniciens.
Donc beaucoup de travail repose sur mes épaules mais tout le monde
est professionnel dans l’équipe, et quand on arrive sur les
circuits, je délègue tout aux mécaniciens. J’ai un mécanicien par
moto plus un ingénieur, et ce sont des personnes de confiance qui
savent ce qu’elles ont à faire, donc ça roule comme sur des
roulettes. En gros, je prépare tout bien en amont, pour que tout
soit prêt en cas d’imprévu, comme une chute: les pièces sont prêtes
à être montées, chacun a son outillage, tout est vraiment bien
séparé entre la 600 et la 1000 dans le box, donc on peut dire que
nous sommes des amateurs qui travaillent de façon
professionnelle. »
Alors après ce travail d’organisation, on arrive au
Mans, première manche du championnat de France, et là, bis
repetita, tu remportes comme l’an dernier les quatre courses
auxquelles tu participes. Cela reste hors de l’ordinaire, pour ne
pas dire extraordinaire, et la saison passée tu avais expliqué cela
par davantage de roulage hivernal que des principaux adversaires.
Est-ce encore le cas cette année ?
« Non, car à cause du retard que j’ai pris pour monter la
structure, je n’ai pas pu m’entraîner comme je le souhaitais, aussi
bien en tant que pilote en tant qu’équipe. Donc la première fois
que j’ai pu rouler avec les motos, c’était il y a trois semaines :
on est parti pendant une semaine sur différents circuits pour
pouvoir rouler. Donc en tant que pilote, je ne suis pas aussi prêt
que l’année dernière, d’autant qu’on a vu que mes principaux
concurrents ont beaucoup plus roulé que l’année précédente, en
allant tourner au Mans ou en Espagne. Je n’ai donc pas été étonné
de voir que le niveau général au Mans était bien plus rapide que
l’an passé, ce qui est bien. De plus, à part Alan Techer, mes
principaux adversaires n’ont pas changé de motos ni de
manufacturier pneumatique. Ils connaissent bien leurs équipes, ils
connaissent bien leur moto, leurs pneus, les réglages, bref ils
sont déjà calés alors que nous on part vraiment de zéro avec les
nouvelles motos, une nouvelle personne dans l’équipe, et les pneus
de la 1000 qui sont maintenant des Michelin. Ça fait quand même
beaucoup de nouveautés, et on est donc moins affûtés que ce que
l’on aurait pu être pour le premier rendez-vous au Mans. »
Une chose qui est également plus difficile que l’année
dernière, c’est le déroulement du dimanche…
« Effectivement, l’année dernière je participais déjà à
quatre courses le dimanche, mais la différence c’est qu’il y avait
une course entre celles des 600 et de la 1000. Donc j’avais quand
même le temps d’aller au podium, de boire un coup, de me changer,
de me reposer, etc. Là, non seulement la 600 et la 1000
s’enchainent mais le temps entre deux courses s’est notablement
raccourci. Donc concrètement, je ne ralentis pas dans le tour de
décélération, je le fais à fond, et quand je pose ma 600 dans le
parc fermé, il me reste exactement 3 minutes et 50 secondes pour
monter sur la 1000 ! J’ai juste le temps de boire quelques gorgées
et d’avaler un gel, et quand j’arrive sur la grille de départ, où
auparavant on avait 10 minutes, il ne reste que cinq minutes avant
le départ puisque les procédures sont raccourcies au maximum.
Honnêtement, c’est un peu de la folie… »
Cet enchaînement de courses n’est-il pas trop dur
physiquement, en particulier pour la quatrième qui correspond à la
deuxième course des Superbike ?
« En terme de physique, ça va car je suis bien préparé, mais
c’est plus au niveau de la concentration que c’est exigeant, afin
de rester super précis et de ne pas faire d’erreur tout au long de
la course. Malgré tout, ce n’est pas une course d’endurance mais
des courses de vitesse, donc l’intensité est beaucoup plus haute
que dans une course d’endurance où les gars enchaînent les relais.
C’est donc au niveau de la concentration que c’est le plus dur,
mais en entraînement je fais pire que ça. Par contre, peut-être que
de réinsérer une course entre la 600 et la 1000 pour mettre les
jeunes en avant auprès du public, ce qu’il y avait depuis 20 ans,
serait sans doute une bonne idée. Sans parler de mon cas, attirer
l’attention du public sur la jeune génération aurait du sens.
»
Parle-nous un peu de tes principaux adversaires car si
en Superbike ce sont toujours les mêmes, en Supersport la catégorie
a quand même changé…
« Oui. En Supersport, il y a Matthieu Lussiana qui est descendu
: il s’est vraiment remis en forme et il roule super bien ! C’est
très bien qu’il soit revenu dans cette catégorie car c’est un
garçon d’expérience qui permet ainsi aux jeunes d’avoir une
comparaison de niveau. Il y a aussi Loïc Arbel qui est revenu
d’Espagne, et qui n’est donc pas bien connu en France mais c’est un
garçon que je suis depuis quelques temps et qui va bien. Il y a
Matthieu Gregorio qui n’arrête pas de progresser et qui commence à
rouler très fort. On a aussi certains jeunes qui viennent de
la 300, comme Enzo de la Vega, qui va progresser durant la saison
et qui, je pense, va venir jouer avec nous. C’est bien de voir
qu’il y a des jeunes motivés et qui y arrivent, après il faudrait
essayer qu’il y en ait un peu plus. Pendant les séances d’essais,
si j’en ai l’occasion, j’essaie toujours de tirer un gamin en lui
faisant signe de me suivre pour qu’il voit à peu près ce que je
fais. Même si ce n’est pas grand-chose, ça peut toujours aider.
C’est aussi dommage que Ludovic Cauchy soit parti en 1000 car je
pense que cela aurait vraiment été un candidat au titre, vu la
progression qu’il a eue. »
Question un peu stupide, mais comment vois-tu la suite
de la saison ?
« Pour la suite, je pense qu’il faudra qu’on fasse quelques
essais avant d’aller à Nogaro car on est encore loin d’être prêt
sur les deux motos. Sachant qu’on roule avec des moteurs stocks, il
faut qu’on soit vraiment bien en suspension pour combler notre
manque de puissance. Mais on sait qu’on a quand même une marge de
progression puisque Michelin a apporté des nouveaux pneus qui
fonctionnent vraiment bien mais qui ne sont pas encore en parfaite
cohésion avec nos suspensions. Techniquement, il faut donc qu’on se
recale pour pouvoir utiliser le potentiel maximum de ces pneus,
mais en tant que pilote, il faut aussi que je m’habitue davantage
aux motos, car c’est encore très nouveau. Après, financièrement,
même si je suis très reconnaissant envers tous mes partenaires qui
m’ont permis de monter ce projet, le budget actuel ne permet pas de
terminer la saison, d’autant qu’il existe parfois des différences
entre les discours et les actes. Il reste donc des emplacements sur
les motos et sur la combinaison pour vivre ensemble cette belle
aventure ! »
L’appel est lancé, et on espère qu’il sera entendu par un ou plusieurs lecteurs de Paddock-GP à même d’apprécier le côté chevaleresque de ta participation dans un monde parfois très aseptisé…
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