La longueur exceptionnelle de la pause estivale nous laisse le temps de dresser des premiers bilans, à commencer par celui effectué avec Sébastien Poirier, Président de la Fédération Française de Motocyclisme, au sujet de la vitesse française, dans sa plus large expression.

Nouvelles mesures pour favoriser le développement des écoles labellisées, ainsi que des niveaux de compétitions bien définis de la base au sommet, mais aussi influence des succès de Fabio Quartararo et extension notables des wildcards pour faire la liaison entre le national et l’international, la vitesse française accélère la cadence…


Monsieur le Président, après analyse de la situation exceptionnelle dans laquelle nous étions l’année dernière depuis deux ans, plusieurs mesures ont été prises afin de favoriser le sport moto et le loisir moto en France. Elles ont été présentées à la conférence de presse de février dernier et se caractérisent par la promotion et le développement des écoles labellisées, ainsi que des niveaux de compétitions bien définis de la base au sommet. En ce milieu de saison sportive où nombre d’épreuves ont déjà eu lieu, peut-on en avoir un premier retour ?
Sébastien Poirier : « Ce que je peux déjà vous dire, c’est que le premier pan de notre programme 2020–2024 a concerné les écoles labellisées. C’était un sujet très important car il s’agissait de pouvoir faire en sorte d’identifier quelles étaient les structures qui ont une appétence pour accueillir les jeunes et les moins jeunes, et en tout cas les nouveaux pratiquants. Nous en étions à une quarantaine d’écoles labellisées il y a encore quelques années, et nous sommes aujourd’hui à plus de 120 écoles labellisées. On a posé une nouvelle règle, un nouveau cahier des charges, et je crois qu’on a lancé une nouvelle dynamique. On a aussi structuré notre capacité à aller contrôler et animer les réseaux des écoles labellisées et je pense sincèrement et objectivement qu’on pourra espérer être autour de 150 écoles labellisées en fin de cette année. Ce qui est intéressant, c’est que nous sommes aussi allés chercher de nouvelles structures. J’en veux pour preuve ce que l’on a réussi à mettre en place en vitesse : nous avions deux écoles labellisées en vitesse, aujourd’hui nous en avons une vingtaine ! Ça veut dire qu’on a un maillage territorial sur la vitesse qui est beaucoup plus important. C’est le premier résultat positif et cela permettra, à travers le site Internet dédié que l’on a mis en place, d’offrir un site facile d’accès, simple, pour toutes les personnes qui souhaiteraient se renseigner sur « Où débuter la moto ? Comment débuter la moto ? Faut-il que j’achète une moto ? Est-ce que l’équipement est intégré ? ». Donc, nous vulgarisons et nous démocratisons l’offre de pratique, notamment tournée vers les jeunes. C’est donc un premier résultat très positif.
Le deuxième aspect, sur la structuration de l’offre, ce sont les circuits de karting, notamment pour la vitesse. Je crois que l’on a un travail considérable à faire auprès des circuits de karting pour, justement, permettre à nos petits de rouler sur ce type de pistes de proximité car aujourd’hui c’est extrêmement compliqué pour eux de rouler sur des grands circuits de vitesse. On a une petite quarantaine de circuits de vitesse déjà homologués moto mais il existe entre 200 et 300 circuits de karting. Donc, c’est auprès des circuits de karting qu’il faut se diriger pour les premiers tours de roulage, notamment chez les petits. La FFM a également investi puisque l’on a embauché un Responsable qui va visiter et expertiser les pistes. Nous sommes aussi sur une très belle tendance en termes de pistes de karting : j’espère que nous serons autour d’une centaine de pistes de karting d’ici la fin de cette année, voire 2023. C’est un vrai travail de fond qui est mené, et un travail de proximité, puisqu’il faut aller rassurer les circuits de karting sur le fait qu’on ne fait pas plus de bruit qu’un kart, qu’on n’abîme pas la piste lorsqu’il y a des chutes, etc.
S’agissant des championnats qui ont été lancés, nous avons une dizaine de championnats régionaux qui vont être organisés en 2022, et la première des réussites est le fait même qu’ils existent. En vitesse, nous avions deux championnats de ligue chez les petits, et aujourd’hui nous sommes sur près d’une dizaine. Évidemment, avec une structuration qui est uniforme sur tout le territoire, c’est-à-dire que l’on a bien nos catégories Mini OGP, Objectif Grand Prix, 110, 160 et MiniGP pour la partie Ohvale que l’on retrouve au niveau international. On retrouve donc ces structurations de catégories sur tout le territoire mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas intégrer d’autres catégories, comme par exemple la catégorie scooter, mais au moins on a mis dans le socle de ces championnats régionaux Mini OGP ces trois catégories phares que l’on retrouve aussi au niveau national. Le premier retour est globalement positif même si les choses ne sont pas simples puisqu’on est sur la mise en place de championnats et que certaines catégories ne comportent que quatre ou cinq pilotes alors que d’autres en accueillent une quinzaine. Ce que je crois, c’est qu’il faut s’inscrire sur un temps long car on est vraiment sur la mise en place des championnats. Il y a aujourd’hui une difficulté d’approvisionnement des motos, notamment des mini motos, qui est un vrai frein pour de nombreux parents qui se renseignent, mais globalement c’est une mise en place qui se fait positivement, avec beaucoup d’optimisme, dans cette première année de cette politique de structuration de l’offre au niveau régional. Je suis optimiste et nous avons aujourd’hui des partenaires qui nous suivent, comme Shark et comme Motul, sur la structuration de la pyramide régionale que l’on retrouve au niveau national sur le Mini OGP et ensuite sur le FSBK.
Il faut noter également le soutien de Claude Michy, le Promoteur du Grand Prix de France Moto, qui a souhaité s’engager à nos côtés pour nous aider et aider les moto-clubs organisateurs à dynamiser le FSBK notamment en terme de fréquentation du public.
Il y a donc globalement une belle mise en place et nous ferons le bilan définitif en 2024 car je crois qu’il faut vraiment se laisser trois années avant de dresser le bilan.
 Le plus important, si nous voulons avoir des champions, c’est avoir une masse de pilotes, la pyramide la plus large possible, et donc ce que nous mettons en place aujourd’hui c’est la structuration de cette base pyramidale que l’on veut la plus large possible, la plus accessible possible, la plus facile en terme de compréhension. L’objectif est de faire en sorte que des parents, qui connaissent peu ou pas le milieu de la moto, puissent se dire « entre l’équitation et la moto, c’est aussi simple dans les deux fédérations ». C’est vraiment ça le sujet !
 Je suis donc optimiste, même si nous sommes dans le dur de la mise en place parce qu’on est sur la première année, mais je crois qu’il faut vraiment se projeter car nous faisons déjà rouler quasiment le double de pilotes à ce niveau-là.
Nous avons aussi cette catégorie Objectif Grand Prix que l’on a clairement positionnée comme étant là où devaient être nos meilleurs jeunes pilotes français, avec des motos qui sont très proches, avec un boîtier électronique unique que l’on va mettre en place même si des raisons d’approvisionnement nous ont empêché de le faire sur la première épreuve au Mans. C’est un boîtier qui est identique à celui utilisé en Espagne, et de la même manière, avec le pneumaticien Bridgestone que l’on a comme partenaire sur l’OGP, nous allons avoir des motos qui ont un boîtier électronique et des pneumatiques identiques à ce que l’on a au niveau de l’European Talent Cup. Ça veut dire qu’on va vraiment aider nos meilleurs jeunes à s’habituer aux machines qui sont utilisées en European Talent Cup, ce qui n’était pas forcément le cas par le passé, et ce qui pouvait expliquer pourquoi il y avait un tel écart sur les premières compétitions de nos Français en European Talent Cup. Je suis donc optimiste sur des résultats assez rapides et c’est pour ça que j’ai hâte de voir nos pilotes français rouler en European Talent Cup, parce que justement je crois que cet écart va être largement minoré grâce à ces actions qui ne portent que sur la moto mais qui vont quand même faciliter leur apprentissage de ces éléments techniques pour aller en Espagne. »

 Avec son titre mondial en MotoGP, Fabio Quartararo a pris une autre dimension et atteint maintenant un large public qui  ne s’intéressait pas forcément à la moto, que ce soit par des émissions grand public ou même des campagnes d’affichage dans Paris. Pensez-vous que cela puisse également favoriser la pratique de la moto en France ?
« En tout cas, ce qui est certain c’est qu’une fédération est portée par ses champions et par les performances sportives de ses meilleurs sportifs. On le voit en rugby, on le voit aussi en football lorsque la France gagne la Coupe du monde, et on le voit aussi chez nous. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, la moto a passé un step et peut-être qu’elle a retrouvé le niveau de la grande période de la moto française dans les années 70-80. C’est clair que le titre de Fabio est un titre qui permet à ce que la moto, le sport moto et les sports mécaniques de façon générale, soient valorisés. A fortiori parce qu’on a la chance d’avoir Fabio et Johann qui sont vraiment deux sportifs qui s’expriment bien, qui sont agréables, dont on sent l’enthousiasme et la joie de vivre.
Je crois qu’ils représentent parfaitement la moto, et ils représentent la moto de demain, celle qui est une moto responsable, une moto sportive car c’est un sport comme un autre, et en effet ils font du bien.
L’enjeu pour nous, et c’est pour cela que nous avons mis en place toutes ces structurations et toute cette capacité d’accueil, c’est qu’il faut qu’on soit à la hauteur de ce rayonnement et que nos structures soient en capacité d’accueillir les petits qui se rêveraient en Fabio ou J C’est tout le travail que nous menons en parallèle de ce titre, parce qu’en effet ce serait dommage de passer à côté d’un tel rayonnement et qu’on ne soit pas en capacité de dire à des parents « voilà où il faut aller, combien ça coûte, ça ne coûte pas si cher que ça, il y a des éducateurs qui feront que votre enfant va apprendre la moto en toute sécurité, et potentiellement après, s’il a envie de faire des compétitions, voilà où sont les compétitions et voilà comment ça s’organise ». C’est donc le travail que nous menons. »

 

 

Il y a aussi eu quelques nouveautés concernant les wildcards au niveau international…
« Sur la discipline vitesse, la politique de la FFM en 2022, c’est d’accentuer ce qu’on avait mis en place en 2021 par rapport aux wildcards, et de faire en sorte qu’il y ait un lien fort entre le championnat de France et les épreuves internationales. Ça veut donc dire des wildcards sur la catégorie 600 Supersport pour le Superbike mondial à Magny-Cours en partenariat avec Yamaha et le GMT 94. Donc deux wildcards qui seront offertes par la fédération, Yamaha et le GMT 94 pour participer à cette épreuve de Grand Prix de France de Superbike : on double la mise et surtout on est sur une wildcard jeune et une wildcard que l’on qualifiera de plus sportive. Ça offre donc l’opportunité à nos meilleurs pilotes de Supersport de pouvoir s’essayer sur le mondial Superbike, et on a vu le succès rencontré l’an passé par Valentin Debise qui a vraiment permis à travers ses chronos du samedi de démontrer que le niveau du championnat de France était un très très bon niveau, puisqu’il s’est qualifié quatrième le samedi en Superpole.
Ça veut donc dire que ça positionne un championnat, et puis surtout avec le GMT 94 on a la garantie qu’il y a un travail préparatoire, c’est-à-dire qu’on n’envoie pas les pilotes qui ont la wild card sur le Superbike sans qu’il y ait a minima un entraînement et une appropriation de la moto : il y a un travail qui est fait en la matière.
Nous avons aussi en 2022, et c’est la nouveauté, une wildcard qui sera offerte pour la catégorie 300, à travers le team Flembo. On a la chance d’avoir un team français en mondial 300, donc on va mettre en place cette wild card aussi sur des critères sportifs pour envoyer l’un des meilleurs dans la catégorie en wild card 300. Et puis sur la catégorie OGP, Objectif Grand Prix, là également un accompagnement pour le ou les meilleurs, en tout cas ceux pour qui on estimera qu’ils ont la capacité à performer assez rapidement et à faire en sorte que cette carte soit positive dans leur progression, la possibilité pour une ou deux wild cards en European Talent Cup dès cette année dans le cadre du team France, puisqu’on a un team France en European Talent Cup.

Il y a donc une vraie cohérence avec le niveau international, et on va également vraiment poser définitivement les deux collectifs que l’on a mis en place chez les jeunes. On a mis en place deux collectifs qui suivent une dizaine de petits tout au long de l’année, avec deux ou trois stages sur des circuits avec des éducateurs, et on a la chance d’avoir Johann Zarco comme parrain sur ce dossier-là et sur cette filière collective. Johann a déjà eu la gentillesse de venir sur un de nos stages. Voilà, on essaie d’être sur tous les champs, on a parfaitement conscience que le haut niveau s’inscrit dans un temps long, qu’un champion s’inscrit dans un apprentissage qui est quelquefois complexe, et qu’il faut prendre le temps de faire en sorte de former des pilotes mais aussi des hommes, c’est donc un travail qui s’inscrit dans la durée avec des éducateurs qui les suivent, les accompagnent, les forment et les informent. »

 

« Enfin, Lorenzo Fellon est accompagné par la fédération sur l’année 2022 comme en 2021. Même s’il a été un peu dans le dur de son apprentissage, on croit beaucoup en lui. Il a déjà marqué ses premiers points. Il fait partie de ces pilotes que l’on suit, que l’on accompagne, et auprès de qui on apporte tout notre soutien, comme à l’époque on avait aidé Fabio Quartararo quand il était en Moto3 et en Moto2, dans une période plus difficile : la fédération est toujours là pour aider ceux qui sont dans une difficulté. Aujourd’hui, nous n’aidons plus ni Fabio ni Johann, parce qu’on considère qu’ils ont atteint un niveau suffisant qui leur permet de pouvoir s’épanouir sans l’aide de la fédération. Mais l’objectif de la fédération est vraiment d’être là pour aider dans des passages, des passages techniques, des passages sportifs, et une fois qu’ils ont atteint le Graal, ils peuvent vivre leur vie le plus sereinement possible et cela nous convient parfaitement. »

 

 

 

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