Lors du dernier Grand Prix en Malaisie, les médias se sont étonnés de voir Marc Marquez rouler sous la pluie avec des disques en carbone.
En effet, toutes les MotoGP utilisent habituellement des disques en acier quand il pleut, puisque les disques en carbone nécessitent, des dires même de Brembo, une température minimale de fonctionnement de 300° (Voir notre dernier article complet à ce sujet dans le magazine GP Racing #17 encore en kiosque).
Eugenio Gandolfi: « Les disques de 320 mm et les disques de 340 mm ont le même point de départ de fonctionnement pour être efficaces soit 300/350 degrés, mais leurs capacités thermiques sont complètement différentes; à freinage donc dissipation énergétique équivalent, les 320 mm peuvent atteindre 900 degrés alors que les 340 mm vont atteindre 100 degrés de moins ».
Comme le montre cette photo, la moto de Marc Marquez était équipée en course avec des disques de 320 mm, ceux qui dissipent le moins la chaleur, ainsi que des protections de disques en carbone qui élèvent la température de fonctionnement d’une soixantaine de degrés.
Le champion espagnol a fait part de ses réactions : « Avant le départ, j’ai décidé d’utiliser les freins en carbone qui me donnaient une chance d’être plus fort au freinage. C’était le bon choix et cela n’a rien à voir avec ma chute. »
Pour remettre les choses en ordre, cette idée n’est pas née au hasard dans l’esprit de Marc Marquez, car il se trouve que, depuis le début du week-end, Bradley Smith les avait utilisés, sur le sec ou le mouillé, sans problème apparent, bien au contraire.
Nous sommes donc remontés à la source et avons interrogé l’incontournable Guy Coulon, responsable technique du team Monster Yamaha Tech3, sur le pourquoi du comment de ce qui pourrait bien faire tâche d’huile dès l’année prochaine…
Guy, on nous a toujours dit qu’il fallait des disques en acier sous la pluie. Pourquoi avez-vous essayé les disques en carbone ?
Guy Coulon: « Qui ça « on » ? (rires). En 1982, quand j’étais chez Elf, on roulait déjà avec des freins carbone en endurance pendant 24 heures, que ce soit sec ou pas. En 2000, à Donington sous la pluie battante, Olivier Jacque fait 2 en disques carbone. Il y a deux ans, Bradley Smith les avait à Motegi sous la pluie. Les Formule 1 roulent en carbone sous la pluie…
A Sepang, on les a utilisés dès les essais puis en course,
et c’est peut-être pour ça que d’autres ont fait pareil en course…
Je suppose que le fabricant s’est peut-être rendu compte que ça
fonctionnait bien et a transmis l’information.
Pourquoi les a-ton utilisés ? Parce que les freins acier chauffent
énormément et, au bout de quelques tours, il y a de l’arrachement
de métal et ça se met à vibrer. Avec les disques en carbone, il n’y
a que des avantages; c’est plus puissant et plus facile à
contrôler. Tout va mieux. »
Ce n’est donc pas forcément ponctuel mais quelque chose peut-être amené à se reproduire…
« Effectivement, je pense que maintenant, on va rouler systématiquement avec, qu’il pleuve ou pas. Il peut peut-être y avoir des cas particulier, mais aujourd’hui je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas, vu qu’il n’y a que des avantages. »
Parce qu’on a toujours dit que si les disques descendaient en dessous de 250°, ils ne freinaient pas…
« Sous la pluie battante, on avait un minimum de 170° et un maximum de 490°. En plus, on avait gardé les 340 mm, Big Mass et les plaquettes Big Mass (ndlr : ceux qui dissipent le plus la chaleur) et on a donc de la réserve pour avoir des disques plus chauds, avec les 320 mm et les petites plaquettes. On aurait eu des températures décalées vers le haut, peut-être même trop hautes. Je pense qu’avec ces disques, même à 100°, tu bloques la roue quand tu veux… »
Bradley Smith a été totalement convaincu, même
s’il émet des réserves concernant certains circuits :
« Nous avons eu beaucoup de problèmes avec
les disques en acier. Je n’aime pas particulièrement le
feeling qu’ils me donnent. Il n’est tout simplement pas
régulier. Nous soufrons également actuellement de certaines
vibrations. En outre, nous roulons à 90% avec les freins en
carbone, donc je connais ce feeling. Je le connais avec
un seul doigt, deux ou trois doigts. Il est juste beaucoup
plus régulier, tant que je peux générer de la température … A
quelques endroits, comme Assen, Phillip Island ou Silverstone, on
ne le ferait pas car il n’y a aucune garantie pour générer de
la température.
Mais ici et vu la quantité de forts freinages, nous étions convaincus que ce serait OK. C’est quelque chose que j’avais demandé il y a quelques années. C’est quelque chose que j’ai gardé en réserve dans ma poche si nécessaire. Vous montez les cache-disques et vous vous assurez qu’ils conservent la température à l’intérieur. Puis, dans les deux premiers tours, il faut être un peu prudent. Si un peu d’eau arrose le disque, c’est quelque chose qui peut l’affecter. Dans les premiers tours, il n’y a vraiment eu aucun problème. »
Voici donc quelque chose mis sous le feux des projecteurs par son utilisation par Marc Marquez, ce qui n’était donc pas une première mais pourrait maintenant se répandre comme une traînée de poudre…