Jorge Lorenzo, à l’issue du Grand Prix de Catalogne: “Au début, j’ai fait un bon départ et, avec les pneus neufs, j’étais plus ou moins au même niveau que les autres pilotes. Mais comme je le savais avant la course, si je commençais à avoir du graining sur le pneu avant, je peinerais. C’est ce qui s’est passé.
Avec la même moto, Rossi n’a pas eu autant de graining. Il semble qu’il pilote différemment de moi et qu’il puisse davantage économiser le pneu avant en temps normal. Il est également très bon dans les conditions difficiles, quand il n’y a pas d’adhérence.”
Graining, graining… Un terme somme toute plutôt moins usité en moto qu’en F1, mais qui caractérise cependant un phénomène bien réel qui apparaît quand le pneu n’est pas vraiment en adéquation avec l’adhérence de la piste.
Dans une démarche “chrono-logique”, nous avons donc tout d’abord interrogé Randy de Puniet sur les conséquences du graining sur le pilotage, puis aujourd’hui Guy Coulon pour avoir “le point de vue du box”, et, dans une dernière partie, nous essayerons d’obtenir l’expertise de Michelin sur la question.
Guy Coulon: « C’est sûrement dû à plusieurs facteurs, mais bien souvent le graining provient d’un appairage non idéal entre le type de surface, son niveau d’abrasion, son manque d’abrasion, et le type de gommes fourni par le manufacturier. »
Cela se traduit-il par des températures de fonctionnement hors-norme?
« Pas forcément. Comme, en cas de graining, la gomme et la surface ne s’aiment pas, au lieu d’user le pneu, ça fait ces espèces d’arrachements superficiels, et ça a tendance à creuser le pneu à cet endroit là, et ça devient très désagréable. En plus, ça fait des sortes de micro-sculptures qui rendent l’avant instable et font perdre un peu d’adhérence; un peu comme si tu avais un pneu micro-sculpté au lieu d’avoir un slick. »
C’est spécifique à Barcelone?
« Quelques pilotes en ont eu, oui. Ça arrive en effet plus souvent sur des circuits peu abrasifs. »
C’est donc un phénomène connu…
« Oui, et il ne faut pas le confondre avec l’arrachement du pneu. Sur une piste abrasive, on peut avoir un pneu qui ne convient pas, et on arrache la surface du pneu car il n’est pas suffisamment résistant par rapport à l’abrasion de la piste. Ca c’est un autre problème, même si l’apparence du pneu peut alors être un peu semblable. Il ne faut pas faire de confusion entre les deux.
Le graining, lui, est dû à un manque de mariage entre le pneu et la surface; le pneu, au lieu de s’accrocher à la surface, la lèche et fait ces petits plis en surface. En fait, le graining ne se produit pas partout sur le pneu, pas complètement sur le bord du pneu, mais plutôt dans la partie intermédiaire où le pilote rentre, pas encore plein angle, et quand il commence à se redresser (voir photo). En pratique, comme le pneu a moins de contact, le pilote est obligé de sur-braquer, ce qui amplifie le phénomène. Donc, quand ça se déclenche, c’est extrêmement difficile de s’en sortir.
Comme c’est lié à la faible adhérence, ça arrive plus fréquemment lors de la première séance ,quand la piste n’est pas très propre. Dans ce cas là, quand le phénomène est léger, on ne s’inquiète pas trop car on sait que ça va s’améliorer avec le temps. Quand tu en as encore à la quatrième séance, là tu peux commencer à t’inquiéter pour la course (rires). »
Merci à Guy Coulon pour ces explications aussi claires qu’intéressantes!
Crédit photo : Michelin