Jorge Lorenzo, à l’issue du Grand Prix de Catalogne: “Au début, j’ai fait un bon départ et, avec les pneus neufs, j’étais plus ou moins au même niveau que les autres pilotes. Mais comme je le savais avant la course, si je commençais à avoir du graining sur le pneu avant, je peinerais. C’est ce qui s’est passé.
Avec la même moto, Rossi n’a pas eu autant de graining. Il semble qu’il pilote différemment de moi et qu’il puisse davantage économiser le pneu avant en temps normal. Il est également très bon dans les conditions difficiles, quand il n’y a pas d’adhérence.”
Graining, graining… Un terme somme toute plutôt moins usité en moto qu’en F1, mais qui caractérise cependant un phénomène bien réel qui apparaît quand le pneu n’est pas vraiment en adéquation avec l’adhérence de la piste.
Dans une démarche “chrono-logique”, nous avons donc tout d’abord interrogé Randy de Puniet sur les conséquences du graining sur le pilotage, puis Guy Coulon pour avoir “le point de vue du box”, et, dans une dernière partie, nous avons obtenu l’expertise de Michelin sur la question.
Nicolas Goubert, Directeur adjoint,
Directeur technique et Superviseur du programme MotoGP chez
Michelin Motorsport : « Graining est un mot anglais
qui est utilisé différemment dans le monde de la voiture, et
dans celui de la moto. En voiture, il est beaucoup utilisé mais il
n’a pas du tout le même sens et, d’ailleurs, je ne suis pas
persuadé que tous les gens qui l’utilisent en MotoGP lui donnent
tous le même sens (rires).
En voiture, on l’utilise quand les gommes ne travaillent pas dans
leur fenêtre de fonctionnement, souvent quand les températures sont
trop basses et que le pneu s’use prématurément. Généralement, ça
arrive le matin quand il fait frais et ça ne se produit pas
l’après-midi. Le pneu s’use alors « en rouleaux ».
Concernant Lorenzo, qui a effectivement employé ce mot-là, il
utilise ce terme quand le pneu se marque au fil des tours. Et à
Barcelone, ça lui est arrivé assez rapidement. Mais un pilote peut
le sentir ou ne pas le sentir. Selon lui, c’était associé à une
baisse de potentiel, et quand le pilote a quelque part peur de ça,
en effet, il a tout de suite peur de chuter dès qu’il voit le pneu
se marquer un peu, même si le potentiel n’a pas forcément
baissé.
Mais à Barcelone, Lorenzo avait l’air véritablement gêné en course,
beaucoup plus que son coéquipier. Et c’est arrivé beaucoup plus
vite sur sa moto que sur celle de Rossi. »
Est-ce dû au pilotage?
« Oui, probablement, à l’ensemble pilotage-réglages. Il y
avait un gros écart entre les deux. C’est parfois difficile à
comprendre et à en trouver la solution. Là, on n’avait pas, comme
en voiture, une usure en rouleaux, mais juste une dégradation de
l’aspect du pneu suite à une usure rapide et localisée.
Chez Lorenzo, c’était une bande assez étroite qui apparaissait au
bout de quelques tours, avec un pneu qui se marquait sur une
largeur d’un centimètre, pas plus. C’était le résultat de
l’association pilote-réglages-pneu et c’est arrivé beaucoup plus
tard chez Rossi qui, lui, a déclaré qu’il avait été satisfait du
pneu avant jusqu’à la fin de course.
Donc même si on voyait que la pneu avait travaillé et était marqué,
il n’y a parfois pas d’impact sur le niveau d’adhérence. C’est
arrivé plus tard chez Rossi, et il n’était pas gêné, alors que chez
Lorenzo, c’est arrivé beaucoup plus tôt, et il était gêné.
Toutefois, on peut remarquer que Lorenzo était extrêmement
performant le vendredi, bien qu’il ait déjà eu ce qu’il appelle ce
graining. Le samedi et le dimanche, il s’est montré moins
performant. Était-ce aussi dû au tracé qui lui convenait moins
bien, a-t-il été marqué plus que d’autres par l’accident
fatal que l’on a connu, Luis Salom étant majorquin , je ne
sais pas. »