L’entreprise Geo Technology, basée en Suisse, est aussi discrète que bien implantée dans le monde de la compétition moto et voiture. Les passionnés connaissent ce nom comme étant la société ayant assuré la préparation et l’entretien de tous les moteurs Honda Moto2 durant les premières années de la catégorie. Ce contrat est aujourd’hui assuré par la société espagnole Extern Pro mais il suffit d’avoir la chance de pouvoir se rendre dans les locaux de la société helvétique pour se rendre compte que les moteurs sont toujours au cœur de son activité, ne serait-ce que par la présence de quatre énormes bancs d’essais dotés des toutes dernières technologies utilisées en F1.
Pour ce qui concerne la moto, Geo Technology a ensuite assuré l’entretien des moteurs Honda MotoGP CRT ainsi que développé de façon considérable le propulseur Honda 250 cm³ NFS de Moto3 (ce n’est pas Jorge Navarro qui dira le contraire, ni Manuel Pagliani, champion d’Italie 2016).
Aujourd’hui, ce moteur est toujours en cours d’amélioration et a permis à Manuel Pagliani de remporter le championnat d’Italie en 2016, mais, parallèlement, le créateur de l’entreprise, Monsieur Osamu Goto, à aligné en championnat d’Europe FIM CEV Repsol une NTS Pro pilotée par Alan Techer.
L’objectif avoué étant de s’aligner en Grands Prix à partir de 2018, nous avons souhaité vous apporter un éclairage sur ce projet qui, comme vous le verrez, est très loin d’être fantaisiste…
Monsieur Goto, merci de nous recevoir. Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de Paddock-GP ?
« J’ai débuté chez Honda en m’occupant des systèmes d’échappement pour les moteurs CVCC. J’ai travaillé pendant 20 ans chez Honda et j’y ai passé les sept dernières années sur le projet F1, à partir de 1984. Là, j’ai travaillé sur les admissions moteur ainsi que la capacité des réservoirs d’essence. En F1, il ne doit plus y avoir d’essence quand on franchit la ligne d’arrivée, donc on travaille beaucoup sur les économies de carburant, mais aussi sur la consommation d’air. Nous avions bien progressé dans ce domaine. En 1985, je suis devenu Racing Team manager pour les quatre dernières courses. Nous avons gagné les trois dernières courses avec Nigel Mansell et Keke Rosberg. Nous avons été champions du monde des constructeurs en 1986, 1987 et 1988. En 1988, cela a été une année fantastique avec Senna et Prost et j’ai travaillé avec Honda jusqu’en 1990. Puis je suis passé chez McLaren pendant trois ans, R&D Manager chez Ferrari pendant trois ans, et chez Sauber pendant neuf ans, toujours pour prendre la responsabilité des moteurs. En 2006, j’ai créé cette société, Geo Technology, pour continuer à travailler avec BMW qui fournissait les moteurs F1 des Sauber. Notre métier est de faire de l’engineering moteur mais aussi d’exporter au Japon certaines technologies et matériaux européens. Nos clients principaux sont donc de grandes entreprises japonaises impliquées dans les sports mécaniques comme Honda MotoGP, Yamaha MotoGP, Suzuki MotoGP, Toyota, Nissan. En fait, tous les départements compétition des constructeurs japonais. Ceci est notre cœur de métier, mobilise nos ressources entre 75 et 80 pour cent, et procure 90 % de nos bénéfices. Notre deuxième activité et de passer des moteurs au banc d’essai, de les tester puis de fournir leurs datas. Ce n’est pas une activité très profitable, certaines années oui, mais cette année c’est faible. Ensuite, il y a les motos sur lesquels nous travaillons, et là le profit est nul. Nous le faisons donc à la fois comme un hobby et pour le marketing. C’est une passion. »
Cette passion, des motos ou des moteurs, vous l’avez depuis votre plus jeune âge ?
« Les motos, pas tellement, mais les moteurs oui. Je voulais développer des moteurs. Quand j’étais étudiant, la plupart de mes camarades ne savaient pas vraiment ce qu’ils voulaient faire. Mais pour moi, c’était très clair : je voulais être un ingénieur de développement moteur. Et c’est ce que je fais aujourd’hui. »
Concernant les motos, vous développez énormément les moteurs Honda en Moto3 pour différents championnats nationaux, et vous alignez la Moto2 NTS Pro en championnat d’Europe FIM CEV Repsol. Quelle est la suite logique de cet investissement ?
« Le projet Moto2 a démarré à l’automne 2015. Nous
travaillons avec la société japonaise NTS dirigée par Monsieur Katsumi
Namatame qui est un homme très jeune. Il a 43 ans je
crois, et sa société est en pleine expansion. À la base, c’est une
société d’usinage et ils ont de nombreuses machines cinq axes dont
certaines très grandes utilisées pour les moteurs d’avions. NTS
travaille aussi pour les départements compétition des constructeurs
japonais, c’est-à-dire les mêmes clients que nous. En moto, ils ont
commencé avec un moteur Yamaha et a remporté le championnat All
Japan avec Nozane. Puis, comme les Moto2 sont
équipées de moteurs Honda, ils ont modifié le châssis pour changer
le moteur. Ils ont roulé ainsi au Japon jusqu’en 2015, puis ont
désiré venir en Europe. J’ai donc créé un Team avec Martial
Garcia comme Team manager et Alan Techer
comme pilote. Nous avons également Laurent Pradon
comme télémétriste ainsi que les mécaniciens de Bruno Performance.
C’est donc une bonne combinaison de Japonais, Français et Espagnols
(rires).
Je pense que cela a été une très bonne idée car la moto avait
besoin d’être développée, aussi bien en qualité qu’en performance.
De mon point de vue, l’objectif était de remporter le championnat,
mais malheureusement, il y a eu chute à Barcelone. Aussi, malgré
des Top 3 et des Top 2 régulièrement, ainsi qu’une victoire à
Jerez, le titre nous a échappé. Nous avons fait une wild card en
Aragon mais nous savions que le niveau en Grand Prix était très
élevé par rapport aux championnat d’Europe. En Moto3, c’est plus
proche, l’écart est moins grand, mais en Moto2 c’est très difficile
de marquer des points. »
La moto a-t-elle évolué au cours de cette saison 2016 ?
« Oui, en permanence. Ses principales caractéristiques sont qu’elle est très bonne sur le mouillé et très facile à contrôler. Son plus gros problème était sa tenue de route sur le sec en début de saison. Nous l’avons beaucoup modifiée, que ce soit au niveau de la géométrie du châssis et de celle de la suspension arrière, mais aussi de la position du pilote et de la hauteur de selle. De même, presque tout a évolué, comme le carénage, le réservoir et la selle. Nous avons beaucoup travaillé pour la développer et nous continuerons à le faire. Par exemple, nous avons maintenant trois rigidités de châssis différentes, même si nous préférons utiliser pour l’instant celle du milieu. »
Est-ce un projet à long terme ?
« Oui. »
C’est-à-dire ?
« Nous allons faire une année de plus en championnat d’Europe pour continuer à développer la moto. Nous comprenons et maîtrisons toute la partie arrière mais nous devons encore travailler un peu sur l’avant et avons donc besoin d’une année supplémentaire. Nous prévoyons d’avoir un ou deux pilotes en championnat d’Europe, plus un pilote de développement. Le projet est techniquement bien abouti et nous savons ce qu’il faut encore améliorer pour être au niveau des Grands Prix, comme par exemple l’accessibilité et la fiabilité. La NTS 2017 aura donc un nouveau design, aussi bien au niveau du châssis que du bras oscillant, et nous continuerons à la développer. Puis, notre objectif pour 2018 sera de participer aux Grands Prix. Mais nous devons nous dépêcher car les moteurs Honda ne seront utilisés que jusqu’en 2018 et toutes les autres solutions ultérieures seront plus chères (rires). »