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Interviewer à chaud le team manager d’un pilote qui vient de remporter une course de MotoGP n’est déjà pas si courant que ça.

Mais quand ce dernier dépasse le simple récit des faits pour partager ses émotions passées et actuelles, cela prend une toute autre dimension, ce qui ne nous surprendra pas, dans un team Marc VDS où le maître mot semble être « famille »…

Michael, pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu cette course extraordinaire de Jack Miller?

Michael Bartholemy: « Sur la grille, j’ai dit aux deux pilotes qu’avec des conditions météo comme celles qu’il y avait, c’était le moment, pour un team privé, de saisir sa chance, et de donner son meilleur sur un week-end comme ça. Mais je leur ai aussi dit de rester sur leurs roues et de compter sur ceux qui allaient faire des erreurs. Cette consigne, de rester sur ses roues, Jack m’a avoué après l’arrivée qu’il y avait pensé en course. Pendant la première partie de course, quand la piste a commencé à sécher, je pense qu’on était un peu inférieur à deux ou trois autres pilotes, mais sur l’eau, je pense que Petrucci, Miller et Redding étaient les plus rapides.

Après, quand cette grosse grosse pluie est arrivée, et qu’ils ont arrêté la course, on était 8e et je me suis  « Ok, pas trop mal » parce que Crutchlow et un autre pilote nous avaient passés pendant la partie sèche, mais Miller les avait rattrapés quand il pleuvait. Donc, pour la deuxième course, comme il pleuvait,  je me suis dit « ok, aujourd’hui, on peut le faire » et on a changé le pneu arrière pour un Soft pour le deuxième départ. »

A ce moment, vous étiez sûr qu’il y allait avoir une deuxième course?

« Non. Non, parce qu’il pleuvait quand même fort, et je me suis dit que ça n’allait pas s’arrêter. Le temps a changé durant tout le week-end à Assen, mais là, je me suis dit « c’est mort . La course est arrêtée et on va être 8e. »

C’était déjà un beau résultat…

« Oui, c’est sûr, d’autant que les deux pilotes avaient bien roulé alors qu’on avait un peu raté la qualification. Mais sur l’eau, normalement, on n’est pas trop mauvais.
Donc quand ça a redémarré, je me suis que 5 ou 6, c’était possible, car il y avait 2 ou 3 personnes un peu faibles sur l’eau devant nous, et c’était sûr que pendant les 12 tours, ça n’allait pas complètement sécher. Puis il a pris un bon départ et après le premier tour, il était 4e. Et quand Valentino a chuté, ça l’a mis 3e. là, je me suis dit « ok, le podium, il est là! »
Le podium, pour un team privé, c’est déjà quelque chose de fantastique, d’extraordinaire! Puis j’ai vu que son rythme était vraiment plus élevé que les deux autres, je me suis dit « ok, on peut le faire ». Et quand il a pris la tête, c’est le genre de moment où ton cœur s’arrête de battre (rires). »

Mais avant qu’il passe Marquez, vous ne pensiez pas « reste derrière, ne va pas tout gâcher »?

« Oui et non. Deuxième, c’était parfait. « Reste derrière et regarde ce qu’il fait ». Mais il l’a tout de suite dépassé et a creusé un gros écart , parfois jusqu’à 4 dixièmes dans un partiel. Et Marquez, normalement, ce n’est pas quelqu’un qui baisse le bras dans les trois derniers tours… Là, je n’espérais que Jack était en train d’exagérer , et qu’il allait peut-être trop vite alors que Marquez la jouait pour arriver. Finalement, il a été la chercher, il a tout fait comme il fallait le faire; c’était parfait! »

Et là, ce sont les larmes qui arrivent immédiatement ?

« C’est sûr et certain. Je suis dans ma 26e saison en moto, c’est ma première victoire en MotoGP alors que tu sacrifies beaucoup à ton métier, tu n’as pas une vie familiale comme les autres, tu es souvent parti, ce sont d’énormes budgets que tu dois chercher chaque année…
C’est une saison difficile, pas comme les autres saisons, certains nous critiquent, etc…
Et quand ça, ça arrive, tu mets le doigt dans le … à tout le monde et tu te dis que tu n’étais pas complètement con par rapport à ce que tu as fait. Lors des deux courses difficiles, l’an dernier à Misano et cette année à Assen, on a, à chaque fois, mis notre pilote sur le podium; ça veut dire que le team, les gens qui travaillent et les choix qui ont été faits, tout ça n’était pas mauvais, et ça te récompense un peu de tout ce stress accumulé pendant des années. Ce sont toutes ces émotions là qui arrivent d’un coup.
Aujourd’hui, je me sens mieux, je pense au résultat, alors qu’hier, je pensais aux gens qui me critiquaient, qui disaient que j’avais fait le mauvais choix avec la moto, les sponsors qui ne sont pas contents parce qu’on est pas assez présent à la télévision, etc. C’est tout ça qui vient un peu. »

Et monsieur le comte Marc van der Straten, comment il vit ça?

« Oh monsieur le comte, il est sur le dixième nuage (rires). C’est normal. Je dois dire aussi que je n’ai pas trop trop eu le temps de parler avec Marc après la course, car après la victoire j’ai dû aller à gauche à droite, mais c’est sûr qu’aujourd’hui et demain, il y a le monde entier qui parle de lui. On est quand même le dernier team qui est arrivé en MotoGP , et à part Ktm, on sera le dernier. Gagner une course, c’est l’objectif de tous les autres teams privés, et c’est rare d’y arriver, comme Gresini en 2006 avec Elias.  Marc est fier de ça, fier de ce qu’il a fait, d’avoir son propre team qui porte son nom, et c’est normal. »

Et Jack?

« On a pas mal parlé et on a fait une petite fête. C’est sûr qu’il est content; quand tu gagnes en MotoGP à 21 ans, c’est quelque chose! Il est ravi et très motivé, mais de toute façon, lui comme Rabat, il donne toujours 110% à chaque week-end. Il ne roule jamais à 90% et, ce que j’espère, c’est que la prochaine fois qu’on aura une occasion comme celle-là, on saura la prendre, et j’aimerais bien qu’on soit dans le Top 10 ou 12 du championnat pour cette première année avec lui. Là, on est 13e, donc pas trop loin de ça, et jusqu’à maintenant, on a fait ce qu’on a promis au monde de faire. »

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