Si 2016 était caractérisé par le retour de Michelin en MotoGP, la saison marquait également l’entrée en vigueur du logiciel électronique unique pour toutes les équipes MotoGP. Loris Baz a accepté de nous expliquer le fonctionnement des commandes de l’électronique qui se trouvent sur sa Ducati.
Celle-ci est au cœur du développement d’une MotoGP et joue un rôle crucial tout au long d’un tour, d’une course et d’une année. Le pilote Avintia Racing a connu plusieurs gestions électroniques différentes. En effet, le Français, ancien pilote WorldSBK, a connu la version Open et la version unique actuellement en vigueur.
À l’issue du test de pré-saison à Jerez, le Haut-Savoyard revient donc sur le fonctionnement précis de son électronique, son rôle, ainsi que sur les difficultés rencontrées durant un week-end de Grand Prix, avant de nous partager son éclairage sur la performance de Jonathan Rea lors des tests de Jerez. Nous l’en remercions grandement.
La première partie de l’article se trouve ici.
- Quelle est selon toi la part du réglage de l’électronique durant un week-end ?
« Durant chaque séance et après chaque arrêt au box, nous
repartons avec de nouveaux réglages à la fois électroniques et
châssis. Entre chaque séance et chaque jour, nous essayons
d’ajuster et d’adapter les réglages à tous les virages.
C’est toujours très délicat : il faut avoir plus de puissance en
sortie, mais ne pas cabrer, et pas trop de puissance pour ne pas
user le pneu… C’est vraiment un compromis à trouver. »
- Avant de passer au logiciel unique, tu as connu le logiciel Open, as-tu ressenti une réelle différence entre les deux logiciels ?
« Le logiciel unique est un peu meilleur que l’Open. La
principale différence est que ce logiciel a permis de réduire
l’écart avec les machines officielles.
Par exemple, les machines officielles pouvaient se configurer
automatiquement au fur et à mesure de la course en fonction de
plusieurs paramètres comme l’usure des pneus. D’un tour à l’autre,
elles étaient en mesure de s’adapter. Cela avait créé des
différences importantes avec les machines satellites et
privées. »
- Cette saison, toutes les motos sont logées à la même enseigne avec 22L de carburant en comparaison aux 24L pour les Open et 20L pour les usines en 2015. Était-ce une problématique cette saison ?
« Cette année, la gestion de la consommation a été beaucoup plus compliquée que l’année dernière. Sur certains tracés, nous devions utiliser moins de puissance pour arriver au bout de la course. C’était vraiment juste sur certains circuits, nous faisons le tour de chauffe avec une map « économique » avec laquelle nous roulons à basse vitesse pour ne pas consommer. Nous changeons ensuite la map durant la course pour faire en sorte de rallier l’arrivée: si on a trop patiné, si on a roulé plus ou moins vite en début de course, on sait si on va aller au bout ou non. Cette saison, on a dû être très attentifs à Austin et Autriche… très souvent aussi, les circuits avec de longues lignes droites. »
- Le Launch Control est-il vraiment indispensable au départ ? Est-ce difficile de l’utiliser selon sa position sur la grille ?
« Je pense qu’un départ parfait sans Launch Control est plus rapide qu’un départ avec le Launch Control. L’avantage de ce système est qu’il permet de répéter beaucoup plus facilement la procédure d’un départ à l’autre. Le système limite le régime et nous n’avons plus qu’à nous concentrer sur la poignée de gaz et l’embrayage sans se soucier de cabrer et de gérer la puissance. Nous utilisons très souvent la même map pour cela, cela dépend de la boite de vitesses que nous utilisons, longue ou courte. »
- Avez-vous obtenu des évolutions durant la saison ?
« Nous avons eu quelques mises à jour tout au long de la saison, mais je ne connais pas en détail le contenu de celles-ci. »
- Penses-tu qu’avec le logiciel unique, le pilotage retrouve son importance ?
« Ce sont des choses différentes. Malgré l’usage du
logiciel unique, le pilotage est toujours aussi important. Il faut
prendre en compte d’autres éléments par rapport aux saisons
précédentes.
Selon moi, il est plus difficile d’aller plus vite avec
l’électronique que sans. Sans l’électronique, partir en highside en
accélérant trop tôt sur l’angle est facile à comprendre. Avec
l’électronique, ce phénomène simple est moins évident à détecter.
Il faut être très sensible pour comprendre ce qu’il se passe, les
coupures et le comportement de la moto. Il est très difficile de
comprendre l’erreur qu’on a pu commettre, de trouver la meilleure
trajectoire pour ne pas cabrer… C’est d’ailleurs pour cela que nous
zigzaguons en ligne droite, afin ne pas cabrer.
J’ai toujours aimé les motos sans électronique, mais je pense que
sur une MotoGP, ce serait très compliqué de s’en passer. Ce sont
des machines qui avoisinent les 280 chevaux. Elles sont tellement
radicales et rigides qu’il y aurait beaucoup trop de chutes et que
ce serait dangereux
On a tendance à dire que c’est plus simple avec l’électronique,
mais c’est faux. Ce sont toujours les meilleurs devant. Sans
l’électronique, ce serait toujours les mêmes qui seraient devant.
Le pilotage est seulement beaucoup plus fin, beaucoup plus contrôlé
et limité. Rossi a connu des ères différentes et il a toujours été
devant… »
- Tu termines le test à Jerez à l’issue duquel Rea a été le plus rapide. En tant qu’ancien pilote WorldSBK, comment expliques-tu cela ?
« Il y a plusieurs paramètres à prendre en compte. Le temps
qu’il a fait est incroyable, il n’y a rien à dire. Il a été très
vite. Mais durant le test que nous avions réalisé à Jerez en
WorldSBK, j’avais déjà roulé en 1’39.3.
Ce ne sont plus des motos de route en WorldSBK. Je pense que le
budget de Kawasaki en WorldSBK est aussi élevé voire davantage que
celui de certaines équipes en MotoGP. Il y a le pneu de
qualification à prendre en compte qui fonctionne très bien
lorsqu’il fait froid ainsi que le niveau du WorldSBK. Beaucoup
pensent que le niveau du WorldSBK est bas, alors que c’est tout le
contraire, le niveau est très élevé. Je l’ai toujours dit et j’ai
toujours défendu cela. Nous en avons la preuve aujourd’hui.
Aussi, Jerez, tout comme Assen, est un circuit où nous ne sommes
pas à pleine puissance très longtemps. La différence est donc moins
nette avec le WorldSBK.
J’ai roulé très souvent avec lui durant ces deux jours. C’est
amusant de voir le style différent entre une WorldSBK et une
MotoGP. Une Superbike rentre très fort sur les freins pour casser
la courbe alors qu’en MotoGP, nous avons beaucoup de vitesse de
passage. Parfois, j’avais l’impression de ne pas rouler sur le même
circuit en le suivant. »
- Vers un troisième titre de Rea la saison prochaine ?
« Je pense qu’il sera fort, mais je n’exclus pas Davies. La fin de saison qu’il a réalisée a été impressionnante. Il faudra voir si avec les changements apportés au règlement, il pourra reprendre l’avantage. La Ducati est de plus en plus rapide. La Panigale R est une machine qui fonctionne vraiment très bien. »