Les essais Yamaha à Sepang sont terminés depuis quelques jours et, appliquant à la lettre la consigne de Yamaha, Johann Zarco ne parlera pas. On peut en être certain puisque qu’il n’avait déjà pas dit un seul mot sur ses essais à Motegi pour le compte de Suzuki.
Aussi, trouvons-nous intéressant de vous partager l’intégralité de son débriefing “médias” au terme de ses premières journées d’essais sur la Yamaha Tech3 à Valence, ce qui est, du moins à nos yeux, comme un petit moment d’histoire.
L’occasion aussi de constater que notre double champion du monde possède un caractère bien trempé et n’est pas en MotoGP pour faire de la figuration, même si personne n’en doutait vraiment…
Note : L’entretien s’est déroulé moitié en anglais, moitié en français. Les propos du pilote français concernant la première journée sont accessibles ici.
Johann Zarco: « Très bonne deuxième journée. A coup sûr, je suis plus heureux qu’hier car j’ai pu mieux contrôler la moto et, au final, le chrono est très bon. Même avec des pneus usés, je ne perdais pas une ou deux secondes, mais seulement quelques dixièmes. C’est pourquoi toute la journée a été positive et j’ai été heureux qu’avec quelques petits changements sur la moto, j’ai pu mieux piloter la Yamaha et aller dans la bonne direction, tout en me relâchant également. Car être relâché est toujours un point très important. Au final, on a compris beaucoup de choses et j’ai compris beaucoup de choses, ce qui est bien pour le prochain test et ma prochaine expérience sur la Yamaha.
Avez-vous pu rouler avec Valentino aujourd’hui ?
« (Rires) J’ai eu une bonne référence avec Lorenzo et avec
Pedrosa. Peut-être que Pedrosa et Lorenzo sont les meilleurs
références pour un pilotage fluide. Pour le moment, en venant de la
Moto2, c’est un pilotage fluide qu’il est nécessaire
d’apprendre.
Valentino, je ne l’ai vu qu’une fois, et, comme j’attaquais, j’ai
ralenti en pensant qu’il allait revenir, mais non, il attendait et
était très loin. J’ai donc toujours ce rêve de le suivre et ce n’a
pas été pour ce test. »
Sur quels réglages avez-vous travaillé ?
« Nous avons travaillé sur l’équilibre de la moto, les suspensions que nous avons légèrement modifiées pour me procurer un meilleur feeling et me permettre de piloter d’une bonne façon. Il s’agissait surtout de petits réglages pour légèrement modifier la moto pour avoir un meilleur feeling. »
Vous avez roulé les deux jours avec la même configuration électronique ?
« Quand nous avons atteint le 1’31.5, nous avons analysé qu’il était temps de faire quelques changements sur l’électronique car j’étais en mesure de les ressentir. Avec le Traction Control, pour essayer de comprendre différentes cartographies. Pour bien les comprendre, après mon tour en 1’31.5, je suis reparti avec des pneus usés et pendant 10 ou 12 tours, j’ai pu changer les cartographies pour les ressentir. C’était intéressant car il n’était pas nécessaire de changer les suspensions, mais juste avec l’électronique, vous pouvez avoir moins de mouvements et plus de contrôle. »
Quelles motos utilisiez-vous ?
« Nous utilisons les motos de Tech3, mais quoi qu’il en soit, elles sont similaires aux motos officielles. Avec Yamaha, il faut comprendre qu’ils sont toujours en train de changer de toutes petites choses. Disons que ce sont les mêmes mais qu’elles sont différentes. Non, la moto est suffisamment bonne comme ça et (hier) nous avons pu nous servir des références de dimanche dernier, mais elles avaient été faites avec les ailerons. Donc aujourd’hui, c’était mieux car nous avions les références de Vinales à la première journée de test, qui était sans les ailerons et avec de bons chronos. C’était donc une meilleure référence pour nous et pour moi. »
Votre objectif pour la semaine prochaine à Sepang ?
« L’objectif est de continuer à piloter avec un bon rythme, pas loin des meilleurs chronos, car si je suis trop loin des meilleurs chrono, je n’obtiens pas les bonnes sensations. Et analyser. Je pense que ce sera une très bonne chose de changer de circuit car Valence est un circuit très court pour les MotoGP, alors qu’en Malaisie il s’agit d’un grand circuit; ce sera donc très bien de changer de circuit pour l’esprit, d’autant qu’après la saison de Moto2, le corps et l’esprit ont le rythme. En changeant de circuit, j’aurai de nouvelles références et l’objectif est d’être aussi prêt que possible des meilleurs. »
Physiquement, vous vous sentez fatigué ?
A la fin de cette journée, après avoir fait deux séries de 60 tours, oui, vous ressentez une légère fatigue, mais c’est normal. Même en Moto2, après 60 tours, vous pouvez être fatigué. Plus relâché je serai, et mieux je serai physiquement. La Malaisie sera également intéressante s’il y fait chaud, car avoir un feeling difficile à cause de la température me préviendra avant décembre en vue de mon entraînement. »
Vous attendiez-vous à un premier test aussi satisfaisant ?
« Je m’attendais à faire mieux, mais je suis heureux de la situation actuelle. Je ne voulais pas être à plus d’une seconde, et j’étais à moins d’une seconde quand j’ai arrêté, mais Vinales a amélioré. Nous sommes à une seconde et je pense que c’est très positif. »
Tu avais besoin d’une première journée pour te décontracter et évacuer cette pression. Aujourd’hui était plus facile, à cet égard ?
« Oui, la première journée, il y avait vraiment beaucoup de choses nouvelles, à commencer par les pneus car, toute ma vie, j’ai piloté avec des Dunlop, et le caractère des pneus Michelin est différent. Il était nécessaire de continuer à attaquer pour ne pas perdre trop de temps. Cette deuxième journée, après une bonne nuit, j’étais prêt à utiliser davantage les pneus Michelin et cela m’a beaucoup aidé pour piloter la moto. La nuit porte conseil… »
Que te manque-t-il à l’issue de ces deux jours. Tu désirais autre chose ?
« Non. Le 1’31.0, pour parler de chronos, est très satisfaisant, et il ne faut pas vouloir « manger le gâteau d’un seul coup », comme dirait Laurent. Il faut vraiment se satisfaire de ça. Quand je vois Vinales rouler à la télé, quand il a enchaîné son 1’30.0 et son 1’29.9, il y a des choses que j’aimerais faire, mais que je ne me sens peut-être pas encore prêt à faire, ou peut-être que je ne gère pas la moto comme il le faudrait. Mais déjà, j’arrive à le voir, donc ça permettra de travailler dessus. Mais là, je crois qu’il faut savoir se satisfaire de cette belle progression et du contrôle que j’ai. J’ai fait beaucoup de tours dans les 1’31, et pas seulement sur une séance, mais lors de deux ou trois séances, j’ai répété les 1’31, avec les meilleurs 1’31 sur la fin, et ça, si on compare à la course du dimanche, c’est très positif. »
Hier, tu étais le plus impressionné par la puissance. Et aujourd’hui ?
« L’accélération est quand même démoniaque, mais on arrive à y prendre du plaisir. C’est là où est l’adrénaline, et c’est excitant (rires). L’autre phase qui est vraiment tip-top par rapport à la Moto2, c’est le moment où on doit ouvrir les gaz: on a le double de chevaux, et pourtant on peut ouvrir plus tôt et plus fort qu’avec une Moto2. C’est le grip qui permet ça. Et c’est la manière qu’il faut pour aller vite, et ça, au départ, le corps, le cerveau, ne veut pas, parce qu’il se dit « avec tant de puissance, je ne peux pas accélérer plus tôt et plus fort » , et pourtant c’est comme ça que la moto veut être conduite. Une fois que l’on comprend ça; pour l’instant, à chaque fois que j’ai mon repère et que j’accélère plus tôt et plus fort, je suis toujours presque en admiration de ça. Sur le moment , c’est « whaou, whaou, whaou » ! Et ensuite, c’est l’accélération. Cette phase d’accélération, ce premier coup de gaz; la moto réagit d’une manière tellement sûre, c’est impressionnant, et bien. »
Le fait d’avoir une équipe beaucoup plus nombreuse autour de toi ne te dérange pas ?
« Le premier débrief est en anglais parce que, par exemple
il y a le technicien suspensions et les ingénieurs japonais à côté.
Puis, après les premières sensations, si quelque chose me revient
mais qu’il n’y a plus de Japonais autour, naturellement ça sortira
en français .
Plus de monde… moi je parle vraiment à l’ensemble ou à une personne
et après, à lui de retransmettre aux autres s’il le faut, mais il
ne faut pas que ça complique les choses, et moi ça ne me complique
pas. Je veux dire que malgré qu’il y ait plus de monde, ça ne
changera pas mon commentaire. »
Guy (Coulon) nous a dit que tu avais progressé tout au long de la journée, tout seul, sans qu’il ait eu besoin de beaucoup t’aider. Tu as eu ce sentiment là ?
« Non, non. Parce que lui, il trouve que ce qu’il a fait sur la moto, c’était rien du tout, mais moi je lui ai dit, c’est mon défaut et ma qualité, que peu me fait énormément de différence. Donc ça me laisse peut-être une marge de réglage très petite, qu’on va essayer de développer cette hiver. C’est peut-être son côté presque humble qui lui fait dire « on n’a pas fait grand-chose », mais de m’avoir suivi dans cette direction, ça m’a énormément aidé. Il faut les deux choses en même temps: donner la confiance au pilote, et après, le pilote il fait. Mais, il faut quand même lui apporter cette confiance. En tout cas pour ma part, c’est notre méthode de travail et de fonctionnement. »