Comme à chaque Grand Prix depuis le début de la saison, Hervé Poncharal a la gentillesse de nous partager sa vision de la dernière course.
Dans cette seconde partie, le boss du team Monster Yamaha Tech3 nous explique pourquoi les ailerons seront sans doute amenés à disparaître…
Hervé, il y a eu une Commission Grand Prix à Jerez. Avez-vous parlé des ailerons?
Hervé Poncharal: « Oui, nous avons abordé
le sujet. Concernant les Moto3 et les Moto2, vous savez déjà
ce qui a été décidé. En MotoGP, il y a encore
des « pour » et des « contre » et les
constructeurs doivent se positionner au Mans.
La problématique est double; il y a tout d’abord la sécurité, puis
le coût financier.
Evidemment, il y a avant tout le problème de sécurité. Nous avons demandé aux constructeurs de s’engager par écrit à ce que les ailerons ne soient pas dangereux. S’il y a un problème, ce sera de leur responsabilité, ce qui devrait les faire réfléchir.
Ensuite, il y a le problème du coût. A ce sujet, Carmelo
Ezpeleta nous a dit une chose très vraie.
Il y a des ingénieurs payés par toutes les usines pour trouver des
solutions pour être plus performants Il a quelques années, un
ingénieur Honda a donc étudié le règlement et a inventé une super
boîte qui s’appelle la boîte seamless. Le règlement ne mentionnait
rien à ce sujet, donc c’était légal. Comme on pouvait s’y attendre,
toutes les autres usines ont emboîté le pas et, aujourd’hui, tous
les teams disposent de boîtes seamless, « up and down »,
y compris les équipes indépendantes.
Combien cela a coûté? Des dizaines de millions d’euros pour
l’ensemble du paddock. Vraiment.
Qu’est-ce que cela a apporté? 0,1 ou 0,2 seconde au tour, personne
ne peut vraiment quantifier.
La question est: « est-ce que cela a vraiment apporté quelque
chose au Championnat? Est-ce que si on avait encore des boîtes
non-seamless, le championnat serait moins excitant?
Non.
Aujourd’hui, il y a quelque chose avec une approche un peu
similaire, sur le plan l’aérodynamique; les ailerons. Ils ne sont
pas illégaux car le règlement actuel le permet. Ducati a donc
relancé le sujet.
Mais certains constructeurs sont venus et nous ont dit qu’ils
avaient la possibilité de travailler très fort sur le sujet, à
grand renfort de soufflerie, que ça allait être la guerre et que ça
allait coûté très très cher.
Alors, encore une fois, a-t-on intérêt à s’engouffrer
là-dedans? Est-ce que ceux qui ont commencé n’ont pas ouvert la
boîte de Pandore et ne vont pas se retrouver face à des
constructeurs qui ont d’énormes moyens techniques, avec plusieurs
souffleries à leur disposition?
On peut donc se retrouver encore une fois à devoir faire face à des
inflations galopantes, mais en définitive, pour quel bénéfice au
niveau du spectacle?
On attend donc les propositions des constructeurs par rapport à
ces deux points.
Je n’ai aucune certitude sur ce qui en résultera mais on pourrait
aboutir à quelque chose d’analogue à ce qui s’est passé en Moto3, à
savoir respecter le travail et l’investissement de Ducati en
autorisant les ailerons jusqu’à la fin de l’année, si tant est que
les constructeurs endossent la totale responsabilité de ces
appendices aérodynamiques. Cela laisserait à Ducati le temps de
concevoir leur moto 2017 sans ailerons. Mais rien n’est certain,
car certains concurrents mettent en avant les problèmes de
sécurité. Le cas de Iannone qui a coupé le support de caméra de
Marquez n’est pas à prendre à la légère.
Donc tout le monde réfléchit à la question et une décision sera peut-être prise dès Le Mans. »