Ces derniers temps, nous avons abordé à plusieurs reprises la problématique du manque relatif d’intérêt des grands médias pour la moto, que ce soit à l’occasion de la conférence de presse de la FFM avec Johann Zarco, ou en notant la parution de plusieurs articles sur le sujet dans le Figaro, média national qui a donné la parole à Jacques Bolle et Hervé Poncharal, avant d’interroger le double champion du monde lui-même.
Nous avons par ailleurs interviewé Michel Turco pour essayer de comprendre si le succès de son livre sur Valentino Rossi pouvait être considéré comme un frémissement de l’intérêt du grand public. Pour rappel, son livre « Valentino Rossi la légende » est disponible sur internet mais également dans les différentes FNAC, donc aux yeux de tous les clients, ce qui pourrait fournir un indicateur intéressant.
Michel Turco: « On ne peut pas faire de
bilan aujourd’hui, car un livre est déposé en librairie mais les
libraires peuvent le renvoyer s’ils ne l’ont pas vendu. La seule
chose que l’on peut dire, c’est que l’éditeur était parti sur un
premier tirage de 4000 exemplaires et qu’ils se sont envolés en
trois jours lors de la sortie. Aujourd’hui, nous en sommes à 17 000
livres imprimés, dont 12 000 avaient été installés en librairie à
la mi-décembre. Il y a donc eu un effet de surprise et, en tout
cas, l’éditeur ne pensait pas qu’un livre sur la moto pouvait avoir
un tel succès. Aujourd’hui, que ce soit à la FNAC ou sur Amazon, le
livre est la meilleure vente sur les sports mécaniques, et figure
parmi les meilleures ventes en sport. Quand il est sorti, il
était même dans les meilleures ventes de livres en général.
Il y a eu un effet de buzz sur les réseaux sociaux et également des
articles sympas sur Internet et dans la presse. Donc,
effectivement, il y a eu un effet de surprise et un vrai
succès pour ce que représente la librairie et la moto. Alors est-ce
que cela laisse augurer que la moto peut devenir un sport de
premier, là je pense qu’il faut rester très prudent. Le sujet était
Valentino Rossi et on sait que Valentino Rossi est une icône du
sport moto. En tout cas, on s’aperçoit qu’un gars comme ça peut
intéresser un public assez large. Mais, encore une fois, il faut
rester prudent pour le reste. »
Julie Fourcade, avec son livre gagné à notre Jeu-Concours…
Grâce à sa diffusion dans les FNAC, peut-on avoir des retours précis permettant de qualifier les lecteurs, entre le passionnés de MotoGP, passionnés de sport en général et le grand public ?
« Je pense que l’effet de buzz et les premières ventes se
sont faits d’abord avec les fans de Rossi, et on sait que c’est une
communauté très importante et qui consomme beaucoup: il suffit de
voir le nombre de casquettes et de t-shirts que VR46 vend sur les
circuits. Le fan de Rossi consomme et un livre comme ça, il n’y en
avait pas non plus, et cela a été amplifié par le prix abordable et
les cadeaux de Noël. Donc le livre a rencontré un succès et la
FNAC, qui n’avait prévu de telles ventes, a réagi en le mettant en
évidence et en les disposant partout. Aujourd’hui, je continue à
recevoir des photos du livre en tête de gondole, comme à la FNAC
d’Aubenas. Donc ça veut dire que cela s’est bien venu et que les
librairies sont prêtes à jouer le jeu en le mettant en
évidence.
Alors après, est-ce qu’il y a des gens qui ne s’intéressent pas à
la moto et qui vont l’acheter pour découvrir qui est Valentino
Rossi et qu’est-ce que le sport moto, aujourd’hui, personne ne peut
le dire. »
C’est néanmoins intéressant, car cet effet « boule de neige » est exactement ce dont à besoin le sport moto pour accéder à un public un peu plus large. A ce sujet, et au vu de ton expérience, penses-tu qu’un effet Zarco/Yamaha/Tech3/FFM/Michy pourrait, et dans quelle mesure, susciter l’intérêt du grand public par l’intermédiaire des grands médias généralistes ?
« Je pense que, s’il y a des résultats, cela va
fonctionner. On sait très bien que les médias généralistes
s’intéressent à un sportif à partir du moment où il a des
résultats, ou, en tout cas, ils ne peuvent s’intéresser à une
discipline qu’à partir du moment où il y a un de leur représentant
qui fait quelque chose. Et si le gars a du charisme, c’est-à-dire
qu’il est à la fois décontracté, souriant et pertinent, comme
Valentino Rossi, c’est encore mieux. Johann a une « bonne
tronche », il est intelligent et a à la fois de l’éducation et
une culture. A lui, maintenant, de s’habituer aux médias. Olivier
Jacque avait également une personnalité et sa première victoire en
Grand Prix, au Brésil en 1996 a été médiatisée en pleine Une dans
l’Equipe.
Est-ce que qu’on peut revenir à des choses comme ça ? Il faut aussi
tenir compte qu’à l’époque, par exemple dans le cas de l’Equipe, il
y avait des gens qui avaient un vraie fibre pour les sports
mécaniques. Et malheureusement, en tout en France, ce n’est plus
vraiment dans l’air du temps.
Donc on ne peut qu’espérer que l’association Zarco/Tech3 fasse
quelque chose, mais les deux titres de champion du monde de Johann
n’ont pas eu un grand retentissement. Donc j’aimerais être
convaincu, mais je ne le suis pas vraiment. »
Est-ce un combat perdu d’avance ?
« Non. La presse spécialisée joue le jeu et s’évertue à soutenir tout ça et on a aussi de belles initiatives, comme France Télévision qui, l’année dernière, s’est intéressé au grand Prix de France et a obtenu 900 000 téléspectateurs en direct. Du coup, ils vont le faire pendant deux années de plus et ça donne un coup de projecteur sur le Grand Prix de France et la moto. Ce sont des choses très positives. »
On le voit, le discours de Michel Turco est lucide : l’objectif visé est très ambitieux et le chemin sera difficile. Ce n’est pas une raison pour ne pas l’emprunter et, pour cela, Johann Zarco aura besoin de tous les passionnés français et de toutes les forces que comptent le monde de la moto francophone.
Mais nous ne doutons pas que vous serez fidèles, ce qui, associé à son mental de double champion du monde, pourrait bien aider Johann Zarco à soulever des montagnes…
C’est en tout cas ce que nous souhaitons !