Vous l’avez sans doute remarqué, nous n’avons pas diffusé le communiqué de presse de Michelin suite au Grand Prix en Aragon, et ce, contrairement à nos habitudes.
En effet, vous vous ferez votre propre idée en le lisant ici, mais nous avons pensé que, pour une fois, il omettait une partie des problèmes rencontrés en course, que ce soit par Dani Pedrosa avec son pneu avant dont des photos ont été diffusées sur Internet, voire même par les Ducati dont aucune ne termine dans le Top 10.
Nous souhaitions donc interroger Nicolas Goubert (Directeur adjoint, Directeur technique et Superviseur du programme MotoGP, Michelin Motorsport) sur le sujet afin d’obtenir quelques réponses. Cela est fait, grâce à sa grande disponibilité et nous l’en remercions.
En Aragon, nous avons vu un Andrea Dovizioso très performant au warm up et en début de course, avant qu’il ne ralentisse pour finir, certes première Ducati, mais 11ème à plus de 30 secondes. Que s’est-il passé?
« Dovizioso a eu essentiellement un problème de vibrations
sur le pneu arrière. Il y a effectivement eu de la rotation sur
jante, ce qui a pu engendrer des vibrations, ce qui peut être
pénalisant. Alors à quel tour cela est arrivé, je ne sais pas car
nous n’avons pas encore rebouclé avec les gens de Ducati qui
doivent le voir à l’acquisition. C’est ça qui a provoqué
l’affaiblissement des chronos de Dovizioso. Si l’ensemble est monté
et bien équilibré en début de course, cela déséquilibre l’ensemble
ensuite. Cela apparaît quand on passe du couple et il peut y avoir
plusieurs causes; c’est bien sûr une inadéquation du pneu sur la
roue malgré son revêtement antidérapant. Ceux-ci sont tous plus ou
moins équivalents à l’œil, mais plus ou moins seulement car en fait
ils ne le sont pas du tout, et si vous passez le doigt, vous verrez
qu’ils ne sont pas équivalents du tout. Ce n’est pas quelque chose
de très facile à régler car si vous mettez trop d’antidérapant,
cela empêche le pneu de se mettre correctement sur la jante et ça
provoque aussi des vibrations, mais ça, dès le début. C’est donc
quelque chose que l’on n’a vraiment eu besoin de travailler avec
Ducati, mais là il faut qu’on regarde pourquoi c’est arrivé, car il
peut y avoir aussi de l’usure de ce revêtement. On n’a pas eu ce
problème depuis le début de saison et il apparaît seulement
maintenant, donc il faut qu’on regarde.
L’autre point très important, c’est que, de temps en temps, Ducati
fait le choix de pneus arrière plus soft que d’autres. Souvent,
quand cela se produit, ils ne sont pas les seuls et parfois
Pedrosa, parfois Lorenzo, font également ce choix. Mais sur cette
course, en Aragon, les pilotes de tête avaient le pneu arrière dur,
alors que les Ducati avaient le Soft. En plus des vibrations, que
cela ait joué sur la perte de performance de Dovizioso, ce ne
serait pas une grosse surprise… »
Il est vrai qu’avec le nombre de solutions aujourd’hui utilisables en course, plus important que par le passé, c’est au pilote et à son équipe de choisir la bonne, et cela se joue parfois sur la grille de départ…
« Oui, la balle est dans leur camp et ce choix n’est pas facile, sinon personne ne se tromperait jamais (rires). Il se trouve que, jusqu’à maintenant, les choix osés ont plutôt payé, d’autant que, souvent, ce n’était pas sur l’ensemble des huit motos. Mais là, je pense que c’était un peu plus osé, et ça n’a pas payé. »
Deux photos du pneu avant de Pedrosa ont circulé sur Internet. Que s’est-il passé?
« Oui, je dirais que c’est regrettable car il est évident que ce n’est pas un aspect normal du pneu, on ne va pas se le cacher. Le plus important est qu’il ait pu finir la course en toute sécurité malgré de fortes vibrations. A quelle position aurait-il pu terminer sans avarie, je ne sais pas. Je ne pense pas qu’il aurait menacé les trois premiers mais il aurait certainement fini en meilleure position. C’est sûr et c’est regrettable, et nous sommes en train d’analyser le pneu pour savoir ce qui s’est passé. »
Peut-on donc davantage penser à une défectuosité isolée du pneu plutôt qu’au résultat d’un ensemble choix de gomme/réglages/caractéristiques du pilote/style de pilotage, puisque Pedrosa avait la même monte que les Yamaha officielles?
« Il avait les mêmes pneus que Lorenzo, pas que Valentino… »
Sur le tableau que vous avez diffusé, les deux pilotes Movistar Yamaha avaient pourtant les mêmes pneus…
« Il faut faire attention à ce tableau car il est restrictif et juste indicatif. Pedrosa n’avait pas le même pneu (avant) que Valentino et avait le même que celui de Lorenzo et pas mal de pilotes Ducati. »
Ce qui veut dire que Rossi avait un pneu dur à l’avant?
« Non. C’est un peu compliqué de renter dans le détail. Les trois premiers pilotes avaient trois pneus (avant) différents. Le pneu de Pedrosa/Lorenzo/Dovizioso était le plus soft des trois. Dovizioso s’en est plaint, mais il s’en est plaint du côté droit, peu sollicitant, et je pense qu’il a surtout été embêté par les vibrations causées par l’arrière. C’est ma conclusion car c’est impossible, pour le pilote qui a des vibrations, de savoir d’où elles viennent, et puis ensuite, de réellement évaluer la performance du pneu et d’aller à la limite. C’est arrivé après à Pedrosa, et c’était criant. »
Donc, pour Pedrosa, on peut dire une petite défectuosité ponctuelle?
« (Rires) On va dire une usure et un aspect totalement anormal, ce qui n’a pas été le cas sur l’ensemble des pilotes qui avaient ces pneus là. C’est le constat. Maintenant, vous savez, quand on a eu l’avarie du pneu de Scott Redding, il y avait beaucoup d’autres pilotes qui roulaient avec ce pneu là à l’arrière. Les conclusions sont difficiles là tirer sans analyse donc j’évite d’en tirer pour l’instant. Et par mesure de précaution, nous ne ramènerons pas ce pneu là sur les autres courses tant que l’on n’a pas le résultat des analyses, comme on a fait avec le pneu de Redding où on n’avait pas ramené la même architecture. Et bien là, on ne va pas ramener cette gomme là. »
A suivre…
Crédit photo : Michelin