Lorsque PaddockGP s’est rendu à Carthagène, en décembre dernier, dans le cadre des essais privés organisés par Johann Zarco, nous avons eu la chance d’échanger avec les membres de l’équipe de France en European Talent Cup (ETC). Après David Da Costa, et Gabriel Pio, notre série d’interviews se poursuit avec celle d’Enzo Bellon, jeune pilote réunionnais plein d’ambition.
Il n’est jamais facile de se faire remarquer lorsqu’on vient d’une petite île, isolée de la compétition moto. Cela n’a cependant pas freiné Enzo Bellon dans son rêve. Natif de l’île de la Réunion, il ambitionne de faire ce qu’aucun n’a fait depuis sa petite île de l’Ouest de l’océan Indien.
Au cours de nos échanges, Enzo nous retrace son parcours atypique, avant de nous faire part de sa détermination à rejoindre les Grands Prix d’ici quelques années seulement.
Bonjour Enzo Bellon, avant de commencer, pourrais-tu te
présenter en deux mots pour ceux qui ne te connaissent pas
?
« Je m’appelle Enzo Bellon, j’ai 15 ans, et je suis né à la
Réunion. J’ai commencé la moto à 8 ans, sur une 50 PW Yamaha. C’est
mon père qui m’a mis à la moto, et j’ai tout de suite accroché.
J’ai rapidement commencé en compétition, et à l’âge de 12 ans, je
suis parti en Espagne pour faire le championnat de ESBK, en Moto4.
L’année d’après, j’ai fait l’ESBK, mais en Pré-Moto3. J’y suis
resté pendant deux ans avant d’alterner avec l’ETC sur une 250 NSF.
Cette année, j’ai très mal commencé la saison, puisque je me suis
cassé le bras, radius et cubitus, durant un entraînement. Les
premières courses ont été très difficiles. J’avais du mal. Mais je
pense que ça m’a surtout aidé à me préparer mentalement. De savoir
que je pouvais le faire, que je pouvais revenir même si c’était
très difficile au début de la saison. »
Les compétition moto de vitesse, ce n’est pas commun sur
l’île de la Réunion ? Comment tu en es arrivé là ?
« Je suis quelqu’un de très sportif, et je voulais essayer. Mon
père m’a proposé d’essayer le motocross, et ensuite, on a commencé
à en faire chaque week-end. Quand il était jeune, il en faisait
beaucoup à la Réunion. Il était assez doué sur l’île. Au début, je
voyais que les autres étaient plutôt dans le Cross ou le
Supermotoard, parce que les circuits se trouvent plus dans les
villes. Quand j’ai vu que j’étais bon, je voulais aller plus loin.
On m’a dit qu’aucun pilote de la Réunion n’était allé loin en moto
de course, donc je veux le faire moi-même. Je veux y arriver. Je
suis quelqu’un de très motivé, j’ai beaucoup d’envie, et je suis
très travailleur. Je m’acharne tant que je n’y arrive pas. On me
dit aussi que j’applique vite les conseils que l’on me donne. Je
pense que c’est une de mes qualités. »
C’est ton plus gros point fort en tant que sportif,
cette détermination ?
« Ça en fait partie, mais je dirais que c’est la concentration.
C’est que je recherche de plus avant de monter sur la moto. J’ai
toujours ma routine : un bon échauffement, l’hydratation, bien
manger et bien dormir. Avant de monter sur la moto, je mets
toujours la botte droite. Ce sont des petites choses. Je ne monte
jamais sur la moto en ayant rigolé avant, ou en ayant regardé mon
téléphone. »
Au contraire, sur quoi penses-tu avoir une marge de
progression ?
« Je dirais que je suis un pilote assez bagarreur, mais je n’ai pas
encore cette aisance à être sûr de moi. Je suis courageux pour
essayer de doubler, mais contre des pilotes plus forts que moi, ou
du même niveau, j’ai toujours un peu peur d’y aller, donc je dirais
ne pas hésiter. »
En tant que membre de la fédé, où et quand penses-tu
avoir été repéré ?
« Il y a trois ans. Je roulais sur des petites motos en ovale. Un
jour, avec mes parents, j’ai voulu essayer le championnat d’Espagne
en Moto4, et j’ai obtenu de bons résultats. Je pense que c’est de
là que la Fédération m’a repérée, et que j’ai pu intégrer l’équipe
de France. »
Qu’est-ce que ça t’apporte, d’être un pilote de la
Fédération ?
« Ça m’apporte déjà beaucoup d’entrainements, et beaucoup de
conseils, avec mon coach, Alexis Masbou. Il me donne de précieux
conseils pour être plus rapide en piste. En-dehors des
entraînements, ça me permet de rouler avec d’autres camarades. Je
suis honoré de faire partie de la fédé. C’est l’équipe de France,
et c’est incroyable de faire partie des meilleurs pilotes français,
surtout lorsqu’on sait que je viens de ma petite île de la Réunion.
C’est compliqué de sortir de cette île, et de se démarquer parmi
les Français. Je n’oublie pas d’où je viens, et j’ai envie de
montrer aux autres que rien n’est impossible. »
J’imagine que c’est également un honneur de pouvoir
s’entraîner avec Johann Zarco, comme c’est le cas ici à Carthagène
?
« Pour l’entraînement, les journées comme aujourd’hui à
Carthagène sont super. C’est comme une pré-saison pour moi, ça me
permet de me préparer, de reprendre des sensations avec la moto, et
de continuer à m’améliorer. Johann nous aide quand il peut. Il faut
évidemment aussi qu’il travaille. Mais il donne de bons conseils,
qu’on peut appliquer directement sur la moto pour avoir un pilotage
plus propre. Je l’avais déjà rencontré il y a deux ans lors d’un
stage avec de petites motos organisé par l’équipe de France. Ça
m’encourage de savoir qu’un pilote de MotoGP me soutient.
»
La fédération, c’est donc comme un accélérateur pour ta
carrière. D’ailleurs, quels sont tes objectifs pour les prochaines
saisons ?
« Mon objectif, ce serait d’atteindre le Junior GP en Moto3.
Ensuite, si j’arrive à me faire remarquer, j’aimerais atteindre le
mondial Moto3. J’aimerais y parvenir dès que j’aurai l’âge d’y
entrer (Á savoir 18 ans. Ndlr). »
Malgré tout, ta blessure cette année a compliqué les
choses. Quel bilan tu tires de 2024 ?
« J’ai eu du mal à me remettre dans le bain. J’ai commencé à
reprendre confiance, puis de bonnes sensations avec la moto. Quand
j’étais vraiment en confiance, j’ai fait de belles choses, jusqu’à
me battre pour la victoire. Il m’a fallu presque deux mois pour
récupérer de mon bras. Je pense que si j’avais été là toute la
saison, j’aurais pu défendre une meilleure place au championnat.
»
Pour terminer, il y a un pilote de MotoGP qui t’inspire
pour atteindre ton but ?
« Marc Marquez, c’est un des meilleurs pilotes du monde,
multiple champion, et il a fait évoluer le pilotage avec le haut du
corps. Ça m’a beaucoup marqué. C’est aussi un pilote qui veut tout
gagner, il ne lâche jamais rien. Il n’a pas peur, il y va. Là
encore, après les blessures, il fait tout pour revenir et être le
meilleur. Ce sont les qualités que j’aimerais avoir, c’est
impressionnant. »