Les rendez-vous quotidiens entre Johann Zarco et la presse internationale sont toujours aussi intéressants.
Loin de la communication un peu formatée des traditionnels communiqués de presse, les échanges entre le pilote français et les journalistes dans l’hospitalité Tech3 sont d’une richesse et d’une simplicité que les vrais passionnés apprécieront (vous pouvez retrouver tous ses débriefs passés dans notre rubrique (“Interviews“). Il y a toujours le petit détail qui nous fait plonger chaque jour davantage en immersion dans le monde de la MotoGP…
Comme à notre habitude, nous reportons ici l’intégralité des propos de Johann Zarco, de façon brute, donc sans aucune mise en forme ou déformation journalistique.
Alors, les quatre tours que vous avez faits hier (lors de la confrontation avec la McLaren de Bruno Senna) ont-ils fait la différence ? (Rires)
« J’en ai seulement fait deux ! Mais non, c’était bon de découvrir la piste, mais les pneus étaient différents. C’était des slicks mais de série, que vous pouvez acheter dans une boutique, et vraiment différents de ceux que l’on a ici.
Aujourd’hui, les FP1 et FP2 ont été plutôt bonnes. La façon dont on utilise les pneus est plutôt intéressante, et pour le moment, nous sommes dans le top 10 pour demain. C’est donc un point très important au cas où il pleuve en FP3. Je sens que la moto fonctionne bien ici, je ne veux pas trop la changer et perdre le feeling. Je veux améliorer mon feeling seulement en faisant des tours, et trouver la confiance parfaite dans les virages rapides, et je pense cela peut faire la différence. »
Vous étiez en pneus tendres ce matin et durs cet après-midi ?
« J’ai utilisé un médium lors de la FP1 ce matin, puis, pour faire un chrono, j’ai pris le tendre. Cet après-midi, j’étais en tendre et j’ai presque fait la distance de la course avec des pneus tendres. »
Vous allez donc les utiliser en course ?
« Nous ne savons pas encore. »
Alors ce sera les soft ou les médiums ?
« Je pense, oui. Nous verrons, mais la stratégie est de travailler avec les pneus tendres. Pour le moment, cela fonctionne bien et j’ai juste besoin d’être peut-être 7/10 plus rapide. Ce serait mieux. »
Vous avez dit que la façon dont vous utilisez les pneus était intéressante. Que voulez-vous dire exactement ?
« Je veux dire que quand j’ai commencé la FP1 avec le pneu médium, peut-être que la température n’était pas très élevée, mais elle ne l’était pas plus l’après-midi. J’ai donc peut-être pris quelques risques en commençant avec le médium, puis, une fois que j’étais chaud, j’étais prêt à bien utiliser les tendres. Il était bon de procéder ainsi. »
Cet après-midi, vous avez fait un bon de la 14e à la 4e place. Était-ce parce que vous attendiez ce moment pour attaquer ?
« Non. Tout le monde a commencé la FP2 avec des pneus neufs, et cela a fait la différence. »
Vous, vous l’avez fait avec des vieux pneus…
« Oui. Quand j’ai commencé la FP2, je n’ai pas amélioré mon chrono alors que beaucoup de gars le faisaient. Mais j’étais encore en huitième position, j’étais encore prêt pour demain, donc c’était OK. Mais quand vous ne pouvez pas améliorer parce que vous avez des vieux pneus et qu’il commence à pleuvoir, vous vous inquiétez un peu. Mais c’est le jeu. On ne sentait pas trop le vent car nos motos sont lourdes donc le vent n’est pas un problème pour l’instant. Quant à la pluie, elle était toute petite, et quand j’ai pris la piste, je ne l’ai pas sentie. »
Valentino Rossi et Yamaha ont dit qu’ils travaillaient pour rendre la moto plus efficace en deuxième partie de course. Rencontrez-vous des problèmes dans cette phase de la course, avec la vieille moto ? Quel est le rôle de votre pilotage ?
« Je ne sais pas. J’ai eu des problèmes en deuxième partie de course en Argentine, au Texas, à Jerez et peut-être un peu au Mans. Mais ce n’est pas spécialement la deuxième partie de course ; c’est parfois tout le temps, ou aux deux tiers de la course, où, au Mans, lors des cinq derniers tours. Donc, j’ai des problèmes mais nous travaillons dessus, mais à Barcelone j’étais plutôt bien en fin de course. Je suis donc heureux de ce que j’ai et j’essaie de travailler avec. Vous ne pouvez pas travailler seulement pour la fin de course, car si vous perdez du temps en début, cela devient compliqué. »
Si on regarde bien, tu fais une super saison mais tu ne t’es pas souvent qualifié correctement. Les trois dernières courses, tu es passé par la Q1…
« Oui, car les trois séances libres sont quand même délicates à gérer. On voit qu’il y a beaucoup de pilotes capables de faire de très bons chronos, car on se tient tous en presque rien. Mais après, dès que le pneu s’use, ils perdent du temps. Ce qu’il faut, c’est savoir jouer avec ça. Nous, on travaille bien pour la course, mais malgré tout, sur le tour où il faut faire « bam » en un coup, il y en a qui restent peut-être un poil meilleurs. C’est vrai que ça rend parfois les trois premières séances libres compliquées. »
Comment peux-tu améliorer cela ?
« C’est un travail à la fois sur moi-même et de tactique avec les autres. Mais voilà. Travailler pour être sur le podium, ça s’apprend, et là, avec l’équipe, on est en train de se programmer ensemble pour faire ce travail chaque week-end. Et instinctivement, je pense que la machine se met en route, et on pourra peut-être presque être tout le temps en Q2, comme un Vinales. »
D’après Guy Coulon, le problème que tu as et que tu dois faire face à des Redding ou Abraham qui ne se posent pas de problèmes de tactique pour la course : ils passent un pneu et ils font un chrono !
« C’est ça le jeu. Après, le champion c’est moi, donc à moi d’être plus fort que sur ce tour sec et de garder ensuite mon avantage en course. C’est clair que ça fait partie du jeu, et il y en a qui utilisent une autre stratégie, mais après, les comptes en fin d’année, ce ne sont pas les mêmes. »
On a l’impression que tu utilises un petit peu la même stratégie qu’à Barcelone, c’est-à-dire que tu manques un peu de confiance et que tu ne veux pas te perdre dans les réglages…
« Exact, oui ! À Barcelone, j’ai eu pas mal de problèmes, et finalement, ce qui m’a permis de régler le problème, c’est de regarder Jonas lors de la qualification. Il roulait bien ce week-end là et j’ai vu quelque chose dans son pilotage où je me suis dit « attends, ça je sais le faire ! ». Et je l’ai appliqué dès le quart-d’heure d’après quand je suis monté sur la moto. Et d’un seul coup, ça m’a solutionné beaucoup de problèmes. C’est pour ça qu’il y a une connaissance de la moto et des automatismes à apprendre et à vraiment appliquer en cas de problème. »
En début d’année, vous faites une base de réglages pour la moto que vous ne changez pas beaucoup…
« Oui, on ne la bouge pas beaucoup car la Yamaha est une bonne moto. Même si des fois, c’est une bonne moto mais elle ne va pas aller gagner la course car il y a peut-être d’autres motos plus performantes ce jour-là. Mais en général, c’est une moto apte à être sur le podium à chaque fois. Maintenant, avec l’équipe, car ce n’est pas seulement le rôle du pilote, il faut savoir bien gérer tous les éléments pour toujours aller jusqu’à la course et être sur le podium. »
Concernant la différence de vitesse par rapport la Moto2, les circuits les plus difficile étaient le Mugello et Barcelone car ce sont des circuits rapides où il y a de longues lignes droites. Ici, avec les enchaînements rapides, ça se rapproche plus de la Moto2 ?
« Il y a quand même des endroits où on est en troisième, et
à partir de la troisième ça fait une très grande différence par
rapport à la Moto2. En Moto2, en troisième, la moto est stable,
alors que là, ça peut cabrer même jusqu’à la cinquième. Non, il y a
deux endroits où, si tu ne gères pas bien la MotoGP, elle cabre
beaucoup. Et ça, tu ne l’as pas en Moto2. Ce grand circuit,
finalement, on ne peut pas dire qu’il se rapproche de la Moto2 car
il y a des gênes quand même. On ne peut pas dire que ça se
rapproche de la Moto2, car la moto accélère trop.
Après, je rencontre parfois les mêmes difficultés qu’en Moto2, par
exemple en maniabilité, mais c’est seulement parce que la moto est
lourde. Et pour ça, c’est pareil : il n’y a pas de réglages
parfaits et il faut seulement aller prendre des bons repères en
piste, se les appliquer, faire confiance à la moto en se disant
« laisse-la aller, elle va tenir ». »
Tout donner pendant un seul tour chrono, pourquoi est-ce si difficile ?
« Il y a peu de virages à gauche, donc quand tu pars sur un tour sec, tu sens que ton pneu tient vachement bien derrière mais tu n’oses pas pousser tout de suite au premier tour car tu as peur de glisser à gauche de l’avant. Donc tu attends un tour de plus, tu es confiant avec l’avant mais ton arrière a déjà perdu un peu en performance. Donc moi, je me dis que cela fait partie du jeu. Ça va venir. »
Quand il a été demandé à Jack Miller pourquoi les deux pilotes rookies Tech3 étaient-il si rapides, il a répondu « parce qu’ils sont sur la bonne moto au bon moment ». Que penses-tu de sa réponse ?
« Je vais lui donner raison. Comme ça, ça l’aide à ne pas se remettre en question (rires). »
Y a-t-il une part de vérité là-dedans ?
« La moto est au top. Après, le cap du Moto3 à la MotoGP est quand même énorme. Il s’est pris des beaux gadins. Il ne faut pas sous-estimer la Moto2. Je pense que, Folger comme moi, on a beaucoup appris de cette catégorie. Elle t’aide à être humble. Et ça, c’est important ! »