Comme précisé dans la première partie de ce dossier, le 9 janvier 2009 Kawasaki annonçait son départ des Grands Prix. L’organisateur espagnol Dorna menaçait de procès pour rupture de contrat, avec une demande de dommages et intérêts conséquente. Kawasaki cédait.
En 2009, l’équipe Hayate (ce qui en japonais signifie « Ouragan ») faisait rouler Marco Melandri en MotoGP (à partir de 2010, elle changeait son nom pour devenir Forward Racing). Elle était dirigée par Ichiro Yoda, qui avait été directeur de Kawasaki Racing et auparavant project leader chez Yamaha depuis l’OW61 500 de Kenny Roberts en 1983 jusqu’à l’YZR-M1 de Max Biaggi en 2001, tandis qu’en 2010 le team manager d’Hayate était Andrea Dosoli.
Anecdote : Andrea Dosoli y gagna le surnom de Grave Digger (le Fossoyeur) en raison des nombreuses équipes par où il était passé et qui avaient coulé ensuite, comme Kawasaki MotoGP fin 2008, Hayate Racing fin 2009, ainsi que l’équipe officielle Yamaha Superbike en 2011. 2012 le voyait arriver au sein du team usine BMW, avec de très bons résultats d’ailleurs. Mais c’était Auf Wiedersehen en fin d’année. Il passait la saison 2013 chez BMW Motorrad Italia en tant que directeur technique, et c’était cette fois-ci arrivederci qui saluait la fin de l’équipe. Sans qu’il en soit responsable à chaque fois évidemment. Par contre, le côté « chat noir »…
Lors du Championnat du Monde MotoGP 2009, l’équipe a eu comme seul pilote Marco Melandri, qui avait déjà signé un accord avec Kawasaki pour disputer pour la marque le championnat de cette année-là. Le constructeur nippon s’était toutefois officiellement retiré de la catégorie le 30 décembre 2008. Le 1er mars 2009 était annoncée l’arrivée de l’équipe Hayate dans la catégorie reine. Elle roulait avec une Kawasaki ZX-RR développée au cours des années précédentes, et peinte en noir. Cela faisait un peu enterrement, donc n’était pas entièrement inapproprié par rapport aux circonstances. Melandri terminait dixième sur Kawasaki du classement final du Championnat 2009, puis Kawasaki se retirait du MotoGP. Temporairement ? Définitivement ?
A la suite de ces rapports difficiles avec Dorna, Kawasaki investissait l’autre Championnat du Monde, celui réservé aux Superbikes et géré par les frères Maurizio et Paolo Alberto Flammini. A la surprise générale, le propriétaire de ces deux entreprises, le groupe d’investissements Bridgepoint (par l’intermédiaire de sa filiale Infront), décida de fusionner les deux championnats qui seraient désormais gérés par Dorna. Imaginez la stupeur de Kawasaki de voir partir les Italiens et arriver les Espagnols !
Kawasaki a toujours participé au mondial SBK, avec dès la première édition son pilote officiel australien Rob Phillis qui terminait à la septième place du classement général. L’Américain Scott Russell remportait le titre en 1993 et les Verts se construisaient un assez beau palmarès dans cette discipline, ainsi qu’également en Supersport. La situation économique évoluait ensuite, assez nettement en faveur des Grands Prix. Il est important de savoir que chez les constructeurs japonais, les coûts des GP sont supportés par l’usine, et ceux du Superbike par les importateurs européens. Pour les constructeurs européens, le système est entièrement différent, avec Ducati qui peut compter sur les subsides d’un cigarettier américain, alors qu’Aprilia et BMW louent leurs motos à ceux qui en veulent.
Kawasaki a complètement bousculé cet ordre des choses en transvasant son budget MotoGP en Superbike. L’énorme budget WSKB est donc désormais pris en charge directement par l’usine, qui homologue des motos à tours de bras, alors que ses adversaires doivent se contenter d’un même modèle pendant de longues périodes. Ainsi une toute nouvelle ZX-10R était-elle homologuée début 2016, pour être remplacée par une ZX-10RR début 2017. Face à cette artillerie lourde, les autres constructeurs nippons comptent sur les teams auxquels ils confient leurs intérêts, comme les concessionnaires ten Kate pour Honda et Crescent chez Yamaha.
Ces concessionnaires sont extrêmement compétents et expérimentés, mais comment pourraient-ils lutter contre une usine qui dispose en comparaison de moyens gigantesques ? Prenons un exemple : l’électronique, qui contrairement aux Grands Prix n’est pas unique, mais conçue et fabriquée par chaque constructeur (comme en GP auparavant). En mondial Superbike, chaque constructeur fabrique son propre « Superbike Kit System » disponible à la vente pour 8 000 euros et fabriqué à au moins 50 exemplaires (article 2.4.9.1 du règlement, ci-dessous en annexe). D’après vous, combien y a-t-il d’ingénieurs et d’électroniciens dans le service course des concessionnaires ten Kate et Crescent, face aux 34 010 employés de Kawasaki Heavy Industries ?
Tous les autres grands constructeurs ont décidé d’investir l’essentiel de leur budget compétition en MotoGP, parce que les retombées de cette catégorie sont nettement supérieures globalement face à celles de toutes les autres. « Hors de Valentino point de salut ». Kawasaki a choisi de dominer le mondial Superbike en s’offrant la supériorité technique et le meilleur pilote. Le rouleau compresseur est lancé, et la seule question est : Combien de titres consécutifs Jonathan Rea et Kawasaki vont-ils ajouter à leur palmarès si Johnny ne se blesse pas ?
Annexe : La partie du règlement FIM qui concerne l’électronique en Superbike :
2.4.9.1 The DWO/FIM approved “Superbike Kit System” must meet the following:
- a) The system must be a complete package including all electrical/ electronic parts not supplied on the homologated motorcycle required for full operation of all strategies – excepting the wiring harness.
- b) Only the machine manufacturer or one approved partner can submit a single system for approval.
- c) The total price of the complete system including ECU, dashboard/ display, all additional sensors essential for full operation of all strategies, IMU, software, enable codes, datalogging, analysis software, ECU “tuning” or “setting” software, datalogger, download/connection cable, example harness design, manual for use, (not a complete list), is €8000 Euro (excluding taxes). Data Logging only sensors are excluded from the price cap.
- d) There must be at least 50 Superbike Kit Systems (currently approved system) available worldwide per season, if ordered, through authorised distributors or dealers. The Superbike Kit System must be marked and considered as for race use only.
- e) Lead time less than 8 weeks.
- f) The ECU must be from the FIM/DWO Approved Superbike ECU List.
- g) The following sensors may be used:
- Throttle position (multiple)
- Map sensor, Map Sync (pressure sensor on the intake port used to synchronize the engine during the start)
- Airbox Pressure
- Engine pick-ups (Cam, crank) (Crank trigger may be replaced)
- Lambda
- Exhaust Valve / Motor position / feedback
- Twist grip position
- Front speed
- Rear Speed
- Gearbox output shaft speed
- Gear position
- Gear shift load cell
- Front brake pressure
- Rear brake pressure
- Oil pressure
- Air pressure
- Water temperature
- Air temperature
- IMU (various signals)
- Transponder / Lap time signal
- Knock Sensor
- Fuel pressure
- Oil temperature
- Fork position
- Shock position
- Tilt / Tip-Over Switch
- GPS Unit
- Rear tyre temperature (External) (Multiple)
- Rear TPMS Monitor (Temperature and Pressure)
- h) Sensors on the above list that are originally fitted to the standard machine may be replaced with alternative sensors, however they must be included in the Superbike Kit System and inside the total price (Art. 2.4.9.1.c).
- i) 2 further additional sensor channels (that are not included in the above list) may be added to the machine.
- j) Redundant/doubled sensors are allowed but must be included in the Superbike Kit System if they are required for safe operation.
- k) Analogue/Logic to CAN sensors are allowed.
- l) The sensors originally fitted to the homologated machine and used as homologated, will not be included in the price limit.
- m) When the following sensors are damaged through crashes they may be replaced by parts of the same function but do not have to be the same specific part from the Superbike Kit System:
- i) Fork and Shock Potentiometers
- ii) Brake pressure sensors
- iii) Gear shift sensor (but must remain the same type included with the kit – i.e. Load cell, switch etc.)
- n) Before the final pre-season test, before the mid-season test(s) or at the season midpoint and within three hours of the last race of the season any firmware / software updates being used by the factory teams must be made available to all same manufacturer customer WSBK teams (more frequent updates are allowed).
- o) The manufacturer must provide current strategies but may remove the ability to change or see these settings, base mapping must be provided.
- p) Only firmware and software from the FIM/DWO approved software and firmware list may be used.
- q) Factory Teams may use any development firmware and software which will be made available to teams according to the update schedule.
- r) Any essential hardware updates required must be made available to customer teams from the same race as the factory team and available free of charge to update those Superbike Kit Systems purchased in the current season.
- s) Transponder is NOT included in the “Superbike Kit System”
- t) The selection of logged channels is free.
- u) Coils and coil drivers are free and must be included in the Superbike Kit System if altered.v) No other external ignition/injection controllers, traction control modules or other active expansion modules or calculation units may be fitted unless included in the Superbike System.
- w) The factory team must use the current seasons “Superbike Kit System”. No backdated parts may be used.
- x) Superbike kit systems remain approved for 3 seasons (first season inclusive).
Photo de titre : Anthony West (© Kawasaki)