pub

IMG_5712Valentino Rossi, Marc Marquez et Jorge Lorenzo sont des noms qui font rêver tous les passionnés français de compétition de motos de vitesse. La France est également plutôt bien représentée dans ce domaine, avec Loris Baz et Mike di Meglio en MotoGP, Johann Zarco et Louis Rossi en Moto2, Fabio Quartararo, Alexis Masbou et Jules Danilo en Moto3.

Mais ces pilotes ne représentent qu’une partie de la vitesse française, même s’il s’agit de son élite,  le sommet de la pyramide, l’aboutissement d’années de sacrifices et d’efforts, aussi bien physiques et mentaux que financiers. C’est pourquoi, à l’occasion des trois journées de détection organisées par la Fédération Française de Motocyclisme sur le circuit Carole du 5 au 7 août 2015, nous nous sommes rendus sur place pour comprendre comment était gérée l’autre côté de la pyramide, sa base.

Jacques Bolle, Président de la Fédération Française de Motocyclisme, était présent avec les responsables de la vitesse de la Fédération. En fin de journée, nous en avons profité pour le rencontrer et lui poser quelques questions, sur ces trois jours, mais également sur le Championnat de France et les Grands Prix.


Monsieur le Président, si nous avons bien compris, ces journées s’adressent à un public divisé en trois catégories; des néophytes  à qui l’on fait découvrir la moto sur circuit, des pilotes qui font déjà de la moto en compétition mais pas sur circuit, en général du tout-terrain, à qui l’on fait découvrir la vitesse, et enfin des pilotes de divers championnats de vitesse à qui l’on permet de s’entraîner gratuitement.

Jacques Bolle: « De s’entrainer, mais également de les tester et de voir quel est leur niveau en les mettant sur une moto3. Le but est, sur un panel très large, de tirer des enseignements, d’éventuellement détecter des gens. Il y a effectivement à la fois une facette découverte de la moto, du sport moto, c’était notamment le but des opérations que l’on a menées aux Ecuyers, à Roanne ou à Mérignac avec l’école itinérante.
Ici, à Carole, le spectre est beaucoup plus large; il y a cette initiation, mais il y a aussi clairement cette phase de détection, comme vous pouvez le constater aujourd’hui où elle travaille à plein. »

Dans cette optique qui est  sans doute de revitaliser la vitesse française….

Jacques Bolle: « Revitaliser ne me semble pas être le bon terme car cela pourrait donner l’impression qu’il est mourant. Le sport moto français, contrairement à ce qu’on dit dans les paddocks, va très bien. »

Alors disons sport vitesse…

Jacques Bolle: « On va juste être vraisemblablement champion du monde cette année. On peut toujours faire mieux, c’est vrai (rires). On l’a déjà été l’année dernière, avec Sylvain Guintoli, et on le sera vraisemblablement à nouveau cette année avec Johan Zarco, et peut-être Jules Cluzel. Sans parler de l’endurance où on l’est régulièrement. Donc la vitesse française va bien. Alors maintenant, et je l’ai déjà dit, si la seule référence de comparaison c’est l’Espagne ou l’Italie, oui, c’est vrai, on pourra difficilement jouer dans la même cour, en tout cas dans l’état actuel des choses. On a connu une époque inverse, d’ailleurs, où il fallait être Français pour être sur les podiums en Grand Prix et je l’ai bien connue. Aujourd’hui, il faut être espagnol ou italien. Si demain la Dorna est rachetée par Claude Michy, on verra, peut-être qu’il faudra être Français ! Il y a toujours eu des cycles, le cycle Finlandais, le cycle Américain, etc.
Certes on peut toujours faire mieux, certes on n’est pas au niveau des Espagnols mais on va quand même être vraisemblablement champion du monde en Moto 2 cette année, on l’a été l’année dernière en SBK, on a remporté un grand prix en Moto3 en début de saison, on peut trouver pire quand même ! »

Alors justement, dans cette optique très particulière d’accéder aux Grands Prix,  je faisais allusion à cette catégorie moto3 qui est maintenant absente en France et qui constitue une petite cassure, à la fois matérielle et psychologique, car cela oriente les jeunes pilotes vers la 600cc, ce qui ne les amènera probablement jamais en grand prix mais plutôt vers le Superbike ou l’Endurance. Aujourd’hui, l’intérêt de la Fédération est-il de reconstruire cette filière, et c’est par rapport à cela que nous avons utilisé le mot « revitaliser », ou est-il plutôt de se développer vers le côté loisir pour toucher un plus grand nombre?

Jacques Bolle: « Il est clair qu’il y a une cassure aujourd’hui au niveau de la Moto3. Notons d’ailleurs que cette cassure n’est pas française mais européenne puisque même les Espagnols ont beaucoup de mal avec leur championnat national Moto3. Je crois qu’ils étaient 12 ou 13 inscrits à la dernière course, dont 6 ou 7 Espagnols et 2 ou 3 Français. Je parle du championnat d’Espagne, organisé par la Fédération espagnole, et non pas du championnat d’Europe organisé par la FIM et la Dorna. Encore une fois, comparons ce qui est comparable, sinon, on ne joue pas à armes égales. Si TF1 organisait un championnat, les choses seraient sans doute différentes…

En attendant, le championnat d’Allemagne Moto3 avait également disparu. Ils essaient de le recréer aujourd’hui en le subventionnant avec un budget de près de 200 000 euros! L’environnement est donc très difficile pour la Moto 3.

Ceci-dit, ce n’est pas parce que les autres ont les mêmes difficultés que nous, qu’il faut s’en satisfaire et le but est effectivement de recréer quelque chose qui fasse la marche intermédiaire que vous évoquiez de façon préliminaire.
Thierry Capela était présent aujourd’hui car il a un projet en la matière. Celui-ci nous intéresse et nous allons donc travailler pour essayer de développer une catégorie qui ne sera pas avec des Moto3, car son principal défaut est d’être trop cher, mais une catégorie pré-moto3 à des prix compétitifs et  globalement similaires à ce que coutait la 125 2 temps précédemment.

Ce seront sans doute des motos un peu plus funs et un peu plus à la mode, car l’effet mode est absolument énorme. N’oublions pas qu’à la fin du championnat de France moto3, les 125 2 temps pouvaient toujours être utilisées et ce à moindre coût. Certes, c’était plus difficile pour gagner, mais comme seuls 3 ou 4 pilotes étaient réellement en mesure de concourir pour la victoire, les autres pouvaient utiliser ces 125 pour se former, s’entraîner, progresser, voire même se faire remarquer, et tout cela pour un coût raisonnable. Pourtant, ils ont été rarissimes car ces motos n’étaient plus à la mode, il fallait du 4 temps.

Prenons un autre exemple. Quand Eric de Seynes, le patron de Yamaha, est venu me voir pour me dire qu’il aimerait mettre en place la coupe 125 YZR dans les séries fédérales, pour que celle-ci prenne un peu plus d’ampleur, je lui ai dit que j’étais d’accord mais que j’étais très dubitatif. Je n’y croyais pas trop, en m’appuyant sur l’expérience de la Junior Cup. Je considérais que le potentiel pour une formule destinée aux jeunes autour de 12 ans n’existait plus, y compris pour une formule peu onéreuse. Après Florian Marino, la Junior Cup s’était écroulée en 2 ou  3 ans et l’unique raison que nous avions trouvée pour expliquer cette désaffection était qu’elle n’était plus à la mode. En fait, les deux formules étaient tout à fait comparables, mais Yamaha est arrivé avec un produit beaucoup plus « fashion » les motos étaient plus récentes, la présence de Johann Zarco rendait la formule attractive, le soutien de Yamaha crédibilisait celle-ci, etc.
En réalité, le même produit, avec un coup de peinture a fonctionné à nouveau.

Nous avons retenu cette leçon et, aujourd’hui, il faut donc recréer une catégorie qui soit suffisamment marquetée, avec des motos à la mode et un parrain de renom, pour être  attractive.  C’est ce que Thierry Capela nous propose de faire, avec une catégorie pré-moto3 à des prix attractifs, éloignés de ceux des Moto3, et un plateau suffisamment étoffé pour introduire celui-ci dans le cadre du championnat de France. »

Quelles seront les caractéristiques de ces motos ?

Jacques Bolle: « Le principe, c’est un moteur de motocross ou enduro, quelle qu’en soit la marque, 250cc 4 temps, qui développe environ 36 chevaux, soit globalement la même puissance que les 125 2 temps, avec une partie –cycle originale. Ce ne sera pas une formule mono-marque et nous espérons que plusieurs marques souhaiteront s’investir dans ce projet. Il est difficile de trouver des marques qui acceptent de vendre des moteurs seuls mais nous restons optimistes sur ce point. »

Pourra-t-on construire sa propre moto dans son coin ?

Jacques Bolle: « A priori, oui, mais ce sera très sérieusement encadré. Le but est d’éviter absolument la course à l’armement. C’est assez facile pour la partie mécanique, avec des pièces référencées, comme en Promosport, mais c’est plus difficile en ce qui concerne l’électronique. Nous y veillerons toutefois de façon stricte. »

Vous reconstruisez donc la marche manquante de la pyramide. Souhaitez-vous également élargir la base de cette dernière en favorisant le loisir et les écoles de motos?

Jacques Bolle: « Oui. Nous travaillons sur cette piste et nous en ferons une synthèse. Je ne peux pas oublier le cas Alexis Masbou. Il faut savoir que s’il n’y avait pas eu une école sur le circuit d’Albi, il n’aurait sans doute jamais été pilote de moto. Sa maman n’avait pas spécialement de gros moyens et était totalement étrangère aux sports mécaniques mais Alexis a eu un jour l’occasion de tourner sur la petite piste intérieure du circuit et est tombé amoureux de la moto. Le faible coût demandé a permis à sa maman de l’inscrire à l’école, puis il s’est fait remarquer et aider par diverses personnes. Il a ensuite gravi les échelons que l’on connaît, mais s’il n’y avait pas eu cette école, il n’aurait sans doute jamais fait de moto. C’est aussi pour cela que nous faisons ce type d’opérations, comme à Mérignac, aux Ecuyers ou ici, car l’on peut penser que parmi les gens qui découvrent la moto, sans être forcément des passionnés à l’origine, certains pourront ensuite continuer vers la compétition. »

Ces opérations constituent apparemment un succès…

Jacques Bolle: « Effectivement, on a pu constater que la demande était forte. On a environ 120 demandes à chaque fois et on ne peut proposer que 100 places. Nous allons donc essayer de perpétuer et d’élargir ces opérations, en sachant tout de même que cela à un coût, puisque les participants ne payent que entre 30 et 50 euros, alors que l’on fournit l’infrastructure, le personnel, l’assurance et tous les équipements, casques cuirs et motos comprises, et ce sans aucun retour sur investissement à court terme. »


D’après ce que nous avons constaté, la stratégie actuelle de la FFM s’établit donc comme suit:

– Favoriser la découverte de la pratique de la moto,
– La rendre plus accessible en mettant en place des formules peu onéreuses (comme par exemple de Championnat de France 25 Power),
– Détecter certains pilotes pour les intégrer ensuite dans le Groupe Elite,
– Créer une nouvelle catégorie à coût contenu pour remplacer l’ex-Moto3 en France,
– Maintenir l’aide financière à tous les pilotes de Grand Prix grâce également à une mutualisation des moyens avec l’organisateur du Grand Prix de France (ndlr : nous ne parlons ici que des Grand Prix de vitesse mais la FFM aide également des pilotes en Supersport, en Motocross, en Enduro ou dans d’autres disciplines).

A titre d’information, pour les parents intéressés, voici les dates programmées cette fin d’année avec l’Ecole itinérante de Moto FFM :

– Muret (31): 19 septembre (avec Mike Di Meglio)
– Le Creusot (71): 10-11 octobre
– Alès (30) : 17-18 octobre

A suivre…