Évoquée dans
notre article sur la Kymco Oral, la société Engines
Engineering a laissé son empreinte durant des années dans la
petite catégorie du Championnat du monde, qu’il s’agisse à l’époque
de 125cc ou de Moto3.
Voici
brièvement retracés ses faits d’armes…
2001 : Première apparition d’une moto
Engines Engineering, en
championnat d’Espagne (CEV).
Fait révélateur, elle apparaît déjà sous une autre marque,
Rieju en l’occurrence, une petite marque espagnole
sur le déclin, surtout connue pour avoir gagné en 80cc avec un
certain Carlos Checa…
La moto n’a rien d’espagnol, et pas grand-chose d’italien non-plus,
puisqu’il s’agit d’une base Honda agrémentée de quelques
améliorations « maison » essentiellement situées dans les
éléments en polyester.
2002 : Les motos sont alignées sous leur vrai nom (Engines Engineering) et s’illustrent toujours, ponctuellement en CEV, mais surtout remportent le titre national italien avec Fabrizio Lai comme pilote. Alessio Aldrovandi, le second pilote, obtient moins de succès mais tout de même un beau podium à Albacete.
Le premier novembre 2002, lors du GP de Valence, le team, en la personne d’Alberto Strazzari, PDG d’Engines Engineering, annonce sa participation au mondial pour le compte de Malaguti, et présente sa moto repeinte en jaune pour l’occasion. Il annonce également une moto complètement nouvelle, avec admission par disque et une valve à l’échappement (en fait, cela ne viendra que bien des années plus tard).
2003 : Parallèlement à un nouveau titre italien
remporté par Fabrizio Lai (à l’issue de trois victoires en CIV),
les motos sont donc maintenant engagées en Mondial avec l’aide du
Semprucci team sous le nom de Malaguti. En fait,
le Semprucci team disposait d’une place en GP, à l’inverse de
Malaguti et un accord a été trouvé pour permettre aux motos jaunes
de s’aligner en Grand Prix.
Ces dernières sont dotées d’un nouveau carénage, beaucoup plus joli
avec sa prise d’air triangulaire, et pilotées par Fabrizio
Lai et Julian Simon.
Ces derniers terminent respectivement aux 25 et 29ème places.
Le directeur technique du Semprucci team est alors un certain Jorg Seel…
Le coup d’éclat est réalisé par Lai qui, à Assen et dans des conditions dantesques, réussit à marquer les ses premiers points, et également les premiers points pour la marque italienne, en finissant 14ème.
La machine a pu s’illustrer grâce à la pluie mais les problèmes de moteur sont persistants et, à la fin de la saison, Lai partira chez Gilera, sans attendre l’essai d’un nouveau moteur aux dernières manches du CEV.
2004 : Malaguti
s’appuie toujours sur le Semprucci team et
participe à nouveau au mondial.
La structure change néanmoins avec l’arrivée de l’ancien directeur
technique de chez Derbi, Olivier
Liégeois, et de son bras droit, Gérard
Petit (ndlr: chez Derbi, Olivier part alors que
Jan Thiel arrive pour concevoir le moteur
RSA).
Jorg Seel reste néanmoins dans la structure italienne.
Cette juxtaposition aura une incidence (néfaste) sur les
résultats, tout au long de l’aventure GP, car, dans un souci de
trouver des solutions, on aura tendance à se disperser un peu; la
plupart du temps, les deux motos utilisaient des moteurs
différents, tous issus de la philosophie Honda mais développés d’un
côté par Olivier Liégeois et de l’autre par
Jorg Seel…
En début de saison, du côté de Liégeois, on a poursuivi le travail
effectué sur la Derbiex-Lorenzo
pour fondre de nouveaux cylindres à booster… (ndlr: pour rappel, le
moteur Derbi est alors une copie de Honda mais la seule pièce
commune est la boîte de vitesses)
L’autre moto est équipée de carters taillés dans la masse
(Seel).
Bref, on assiste à une valse de pièces qui ne cessera pas avant des
années: les deux moteurs différents changent à chaque course, les
motos aussi et il est impossible d’en suivre les évolutions de
façon précise.
Côté pilotes, avec Manuel Manna comme coéquipier, Gabor Talmacsi obtient une place de premier pilote après avoir été délaissé l’année précédente au profit de Steve Jenkner, chez Aprilia.
Fin 2003, des essais aérodynamiques ont lieu dans
la soufflerie de l’institut NAMI à Moscou, suite à une
joint-venture.
Ces derniers engendreront une selle plus fine.
Si le Hongrois réussit à briller ponctuellement (en particulier au Portugal, au Japon et en Espagne), l’Italien ne marquera aucun point.
En cours d’année, on étudie et développe un cadre tubulaire.
Il sera testé par Talmacsi lors du GP au Mugello.
2005 : toujours sous le nom de Malaguti, mais avec une nouvelle livrée tigrée qui les rendra célèbres, les motos sont alignées avec Michele Pirro et Gioele Pellino.
On aligne le cadre tubulaire en acier mais malgré de nombreuses séances de soudage à l’arrière des box, pour enlever ou rajouter des bouts de tubes, les motos restent inconduisibles, principalement à cause d’une trop grande rigidité, et sont remisées au bout de trois courses. On ressort les cadres en aluminium.
Ces recherches qui partent un peu tout azimut sont un peu, et resteront, la « marque de fabrique » d’EnginesEngineering; au total, énormément d’argent sera dépensé, avec bien peu de résultats…
Lors du GP d’Italie au Mugello, les deux motos arborent une variante de la livrée tigrée aux couleurs nationales pour célébrer les 75 de la firme de Bologne. Les deux pilotes font une apparition en bleu, couleur de famille royale de Savoie.
A partir du GP d’Allemagne, le très jeune Sascha Hommel remplacera Pellino pendant deux courses.
Sascha Hommel
Le bilan est maigre puisque seulement trois points seront ramenés à Bologne à l’issue d’une saison active mais compliquée.
A noter que durant cette année, les motos à cadre tubulaires
ex-GP participent à différentes épreuves du FSBK (Albi), CEV
(Valence et Jerez) et CIV, notamment avec Jules
Cluzel et le Villiers Team Compétition de Karim
Djaouk.
Jules finissant deuxième à une manche du CIV (Mugello) et S’étant illustré à la MotoGP Academy, il fera
son apparition dans le team managé par Nicola
Casadei en remplacement de Pirro pour les deux derniers GP
(Turquie et Valence).
Fin 2005, la collaboration entre Olivier
Liégeois et les Italiens s’arrête; divergences financières
pour le premier, manque de résultats pour les seconds.
Olivier Liégeois a pourtant commencer à adapter un disque rotatif
sur son moteur mais le système qui utilise une courroie en bout de
vilebrequin ne présente ni fiabilité ni performance.
EnginesEngineering va alors
rappeler à l’aide Jorg Seel, parti courir en IDM et CEV, pour
continuer le projet.
Peu après, on déplore la mort de Gérard Petit, fidèle partenaire du Belge depuis les années « Play Life ».
2006 : l’équipe change de pilotes, les motos
changent de carénage et de livrée, et Malaguti
s’appuie dorénavant sur la structure d’Ajo
Motorsport.
Ce dernier apporte également ses deux pilotes titulaires,
Tomoyoshi Koyama et Alexis Masbou. Le Japonais
rapportera 49 points dans l’escarcelle du team italien malgré une
interruption entre Barcelone et le Sachsenring due à un poignet
cassé.
Le Français devra également arrêter au GP d’Angleterre pour récupérer après de nombreuses chutes.
Nico Vivarelli et Hiroaki Kuzuhara seront ses remplaçants.
Au final, beaucoup d’argent aura été injecté dans l’aventure,
avec bien peu de résultats à la clef.
Monsieur Malaguti arrête là les frais.
2007 : Les motos ne roulent pas et sont remisées.
2008 :Engines Engineering, décidément très fort dans la recherche de gros commanditaires (l’avenir le confirmera), « décroche » la firme chinoise Loncin. Les motos sont repeintes en rouge et on réengage deux pilotes habitués, Jules Cluzel et Alexis Masbou.
Côté technique, Oliver Liégeois participe toujours au développement du vieux moteur sur base Honda (il y adapte des clapets de KTM et lance les bases d’un tout nouveau moteur à disque rotatif, copie du Derbi RSA conçu par Jan Thiel).
Christian Boudinot rejoint l’aventure, ainsi que Tiziano Altabella (chef mécano) que l’on retrouve actuellement au Sky VR46.
Hélas, une fois de plus, Liégeois quitte le navire, cette fois
en début de saison, et n’y reviendra plus.
La Loncin souffre à la fois d’un manque de
performance et de fiabilité.
L’année est catastrophique et seul Alexis rapporte 4 malheureux
points au Mans.
A titre anecdotique, Josep Rodríguez, dispute les deux dernières manches du CEV sur une machine Italo-Chinoise.
2009 : Chez EnginesEngineering, on espère beaucoup de cette année, d’autant qu’un sponsor Indien (Mahindra) est venu racheter l’entreprise et rejoindre les Chinois de Loncin sur un carénage maintenant partiellement chromé…
Jules Cluzel parti chez Mateonni, c’est le vieux couple Koyama-Masbou qui rempile.
On utilise ponctuellement le nouveau moteur à disque rotatif mais celui-ci se révèle aussi fragile que son homologue basé sur le Honda. Peu à peu, on y adapte des pièces Aprilia mais rien n’y fait et la saison est, une fois de plus, très décevante malgré la pression mise sur ses troupes par Nicola Casadei.
En cours de saison, Alexis Masbou est évincé au profit de Jakub Kornfeil.
Au final, Tomoyoshi Koyama rapporte 17
points.
A la fin de l’année, les Chinois ne reconduisent pas le contrat
qui, pourtant, portaient sur trois ans.
2010 : Qu’à cela ne tienne!
Engines Engineering
ressuscite alors la marque Lambretta !
Un coup de peinture, assez sympathique par ailleurs, et le tour est
joué!
Michael Van der Mark et Marco Ravaioli sont les deux pilotes.
Danny Kent roulera à Valence.
Aucun point marqué durant cette saison…
2011 : Les Indiens de
Mahindra, déjà présents depuis 2009,
reprennent le flambeau financier et
Engines Engineering présente…
une Malaguti tubulaire 2005 habillée du carénage
2006 et repeinte en noir et orange!!!!
Quand on dit que les Italiens ont le sens des affaires…
Finalement, on utilisera à nouveau cadres et moteurs dérivés du Honda, pour obtenir des résultats en légère amélioration!
Danny Webb et Marcel Schrotter rapporteront respectivement 24 et 36 points, ce qui peut s’expliquer, outre leur talent, par des courses globalement moins rapides que dans les années 2007/2008 puis 2010.
2012 :Mahindra, et c’est sans
doute une réelle opportunité, repart à zéro avec l’abandon des
125cc et l’avènement de la catégorie Moto3.
On peut ranger au musée les innombrables versions de la Honda
améliorée et exploiter une moto dotée d’un moteur
Oral conçu par Mario
Forghieri, ex-ingénieur en chef Ferrari F1 (à droite sur
la photo).
La moto, elle, a lieu d’utiliser une partie-cycle Aprilia, ce pour quoi le moteur a été conçu initialement, adopte un châssis tubulaire (ah, les vieux démons…) qui semble tout droit sorti des ateliers de Franco Moro…
Les pilotes sont toujours Danny Webb et Marcel Schrotter.
2013 : Mahindra se lasse des exotisme de ses employés italiens et reporte son programme en Grand Prix sur la précision helvétique de Suter. Mais rien n’est perdu pour autant pour Engines Engineering qui apparaît alors fièrement sur le carénage de la Kymco Oral… dont la partie cycle provient de chez Aprilia !
Une partie-cycle éprouvée permet aux deux pilotes, Fabio Di Giannantonio et Lorenzo Dalla Porta, de terminer respectivement 10e et 11e du championnat italien.
2014 : Une toute nouvelle moto est construite et participe au championnat d’Italie. Elle est présentée en avril au Mugello. La saison commence avec Fabio Di Giannantonio et Stefano Valtulini mais les deux pilotes partiront en cours d’année vers des cieux plus performants.
Riccardo Moretti marque alors un point lors de la dernière course et termine 26e du championnat.
2015 : La Kymco Oral, où
apparaît toujours le signe Engines
Engineering, se voit dotée d’un nouveau cadre en fin
de saison. Les entrées d’air se font maintenant comme les
Honda RW, en passant par les côtés. La base est
cette fois une FTR.
Simone Mazzola et Lorezno
Gabellini sont chargés de piloter les motos. Avec 57
points inscrits, le premier s’en sort plutôt pas mal et
termine 8e du championnat. Kymco termine 4e du classement
constructeur, derrière Mahindra Peugeot,
RMU et TM.
2016: Engine Engineering n’apparaît plus sur la Kymco Oral. Au niveau compétition, la société italienne n’est plus investie que dans le Championnat Alpes Adria 125cc qu’elle remporte.
Conclusion : Après une décennie consacrée à tester des solutions
technique tout azimut et sans réels résultats,
Engines Engineering aurait
pu choisir le moteur Honda NSF, apparemment le meilleur compromis
coût/performance/fiabilité, pour faire ses débuts en Moto3, et
couler ainsi des jours heureux en se reposant sur le talent de ses
deux pilotes. Ce n’est apparemment pas la philosophie
« maison » et l’on a préféré repartir sur des solutions
plus exotiques, tant moteur que châssis, bien que, jusqu’à présent,
la firme italienne n’ait jamais réellement prouvé son savoir-faire
à résoudre ce genre d’équations.
Les mauvaises langues pourraient dès lors être amenés à supposer
qu’un bureau d’étude, comme l’est
Engines Engineering, vit
en facturant d’incessants frais de développement…
La compétition n’est par ailleurs plus qu’accessoire pour
l’entreprise italienne qui a parallèlement développé un vrai bureau
d’études et d’engineering pour l’industrie.
Crédits Photos : MotoGP.com , Pit-Lane.Biz, Cybermotard et D.R.