Après Olivier Jacque et Patrick Pons, continuons notre petite rétrospective concernant les pilotes français notables ayant couru en Grand Prix. Cette fois-ci, nous nous attaquons à un « oublié », mais dont le talent parle pour lui : Dominique Sarron.
Si vous étiez motard dans les années ‘80 et ‘90, c’est obligatoire : Dominique Sarron a marqué vos dimanches au Castellet, à regarder tourner les motos inlassablement, à les entendre hurler dans la ligne droite du Mistral… Figure iconique de la course varoise, son palmarès est en réalité bien plus fourni.
Né en 1959, Il décide de participer au Challenge Honda 1979, avec une CB400 offerte par son grand frère Christian. Mais un problème de taille se dresse sur la route de l’auvergnat : un bras cassé. Malgré cet handicap considérable, couplé à une expérience nulle en compétition, il arrive tout de même à remporter la formule. Ces coupes, à l’instar de la « coupe Kawa / Moto Revue » aidaient à faire éclore des talents, et Dominique avait déjà frappé dans l’œil de beaucoup.
Passé en Promosport 1000, il gagne d’entrée de jeu. Résumons : deux années de compétition, deux victoires au championnat. Mais étrangement, pas d’apparition en Grand-Prix avant 1985. Dominique, lui, il aime l’endurance.
En 1981, les spectateurs varois découvrent un vrai talent. Avec Jean-Claude Joubert sur une Honda officielle, Dominique Sarron gagne son premier Bol d’Or : la dynastie est en marche. Il mènera ainsi une double carrière, en courses de fond et en Grand Prix quand il parvient à décrocher un guidon en 250CC pour 1985.
Le circuit mondial ne lui conviendra qu’à quelques occasions, car il est frappé d’une malchance rare. En 1988, après de belles années chez Honda, la chance de jouer le titre est réelle. Il avait terminé troisième et quatrième les deux saisons précédentes, et était prêt à affronter les pointures qu’étaient Jacques Cornu, Luca Cadalora ou Sito Pons.
Pour le premier Grand Prix de la saison, au Japon, un problème aux qualifications le ralentit : il aura besoin d’effectuer une remontée impressionnante. Cela ne se produira pas, puisque sur la grille, sa chaîne casse. Abandon instantané. Il enchaîne alors les performances, comme cette troisième place aux États-Unis, ou la victoire avec pole à Imola.
La course du Castellet, devant son public, est décisive. Le circuit, il le connaît par cœur, il en est déjà à cinq victoires sur la course de 24 heures. Dès le samedi, avec la pôle, il montre les dents. Mais, en course, l’impensable se produit. Il est considérablement ralenti, et ce par des problèmes gastriques ! Finissant troisième, une place derrière Pons, il ne pourra rien faire pour l’empêcher de prendre la couronne mondiale. Ironie du sort : Cornu, qui gagne la course, ne terminera que huit points devant Pons au général, le reléguant à la quatrième place.
Fort de quatre victoires en 250CC, il passe dans la grande cour rejoindre son frère pour l’année 1989, sur une Elf-Honda NSR500. Cette dernière, très violente, ne donnera rien mais il est toujours particulier de voir deux frères concourir l’un contre l’autre. Redescendu en 250CC avec Tech-3 l’année d’après, il quittera finalement le circuit mondial en 1992, après trois années de disette. Voir quelqu’un, pas tant prédestiné à la moto, courir contre son frère au plus haut niveau est un bel accomplissement. À côté de ça, c’est (toujours) un monstre en endurance.
Il remporte les 8 heures de Suzuka, en 1986 avec la légende Wayne Gardner, et en 1989 avec Alex Vieira, battant le record de tours. Deux français ont remporté l’épreuve à travers l’histoire. Vieira donc, et Dominique Sarron. Deux fois.
Son terrain de jeu favori reste le Castellet. Le Bol d’Or ? Il l’a emporté à sept reprises, étant à l’époque corecordman du nombre de victoires avec Gustave Lefèvre. Sa plus belle réalisation reste sa dernière danse ; le sacre de 1994, où sous l’impulsion de Jean-Claude Olivier, il remporte le Bol avec Yasumoto Nagai et son propre frère sur Yamaha . Grâce à cet exploit lourd de sens, il reste à ce jour le seul homme à avoir remporté l’épreuve sur trois marques différentes, en comptant celle de 1993 sur Suzuki.
Dominique Sarron se retira peu à peu, courant pour le plaisir et en faisant profiter les passionnés à travers son école de pilotage qui est aujourd’hui la réputée H2S. C’était un pilote modeste, au palmarès exceptionnel mais sans faire de vagues. Finalement, Sarron rime avec nostalgie, barbecue et bières chaudes durant l’âge d’Or du Bol , avec fratrie, mais surtout avec passion.
Photo de couverture : Rikita