La retraite de Valentino Rossi semble plus proche que
jamais. En effet, ce début de saison difficile ne laisse
plus de doutes, surtout pour un pilote compétitif dans l’âme comme
Vale. Avec le développement de la VR46 Academy,
suivra t-il les traces de Giacomo Agostini et Kenny Roberts ?
Analyse.
Depuis quelques années, le message est clair : Le vœu du légendaire
Rossi est de transmettre. En partenariat avec l’entreprise de
télécommunications britannique Sky, ses équipes
Moto3 et Moto2 rencontraient et
rencontrent toujours un grand succès.
Franco Morbidelli, Francesco
Bagnaia et Luca Marini sont actuellement
les fers de lance du projet. Le premier fut titré champion du monde
Moto2 2017 avec l’équipe MarcVDS, mais faisait
alors partie de l’académie. Les deux autres ont signé leurs
exploits avec les machines noires, frappées du logo
« VR46 ».
Ni Agostini, ni Kenny Roberts n’ont été présents de cette manière
durant leurs carrières de pilotes. Ce que l’on voit est absolument
inédit, et pourrait bien devenir tentaculaire d’ici quelques
années. Pour remettre les choses dans leur contexte, étudions le
cas des deux champions précédemment évoqués.
À la suite de sa carrière (1964-1977), Ago se tourna vers
Yamaha; l’équipe officielle lui fut confiée en 1982. Le
changement est immédiat. En plus d’apprendre le métier à Kenny
Roberts, il remporte trois titres de champion du monde pilote grâce
à Eddie Lawson. L’envie de challenge le poussa à
explorer une autre piste, en partant de zéro ou presque.
Le « roi Ago » se concentra sur l’épopée Cagiva de 1992 à
1994. En effet, la belle italienne était difficile à
comprendre, mais le professionnalisme et l’expertise de Giacomo
aidèrent considérablement les rouges et gris. C’est sous sa
direction que l’équipe engrangea ses premiers (et derniers) succès,
bien aidé par Eddie Lawson puis John
Kocinski. Agostini aura, durant sa carrière de manager,
fait exploser de grands pilotes, de Graeme Crosby
à Álex Crivillé en passant par Luca
Cadalora.
Finalement, l’histoire de Roberts est similaire. Après ses trois
titres mondiaux consécutifs, sa carrière s’orienta rapidement vers
le management. Tout comme Agostini, l’équipe officielle Yamaha lui
fut confiée. S’en suit des titres à la pelle, ainsi que de grands
pilotes propulsés au plus haut niveau (Wayne
Rainey, ou son fils Kenny Jr.).
Son influence s’étend jusqu’à la décennie 2000, lorsqu’il décida de
faire entrer ses propres machines en championnat du monde, les KR à
moteur Honda. Une expérience peu concluante qui eut le mérite
d’exister.
Où se place Valentino Rossi dans tout cela ? Finalement, son destin
semble assez loin de ces prédécesseurs. L’italien semble plus à
même de lancer sa propre structure, financée par une entité tierce
(en l’occurrence le géant pétrolier Saudi Aramco pour
2022), et appuyée par un constructeur,
Ducati.
Le rapport à ses pilotes tranche avec tout ce qui existait
auparavant. Rossi roule avec les siens, les entraîne, les guide et
apparaît comme un mentor plus qu’un « patron ». Aux yeux
de l’histoire, cette vision familiale n’est pas toujours payante
mais trop peu d’exemples similaires existent pour en tirer des
conclusions.
C’est le rapport avec le constructeur qui change,
principalement. Yamaha tient la poule aux œufs d’or, mais la maison
japonaise osera t-elle confier les clés du camion à Valentino pour
un possible « Yamaha Team VR46 » ? Ne
serait-ce pas déclencher une guerre interne que de privilégier une
équipe satellite au détriment de l’équipe officielle ?
Les japonais sont donc soumis à un vrai dilemme, car la carrière de
manager semble tout tracée. Ducati est aussi sur le coup (Sky VR46
sponsorise Luca Marini chez Esponsorama, et un contrat pour l’année
prochaine); il serait terrible pour Yamaha de rater l’occasion.
Pour le moment, les choix de Rossi le rapprochent plus d’un
Jorge Martínez que d’un Kenny Roberts, c’est à
dire d’un privé qui essaye de faire exploser des talents, supporté
par un constructeur et des sponsors extérieurs.
Cette analyse nous conduit à un pronostic simple. Oui, Yamaha va
devoir oser « donner » l’équipe officielle à Rossi, dans
les années qui suivront sa retraite. La firme ne peut pas se priver
d’une figure comme « The Doctor », avec
l’empire qui va avec. Quel autre pilote peut aller chercher
des contrats avec Saudi Aramco ou Sky à l’heure
actuelle ?
Que fait Petronas dans tout ça ? Accepterons
t-il d’avoir comme concurrent direct un autre pétrolier sur la même
moto ? Pas de soucis, le projet pétrochimique
RAPID, lancé en Malaisie, lie les deux entreprises
depuis mars 2018. Avec la multiplication des courses en Asie du
Sud-Est et le marché à conquérir, nul doute que tout le monde y
trouvera son compte. L’occasion est trop belle pour être
manquée, vous ne trouvez pas ?
Photo de couverture : Michelin Motorsport