Darryn Binder s’est illustré au Grand Prix d’Algarve,
mais pas de la bonne manière. En effet, il a été coupable d’un
harponnage en règle au virage n°3 sur Dennis Foggia, encore en
bataille pour le titre. Ceci déclencha une vive colère dans le
paddock mais aussi sur les réseaux sociaux. Cet incident,
d’apparence simplissime, soulève des questions beaucoup plus
importantes. Décryptage.
I) Pourquoi Darryn Binder est
aussi décrié ?
Le
Sud-africain n’en est malheureusement pas à son coup
d’essai. Gros freineur, il s’est déjà fait remarquer en jouant des
coudes dans le peloton. Pourtant, il est nécessaire de rappeler,
bêtement, que ce n’est jamais l’intention du pilote, quel qu’il
soit d’ailleurs. Le coup n’est pas prémédité, donc il s’agit d’un
mauvais jugement. Cet éclaircissement, aussi basique soit-il, est
primordial.
C’est le lot de tous les engagés en mondial. Le fait est que si
Binder avait découpé Yuki Kunii
pour la 20e position, cela n’aurait pas été le même déferlement de
haine. Sam Lowes, l’an dernier, avait fait une
entrée encore plus fracassante dans le peloton en Autriche (et fut
pénalisé d’un drapeau noir, chose rare de nos jours), mais cela
n’avait pas provoqué autant d’émoi.
Ce cas, rare, est arrivé à de nombreuses reprises dans l’histoire
des sports mécaniques. Timo Glock reçut des
menaces de mort après avoir sacré, à son insu, Lewis
Hamilton à São Paulo en 2008, tout comme il fut reproché à
Álvaro Bautista d’avoir percuté Jorge
Lorenzo à Assen en 2012. Lors d’une explication pour le
titre, l’on aimerait une course en duel, comme si l’on oubliait
l’essence même de notre passion. Leopard Racing
doit l’accepter mais cela fait partie du jeu.
II) Un danger en MotoGP
?
Quelques temps plus tôt, et à la surprise générale,
Darryn Binder était annoncé chez WithU
Yamaha RNF l’an prochain. Sans passer par la catégorie
intermédiaire, le Sud-africain devra s’adapter à ces machines
surpuissantes. Bien évidemment, ceci fut retenu contre lui
dimanche. Comment peut-on laisser un homme capable de telles pertes
de contrôle évoluer en catégorie reine ?
Ironie du sort, cela concorde avec les nouvelles règlementations
liées à l’âge qui ont déchaîné les passions ces derniers temps.
La FIM veut limiter à 18 ans l’accès à la Moto3,
catégorie turbulente et physique au possible. Problème : Darryn a
23 ans, et sept saisons dans les jambes.
Cela est bien la preuve que l’âge n’est pas le seul facteur à
prendre en compte et que les nouvelles mesures ne sont pas
complètes. Comment faire autrement, si ce n’est accepter le risque
? Une question encore plus complexe.
Jack Miller, lui aussi passé directement des plus
petites cylindrées à la cour des grands (sans être plus dangereux
que ça, au passage), eut une très bonne analyse, précisant que l’on
avait « déjà vu Valentino Rossi faire une
erreur similaire après toutes ces années d’expérience », avant
de nous rassurer : « Je ne suis pas inquiet pour l’an prochain
».
La leçon que doit en tirer la FIM est simple : Tout ne doit pas –
et ne peut pas – trouver une issue ou une justification. Ce genre
de comportement est impossible à prévenir et établir des règles
trop restrictives n’est pas une solution.
III) Que faire, si ce n’est rien
?
Les erreurs de ce type sont trop aléatoires, trop spontanées pour
mériter une énième réforme du règlement. Pourtant, Pecco
Bagnaia avançait une idée intéressante, qui est à
réfléchir : la super licence. Ce permis,
nécessaire pour évoluer en Formule 1, pourrait être une bonne
manière de prévenir les incidents en MotoGP, bien que ce ne soit
pas la catégorie la plus dangereuse.
La super licence repose sur trois principes : l’âge,
l’expérience et les résultats. Tout d’abord, chaque pilote
de monoplace doit avoir 18 ans au minimum afin de pouvoir y
prétendre. En ce sens, nous pouvons dire que la DORNA a déjà coché
cette case récemment. Ensuite, un nombre de kilomètres minimum doit
être parcouru (300 en l’occurrence), en essais libres ou privés,
afin de décrocher le Saint-Graal. Finalement, les
pilotes doivent prouver dans un championnat avant de passer au
suivant.
Mais là encore, plusieurs problèmes se révèlent, soulignés par
Joan Mir et Franco Morbidelli. Le
fait de manquer la Moto2 n’a pas empêché Jack
Miller de rouler proprement et si l’on prend en compte ses
résultats en catégorie intermédiaire, Fabio
Quartararo n’aurait pas pu prétendre à la couronne cette
année.
Finalement, la marge de manœuvre est très limitée. Joan
Mir, champion du monde 2020, semble avoir la bonne réponse
à cette question sans fin. Pénaliser lourdement, au cas par cas et
c’est tout.
Que pensez-vous de cette question ? Dites-le-nous en commentaires,
tous seront lus avec passion !