Imaginez un instant : Vous avez un budget illimité et aucune
contrainte pour réaliser le meilleur circuit de
MotoGP possible. Un challenge tentant
n’est-ce pas ? Pour vous aider, nous avons rédigé un petit
manuel, mettant en perspective les différentes philosophies
existantes, couplées à une analyse des tracés actuels. Ceci
s’organisera sous la forme d’un plan en deux parties, afin de
rester clair et concis.
I) Le lieu
Pour le moment, vous avez l’embarras du choix. Certes, la
FIM vous incitera sûrement à choisir une localité
jamais explorée par le mondial, de préférence en Asie du
Sud-Est, où la moto est en pleine expansion, la popularité
du Grand Prix de Thaïlande, n°1 en termes
d’affluence, n’est plus à questionner.
C’est une dimension à prendre en compte. Ainsi, il faudra viser un
marché émergent, qui est intéressé par les sports mécaniques, tout
en maintenant un lien avec le passé. L’histoire sert à
légitimer, à faire accrocher le spectateur, à rappeler des
souvenirs.
Par exemple, le Grand Prix du Qatar est
généralement bon, mais il manque cette saveur historique, cette
touche d’héritage. Une bonne course à Assen
marquera plus l’audience qu’une excellente course à
Losail.
Si l’on suit les critères énoncés précédemment, le
Mexique semble être une destination idéale. Le
marché est en expansion, les fans sont déjà friands du Grand Prix
de F1 organisé dans la capitale et deux légendes des sports
mécaniques, les frères Rodríguez, portent à bout
de bras l’héritage motorisé du pays. D’ailleurs, des discussions
étaient en cours pour en organiser un, sans suite pour le
moment.
Un peu plus au Sud, le Brésil (un peu trop facile) ou le Venezuela
pourraient vous accueillir à bras ouverts ! Le GP du
Venezuela fut organisé de 1977 à
1979, grâce à la popularité de Johnny
Cecotto et Carlos Lavado. L’Asie est un peu bouchée,
avec la Thaïlande, la Malaisie, le Japon et bientôt
l’Indonésie.
II) Le tracé
Nous voilà dans le cœur du sujet. Si vous pouvez, essayez de
trouver un endroit naturellement vallonné, cela donne un caractère
spécial au circuit. Cela sera difficile à réaliser, car la tendance
générale est à l’aplatissement, dans l’optique de gagner en
sécurité. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le dénivelé
n’a rien à voir avec le spectacle, mais rend le tracé
reconnaissable au premier coup d’œil, lui confère une
caractéristique.
Ensuite, il faudra créer une identité, et non pas faire un
assemblage de plusieurs secteurs. Un circuit se conçoit d’un seul
trait, pas avec des blocs prédéfinis. C’est le principal problème
d’Hermann
Tilke et de ses projets. L’architecte allemand possède
des bribes, et les assemble différemment au bon vouloir des
organisateurs.
Un article a déjà été consacré à ses procédés si vous désirez en
savoir plus.
Les meilleurs circuits sont assumés, au style tranché. L’exemple le
plus explicite est sans doute le Mugello, l’un des mieux conçus du
calendrier. Il n’y a que des courbes, et pas une seule chicane
cassante. En revanche, Le Mans et
Brno, qui a malheureusement disparu du calendrier,
proposent une majorité de virages à 90° et des chicanes, type «
stop and go ». Vous pouvez nuancer, comme au Mans,
mais pas faire un mélange douteux de ces deux styles parmi
d’autres.
De même, Assen
joue sur l’alternance de courbes très rapides et de passages lents
pour casser le rythme. Ainsi de suite pour tous les grands
circuits. Tilke n’a pas fait que des mauvaises
choses (car ses morceaux prédéfinis sont de grande qualité), loin
de là, mais ce manque d’identité probant nuit à ses créations.
Ces éléments de réponse ne sont que de la
philosophie, aucun virage n’est meilleur qu’un
autre, tout dépend de sa place sur le circuit. Vous serez, de toute
manière, contraint à une standardisation
(dégagements, matériaux, long lap…) qui freinera votre processus
créatif. Cependant, une spécificité semble avoir fait ses preuves
pour garantir le spectacle en piste.
Une épingle ou un virage très lent juste avant l’arrivée. C’est la
marque de Jerez,
Assen
mais aussi de
Termas de Rio Hondo, qui fournit son lot de
rebondissements saison après saison. Outre l’évident «
potentiel spectacle », ces virages véhiculent
l’incertitude propre aux sports mécaniques, et de nombreux
téléspectateurs attendront le dernier virage pour savoir s’il s’y
passe quelque chose, même si la course est ennuyeuse.
Bien sûr, tout n’a pas pu être évoqué dans cette courte analyse,
qui, nous l’espérons, vous aura plu. Si vous avez
d’autres idées concernant votre circuit de rêve, n’hésitez pas à
laisser un commentaire, tous seront lus avec
passion.
Photo de couverture : Michelin Motorsport