Nous sommes des fans des 8 heures de Suzuka ! C’est ce qui explique que nous avons toujours mis cette course en avant, malgré son horaire décalé pour les Européens et malgré l’obscurantisme qui règne à la fois autour de ses spécificités et de ses préparatifs.
Peu importe : l’aura de cette épreuve, qui voit s’affronter les équipes d’usines des quatre constructeurs japonais, justifiait que l’on passe des heures au téléphone avec nos correspondants sur place ainsi qu’à décrypter les sites et les blogs japonais des teams, des pilotes et même des fans.
Cette année, la course s’annonçait plus intense que jamais, et elle le fut, gardant tout son suspens pendant 7 heures 54 minutes et 16 secondes, soit jusqu’à 6 minutes de l’arrivée où se sont déroulés les événements que l’on connaît : explosion du moteur de la Suzuki du SERT en bout de ligne droite puis chute du leader Jonathan Rea 2 tours plus tard (7h58m27s) dans un virage à gauche coupé précédemment par Étienne Masson au guidon de sa moto qui pulvérisait son huile, et arrêt de la course à 7h58m38s alors que quelques gouttes de pluie commençaient à tomber assez fortement dans cette partie du circuit.
Un peu à la surprise générale pour ceux qui connaissent le
règlement de l’endurance (on comprendra pourquoi plus tard. Voir
plus bas), 10 minutes après l’arrêt de la course, la Yamaha est
annoncée vainqueur et son équipage célèbre cette victoire sur le
podium, même si l’on voit bien que l’on n’est pas vraiment
euphorique du côté d’Iwata, en particulier avec Eric de
Seynes qui garde le succès modeste ou avec Michael
van der Mark qui reconnaît à chaud « honnêtement, on
ne mérite pas cette victoire, on a fait beaucoup d’erreurs,
surtout aux stands »…
Une victoire par défaut qui vient néanmoins compléter une série de
5 succès consécutifs.
Quelques (longs) moments plus tard, suite à une réclamation du team Kawasaki, la FIM est contrainte d’annoncer la victoire de Jonathan Rea et Leon Haslam avec un nouveau classement provisoire, en attendant la vérification technique des motos.
Depuis, sur les différents sites officiels (dont au passage le
live timing ne fonctionnait plus, bien avant la dernière heure de
course), rien !
Pas une allusion, pas une explication ! Tout comme précédemment
aucune allusion n’avait été faite au typhon qui a entraîné
l’annulation du Top 10 Trial ou à la pénalité de la Honda #634
(alors que ces deux informations étaient connues depuis la veille)
! Bref…
Dès lors, il fallait s’y attendre, les questions fusent dans le paddock…
Pourquoi n’a-ton pas sorti la Safety Car après la rupture moteur
de la Suzuki ?
Pourquoi celle-ci est revenue en piste après en être
sortie ?
Quelle est la part d’huile ou de pluie qui a fait chuter Jonathan
Rea, vu qu’il était déjà passé à cet endroit sans tomber au
tour précédent ? La question est posée par Bridgestone et de la réponse dépend
la responsabilité de la Direction de course ou de Jonathan Rea
lui-même, avec normalement des conséquences différentes au
classement…
Pourquoi annoncer la Yamaha vainqueur si le règlement ne fait pas
mention d’une limite de temps pour rejoindre le parc
fermé ?
Pourquoi attendre le lundi pour avoir un classement
définitif ?
Pourquoi occulter tout ceci dans les compte-rendus
officiels et ne pas donner la moindre explication ?
Soyons lucides, ces quelques questions sans réponse médiatisée officiellement donnent pour le moment une image plutôt négative à cette épreuve qui devait être une fête. Elle est tout simplement gâchée et laisse un mauvais goût en bouche…
Au moment où l’endurance essaie de redynamiser son championnat sous l’impulsion de la FIM et d’Eurosport Events, ce genre d’omission peut parfaitement porter préjudice à une discipline qui ne le mérite vraiment pas, tant les hommes qui la constituent sont des héros des temps modernes.
Tournons la page et espérons que nombre d’éléments seront clarifiés pour la saison prochaine, en particulier en ce qui concerne les 8 Heures de Suzuka (Est-il normal que le règlement particulier des essais ne soit pas disponible autrement que, peut-être, en japonais ? Et encore, nous ne l’avons pas trouvé).
Certes l’épreuve est mythique, certes elle se suffit à elle-même et les Japonais n’ont pas grand-chose à faire du championnat du monde d’endurance (il a fallu positionner Suzuka en tant que finale du championnat, et donc leurs accorder les 50% de points en plus, pour qu’ils acceptent d’en faire partie), mais à partir du moment où c’est le cas, il semble indispensable qu’une absolue clarté soit de mise, d’autant que cette épreuve possède bien des spécificités, à l’image des prochaines 8 Heures de Sepang qui lui serviront de pré-qualification (ainsi qu’une éventuelle mystérieuse course au Japon)…
Bien qu’informé lors de différents briefings (pilotes, teams)
qu’une moto devait rejoindre le parc fermé dans les 5 minutes pour
être classée, ce point n’avait pas encore été juridiquement ajouté
au règlement actuel.
Le team Kawasaki a joué là-dessus.
Très loin du sport et pas vraiment beau. Espérons au moins qu’ils
n’auront pas le toupet d’exploiter médiatement cette victoire
acquise sur le tapis vert après une course néanmoins fantastique de
Jonathan Rea…
Une partie des réponses aux questions précédentes est fort heureusement apportée par Eric de Seynes:
Eric de
Seynes : « Les 8h de Suzuka ont été
fortes, intenses, dures et éprouvantes jusqu’à la fin pour se finir
sur des subtilités de règlements ».
« L’ambiance était comme chaque année incroyable avec un public
qui reste exceptionnel. Nos teams Factory, officiel et privés ont
réalisé de grandes performances pour finalement terminer 2eme
(Factory, Lowes/Nakasuga/Van der Mark), 6ème (YART,
Canepa/Fritz/Parkes) et 2eme superstock ( NCXX Racing avec Stéphan
Hill). Bravo aux 12 équipages qui terminent cette édition
mémorable, notamment les teams européens qui ont fait le
déplacement : Maco, Motobox et VRD Igol Pierret Viltais
».
« La course a été incroyablement disputée… A la fin de la 6ème
heure, 9s séparaient les 3 premiers et au final, après 8h, c’est un
écart de 18s qui séparent la Kawasaki 10 de la Yamaha 21
».
« Pour nos pilotes, la course a été une poursuite permanente
après une Honda qui consommait un peu moins et reprenait
systématiquement la tête pour quelques tours , après chaque
ravitaillement de la 10 et de la 21. Et après une Kawasaki qu’on
tenait sur la piste mais qui nous reprenait 3 à 4 secondes aux
ravitaillements. A l’arrivée, la 10 est déclarée vainqueur avec 18s
d’avance sur la Yamaha 21, alors que nous perdons 25s sur eux dans
les stands ».
« Nakasuga a été exemplaire de performance tout au long de la
course, Michael a été terriblement courageux car il a souffert de
son poignet, récemment opéré, notamment à chaque fin de relais car
la position de conduite sur la moto était réglée pour Nakasuga et
Lowes, proches de 1m70 alors qu’il les dépasse de presque une
tête.. Enfin Alex a été irréprochable. Pas de faute, une attaque
permanente et un tempérament de guerrier ».
« Avant son dernier relais, on échange. Quelle stratégie ?
Reprendre 26s à la moto de tête semble injouable. Je lui dis
« continue à pousser , nous sommes en endurance et tout peut
se jouer sur une faute. Cela fait 7h que tous les pilotes poussent
sans relâche, tout le monde est usé et il faut soutenir la
pression. Essaie de rouler 0,5s plus vite qu’eux et fais les
douter, ne joue pas la sécurité ». Il roulera fort,
bénéficiera d’une légère pluie sur une partie du circuit pour
reprendre plus de 3s au tour sur la Honda et prendre la deuxième
place à 25mn de la fin, puis arrive la fin de course. Il a déjà
remonté 8s sur la moto de tête. Il pousse toujours et Rea part à la
faute à 3mn de la fin de course, chutant à priori à cause du
changement d’adhérence plutôt que sur l’huile ou l’eau de la Suzuki
! D’ailleurs, il est le seul à chuter. Il chute, et la moto qui ne
repart pas. Au lieu d’un pace car, la direction de course sort le
drapeau rouge ».
« En WSBK comme en MotoGP , toutes les motos ont 5mn pour
rentrer au parc fermé et valider le classement du tour précédent le
drapeau rouge (ce qui était aussi indiqué dans les documents du
briefing des pilotes) ».
« Nous sommes dans le parc fermé, en attente avec nos pilotes,
il est 19h35 , cela fait 7mn que le drapeau rouge a été présenté et
la Kawasaki ne rentre pas. La direction de course annonce la 21
vainqueur de la course. On a du mal à y croire, mais c’est beau,
c’est dur, c’est l’endurance. Partage avec les pilotes, photos,
mécaniciens en pleurs, sentiment partagé de joie et d’incrédulité..
podium, photos, joie. On attend le retour des pilotes pour faire
notre photo de famille, et là nous assistons au début des palabres
».
Kawasaki a porté réclamation, on ausculte les textes et,
juridiquement, le règlement de l’endurance ne s’est pas encore
aligné sur le WSBK et le MotoGP. Le drapeau à damier n’a pas été
présenté avec le drapeau rouge et cela change tout. Le pace car
n’est pas sorti et cela change tout. Cela change une victoire en
une deuxième place. Cela rend la fin de cette journée terriblement
étrange, on essaie de se soutenir, de partager ».
« La course a été incroyablement intense, belle et à la hauteur
de la légende des 8h de Suzuka ».
« Nous sommes des compétiteurs, pas des lamentateurs. Nous
félicitons le vainqueur pour sa course et nous irons chercher de
nouveau la victoire ici en 2019. Nous sommes Champion du monde
constructeur de cette année et nous en sommes ravis.
Enfin, nous donnons rendez-vous à tous nos concurrents pour le
prochain championnat du monde d’endurance à commencer par le
prochain d’or et les nouvelles 8h de Sepang ! Ils pourront compter
sur nous pour aller chercher la victoire, et le public pourra aussi
compter sur notre total engagement ».
« Vive la moto, vive l’endurance, vive le sport ! ».
Ladies & gentlemen, the 2019 #Suzuka8H winners! pic.twitter.com/256S19eLZS
— FIM EWC (@FIM_EWC) July 28, 2019