La création du Yamaha Racing Heritage Club a été annoncée à l’EICMA en 2021 et la Sunday Ride Classic sera le premier et le seul événement en France à accueillir cette structure en 2022.
Pour en savoir un peu (beaucoup) plus que le communiqué officiel diffusé en novembre dernier, nous avons recueilli les propos d’Éric de Seynes, à l’origine de cette initiative qui concerne dans un premier temps les propriétaires de Yamaha de compétition, mais aussi à terme tous les passionnés qui roulent sur des motos de la marque d’un certain âge…
Éric, pouvez-vous nous expliquer la genèse du Yamaha Racing Heritage Club ?
Éric de Seynes : «Tu te souviens peut-être que dans les années 2011-2012 on avait lancé le Yamaha Classic Service avec Yamaha France, parce que je trouvais important que toute cette génération de mécaniciens et de techniciens qui connaissaient encore bien ces motos des années 60 et 70, avant qu’il partent à la retraite et que leurs savoirs disparaissent, puissent faire un effort de transmission. À l’époque, on avait à peu près entre 35 et 40 concessionnaires qui avaient joué le jeu du Yamaha Classic Service, et qui avaient adhéré à ce réseau pour mieux servir les clients, collectionneurs ou pas. On avait donc réussi à faire une dynamique autour de ça et on avait restauré pas mal de motos pour essayer d’apprendre et avoir une base et une banque de données de pièces adaptables de qualité quand les pièces n’existaient plus en origine, et parfois même de pouvoir relancer la fabrication de certaines pièces d’origine quand il y avait un volume suffisant.
Donc on avait fait ça, mais quand je suis parti chez Yamaha Europe, c’est malheureusement un peu tombé, car il faut s’en occuper et aimer ça. Donc quand je suis arrivé à l’Europe, j’ai laissé passer un peu de temps pour dégrossir les chantiers et quand j’ai essayé de remettre en route ce contenu, on a commencé par monter ce qu’on a appelé le conservatoire.
Concrètement, j’ai récupéré des motos qui prenaient la poussière dans l’ensemble des filiales européennes et qui avaient pourtant un passé historique intéressant, et on a donc reconstitué chez Yamaha Motor Europe un conservatoire à la fois des motos de série et des motos de compétition. Aujourd’hui, on a à peu près 120 motos de série qui sont toutes dans un état irréprochable. Je me suis attaché à toutes les motos que Yamaha Motor Europe a distribuées. Yamaha Europe a été constitué en 1968 mais en Europe les premiers importateurs ont commencé à travailler à partir de 1964, donc on a des machines qui commencent à partir de 1964. On s’est donc attaché sur la mémoire en Europe en couvrant 60 ans d’existence, et ce qui est intéressant c’est que je l’utilise vraiment comme un outil pédagogique pour nos Ingénieurs et nos designers, parce que par moment tu t’aperçois que ces derniers n’ont aucune idée de ce qu’on a fait avant ! Donc on leur montre que sur une DTF, une moto soi-disant tout-terrain, la hauteur de selle est entre 70 et 80 centimètres et c’est un gros vélo qui se manie très bien, donc oui, tu peux faire un trail sans avoir pour autant une hauteur de selle de 85 cm. Ça permet de montrer qu’il y avait des solutions ingénieuses, qu’il y a eu une évolution et des tentatives en terme de design. Pour eux, c’est intéressant de voir côte à côte la rondeur des AT2 et d’un seul coup les formes rectangulaires qu’on a essayées avec les XS 360, 400, 500 des années 77 et 78 avant de revenir à des formes plus conventionnelles avec les Diversion. Je trouve ça bien d’être une marque qui est vivante et qui se positionne à travers une lignée qui a du sens.
Donc on a commencé par ça, et de l’autre côté on a une salle où on a plutôt les motos de compétition. Là, c’est moins exhaustif car c’est plutôt ce qui restait dans les arrière-boutiques. On a donc des motos de Superbike, on a évidemment les motos du Dakar que l’on gardait chez Yamaha Motor France et quasiment toutes les motos d’usine de motocross de l’époque Rinaldi-Everts. On n’a donc pas tout, loin s’en faut, mais on a des traces, et sur cette base, j’ai challengé Paolo Pavesio, qui s’occupe du marketing et de la compétition chez nous, en disant « on a su faire le Yamaha Classic Service quand on était la France, tout seuls avec nos petits bras, donc il faut que l’on prenne mieux soin de nos clients, et notamment de tout ceux qui animent les clubs ». Les clubs XT, les clubs Tmax, Les clubs XJ… ça dégueule de clubs partout en Europe, et on a donc des milliers d’adhérents de ces clubs ! Alors la vocation ultime, ce serait de faire en sorte qu’on arrive à mieux fédérer, animer et soutenir l’existence de ces clubs de passionnés. Pour eux, on respecte la manière dont nos clients peuvent entretenir leur passion pour la moto, à travers nos motos mêmes si elles sont d’un certain âge. Et donc, il faut qu’on arrive à les encourager et à les nourrir, et à faire en sorte qu’ils se sentent accompagnés par la marque et pas ignorés par la marque de leur passion. C’est l’objectif ultime !
Pour commencer par un bout, on a commencé par les motos de compétition, où on a peut-être les plus ultras ! Donc pour le moment, le propos du Yamaha Racing Heritage Club, c’est de déjà prendre toute la génération des TZ et des motos de course 2-temps, auxquelles on peut rajouter un peu d’OW01, un peu de R7, etc., et en motocross commençons déjà par regrouper tous ceux qui pratiquent et qui ont des motos de cette époque-là.
– Un, commençons à les identifier : où est-ce qu’ils sont en
Europe ? Qui ils sont ? Qu’est-ce qu’ils possèdent ?
– Deuxièmement, donnons la capacité de pouvoir entre guillemets
certifier l’intégrité de ces motos-là, parce que malheureusement
elles commencent à avoir des valeurs qui deviennent de plus en plus
coûteuses, et donc c’est une manière de protéger à la fois les
propriétaires qui ont fait une bonne restauration et les acheteurs
potentiels que la moto qu’ils achètent est intègre. Il y a
quelqu’un qui peut leur dire » oui, c’est intègre
« , donc il y a une forme de certification ou en tout cas
d’accompagnement dans un travail de restauration pour faire la moto
la plus intègre possible.
– Troisièmement, il y a la vocation de regrouper ces pratiquants,
ces adhérents au club, sur des événements où on peut se retrouver
et où, progressivement, on va déployer des structures d’accueil.
Là, comme c’est la première année, on balbutie parce qu’on ne sait
pas s’il y en aura 10, s’il y en aura 50 ou s’il y en aura 500 !
Donc pour le moment on essaie d’apprendre. La première était à
Varano en Italie et on va avoir la première en France avec la
Sunday Ride Classic. On en fait une en Angleterre à Donington et
une en Allemagne au Sachsenring (voir les dates ici), donc on
essaie vraiment de faire un programme européen pour essayer de
fédérer tous ces pratiquants ou ces propriétaires qui se sentaient
parfois ignorés et qui n’étaient pas en lien entre eux.
– Le quatrième levier, c’est qu’en fonction des informations qu’on
aura maintenant en direct de la part de cette communauté, s’il faut
mutualiser pour relancer des fabrications de pièces comme des
carters de TZ 350 qu’on ne trouve plus alors qu’on s’aperçoit qu’on
a 140 motos qui tournent en Europe, et que si on lance une
production de 10 ou 20 pièces ça intéresse et on peut mutualiser,
car nous, Yamaha, on peut se débrouiller pour récupérer les moules,
on a les plans d’origine, et que ça permet de refaire la pièce de
façon tout à fait intègre, on le fera ! L’idée, c’est vraiment
d’avoir une communauté qui soit beaucoup plus au contact de la
marque, pour voir jusqu’où la marque peut accompagner cette
communauté dans l’exercice de sa passion. C’est ça la finalité : il
n’y a pas de pognon, ce n’est pas marketing, c’est juste
» faisons vivre le truc et gardons la flamme !
« . Et pour que les gens puissent garder la flamme, il
faut qu’ils puissent continuer à rouler avec leurs machines, donc
faisons en sorte que la pratique soit facilitée.
Pour le moment, on commence avec l’angle compétition, et si ça fonctionne bien dans deux ou trois ans, on va pouvoir étendre progressivement aux clubs de motos de route et continuer à déployer cette approche au bénéfice des propriétaire de nos motos. »