Aleix Espargaró a fait fort en Argentine en marquant l’histoire à la fois de la catégorie MotoGP et du constructeur Aprilia. Cette victoire prise à Termas de Rio Hondo est aussi une consécration pour le pilote qui en était à son 200è Grand Prix en MotoGP, mais qui a surtout mis fin à une disette personnelle de succès qui durait depuis 283 courses, ce qui remonte à ses débuts en 125. Et puis il y a maintenant cette satisfaction d’avoir eu raison alors que tout le monde lui disait qu’il avait tort de croire en cette RS-GP. Soit directement, soit indirectement en constatant que personne ne souhaitait le rejoindre dans le box de l’usine de Noale. A commencer par les jeunes, à qui il adresse à présent ce message…
Aleix Espargaró, après s’être délecté du Prosecco boit à présent du petit lait. L’Espagnol a rejoint Aprilia en provenance de Suzuki en 2017 et a joué un rôle déterminant dans le développement de la RS-GP pour en faire la moto qu’elle est aujourd’hui. Il se rappelle : « je me souviens parfaitement quand j’étais chez Suzuki avec Maverick Viñales et que j’ai fini là parce que je n’étais pas assez compétitif. Aprilia m’a appelé et je n’étais évidemment pas du tout en tête de liste des pilotes rapides ».
« Mais personne n’y allait, les pilotes rapides ne voulaient pas y aller, personne ne croyait au projet. Donc, dès le premier jour, j’ai dit « Je vais essayer de faire briller cette moto, je vais essayer de l’amener au sommet » raconte Aleix Espargaró qui donne ainsi toute la dimension de son exploit argentin. Il avoue tout de même : « Je ne m’attendais pas à ce que cela me prenne autant de temps, mais finalement nous y parvenons ».
Aleix Espargaró : « tu te souviendras de ce jour où tu as dit non à Aprilia«
Les piètres résultats qu’Aprilia a obtenus en Championnat du monde moto ces cinq dernières années n’ont pas facilité la tâche des hommes de Noale dans leur volonté de recruter de jeunes talents capables de faire leurs premiers pas dans la catégorie reine au guidon de leur RS-GP. La première tentative a eu lieu en 2017, avec Sam Lowes qui a finalement accompli une première saison catastrophique dans la catégorie reine avec 31 chutes et un faible revenu de 5 points en 18 courses. Une mésaventure qui a renvoyé le pilote britannique en Moto2 l’année suivante.
Ensuite, Aleix Espargaró a partagé le box avec des pilotes déjà aguerris en catégorie reine, comme Scott Redding (2018), Andrea Iannone (2019) ou Bradley Smith (2020). Il y a aussi eu le pilote test Aprilia, Lorenzo Savadori, durant la première moitié de la saison 2021, jusqu’à ce que Maverick Viñales prenne ses quartiers l’été dernier chez Aprilia après son divorce houleux avec Yamaha.
Ces dernières années, Aprilia a tenté en vain d’attirer les meilleurs talents du MotoGP avec Cal Crutchlow et Andrea Dovizioso, tandis qu’à la fin de 2020 – lorsqu’Andrea Iannone s’est vu imposer une interdiction de quatre ans pour dopage – elle a tenté de courtiser plusieurs grands noms du Moto2, dont Marco Bezzecchi, Fabio Di Giannantonio et Joe Roberts.
Tous ont refusé. Et ils reçoivent aujourd’hui la leçon de leur aîné à présent victorieux : « il y a déjà trois ans, nous avons essayé de convaincre des jeunes pilotes de venir et ils ont dit ‘je préfère attendre une autre moto’. Donc, cela m’a donné plus faim, cela m’a donné une motivation supplémentaire parce que j’ai dit ‘Ok, tu te souviendras de ce jour comme pas un bon jour de ta vie quand tu as dit non à Aprilia’ ». Ce jour est arrivé. C’était un dimanche 3 avril à Termas de Rio Hondo…
Depuis, il y a déjà comme un revirement… « Pourtant, il y a beaucoup de travail à faire, mais je pense que les gens – en particulier les jeunes pilotes – commencent à voir le projet Aprilia plus sérieusement, comme une option pour l’avenir. Je pense que c’est formidable pour le sport ». Attention tout de même, car cet intérêt veut dire aussi une concurrence à gérer sur le marché des transferts. Le pilote de 32 ans l’a bien compris et il profite de ce moment favorable pour préciser que son ambition de devenir un cycliste professionnel est maintenant remise à plus tard… « Ce ne serait pas juste pour moi d’arrêter maintenant », a-t-il déclaré. « Je pense qu’après tout le travail acharné que j’ai fait, je n’ai jamais gagné auparavant, je n’ai jamais été un leader ou l’un des plus forts de n’importe quelle catégorie. Donc, pour être juste envers moi-même, je pense que je devrais courir pendant au moins un ou deux ans. Et c’est sûr que j’ai plus d’énergie pour continuer à courir. En même temps, je dois dire que c’est très difficile d’être loin de ma famille. Alors évidemment, si je suis capable de gagner des courses et d’être devant au championnat, ce sera plus facile ».
Aleix Espargaró termine : « je me sens assez bien physiquement et j’aime rouler. Sincèrement, je ne me soucie pas vraiment de l’avenir. Je veux profiter de cette année, en essayant d’être compétitif et rapide ». Pour le moment, et avant l’échéance d’Austin qui avait été un calvaire pour lui et pour Aprilia l’an dernier, il pointe carrément en tête du championnat…