Dans le très riche programme que propose la Sunday Ride Classic les 11 et 12 juin figure une exceptionnelle exposition des motos françaises de Grand Prix.
Évidemment, la Mistral M610 construite par l’équipe Tech3 y tiendra une place de choix, d’autant que son créateur, Guy Coulon, sera présent sur l’événement pour partager son savoir et sa passion.
Seulement, pour l’avoir vécu à maintes reprises, nous savons déjà que l’homme sera extrêmement sollicité par le public qui trouve là une occasion unique d’approcher, de saluer voire de converser avec les professionnels de la compétition. Nous avons donc pris les devants et demandé à Guy Coulon de nous narrer l’histoire de la Mistral M610, ce qu’il a bien voulu faire avec sa gentillesse et son franc-parler habituel…
En neuf années d’exploitation, la Mistral a-t-elle beaucoup évolué ?
« Oui, tout a été changé, même si c’est dans le détail. Enfin, dans le détail… les détails plus ou moins importants. Il y a eu beaucoup d’évolutions. On avait fait une grosse évolution pour le modèle 2018, mais qu’on n’a pas construit. On avait dessiné un truc intéressant, qui n’a pas trop été repris depuis, même si c’est dans l’idée chez certains. On ne l’a pas fait car dès l’hiver 2017/2018 on avait déjà signé les accords avec KTM pour 2019. On savait qu’en 2019, on roulerait Triumph avec des KTM, donc en 2018 on a fait des motos neuves mais qui étaient des 2017, avec très peu d’évolutions, seulement des petites choses. Mais comme le moteur Triumph est quand même assez différent, notamment au niveau des attache-moteurs, on avait prévu de lancer ce qu’on voulait faire avec le moteur Honda de 2018 pour préparer le moteur Triumph de 2019. Donc ça n’a pas été fait mais les plans existent. »
Et on ne peut pas savoir de que quoi il s’agit…
« Euuuuuhhhh… Mmmm… Non ! On ne va pas s’étendre là-dessus. »
Au final, la Mistral a quand même remporté un Grand Prix avec Yuki Takahashi, et apporté une grande expérience : quel bilan en tirez-vous?
« Oui, une victoire et quelques podiums. En tout cas, on a appris à faire des choses et ça a enrichi les mécaniciens et les gars qui bossaient dessus, ce qui n’aurait pas été le cas si on avait utilisé une moto venant d’ailleurs. Quand tu es confronté au problème de faire la moto et de trouver des solutions pour résoudre les problèmes, c’est plus enrichissant que d’attendre que les évolutions viennent toutes seules. D’un autre côté, quand tu fais tes motos pour toi, l’énorme problème est qu’en général tu as assez d’informations pour faire une évolution au bout de quatre courses. Et si c’est pour faire tes propres motos, ça voudrait dire que tu jettes toutes tes pièces, tu en fais des neuves, donc tu perdrais beaucoup d’argent et tu n’as pas le budget pour faire ça. Alors que si tu es un constructeur qui ne roule pas, mais qui vend ses motos aux teams, dans le lot il y a toujours des teams qui ont un peu d’argent, donc ton intérêt c’est de faire le plus d’évolutions possibles pour qu’on te rachète le plus de pièces possibles. Donc en quelque sorte, c’est une double peine : c’est-à-dire que nous on avait les infos pour faire une évolution mais on se les mettait sous le coude en disant « on essaiera plus tard », et cinq courses plus tard on avait d’autres idées, donc on faisait la synthèse de tout ça et on se disait « ça sera pour la moto de l’année prochaine ». Donc petit à petit, tu perds de plus en plus de temps. C’est le même problème que les équipes qui n’ont pas de teams satellites en MotoGP ! Tu es toujours beaucoup plus dans le doute sur tes performances et tu collectes beaucoup moins d’informations. Quand tu as la moitié du plateau, tu collectes beaucoup d’infos, et il y en a toujours un ou deux qui sont devant, donc c’est qu’eux ont déjà des solutions, donc ça te donne des arguments et ça te cale par rapport aux autres, en leur disant « avec ces réglages là, eux ils sont en pole, alors à vous de jouer ». Ça, tu peux le faire, alors que si tu es tout seul dans ton coin, c’est très compliqué de faire la part des choses : est-ce que c’est le pilote ne va pas trop ou la moto qui ne va pas trop ? C’est compliqué. Alors déjà, quand tu as quatre motos, s’il y en a trois à la traîne et un qui est en première ligne, bon, ça aide à la réflexion. Pour cette raison là, il serait complètement illusoire de croire que quand tu fais ta propre moto tu as un temps de réaction plus rapide et que tu vas pouvoir faire des évolutions et changer de cadre d’une semaine sur l’autre, ce qu’avait dit Kenny Roberts quand il a fait les KR. Mais bon, il a été confronté au même problème et il a disparu rapidement, encore plus rapidement que nous. D’autant plus que, si tu en as les moyens, ce n’est pas une bonne idée de vouloir changer des choses trop rapidement. Justement, tu est amené à le faire quand tu n’as pas assez de références. Par contre, quand tu as plus de références et qu’il y en a qui arrivent à fonctionner, ça te donne le temps de la réflexion et de ne pas tirer dans tous les azimuts pour essayer de faire progresser, et d’avoir une ligne de conduite en fonction des informations qui viennent de différents points. »
Ça, vous l’avez découvert dans le vif de l’action ?
« Oui, on l’a surtout subi, mais on avait bien une idée que ça pouvait se produire. Je pense qu’on a été pas mal en 2010 où on aurait pu gagner plusieurs courses, notamment à Brno. Mais peu importe, parce que justement, dans les évolutions à faire pour tout le monde entre la puissance supposée et la puissance réelle, on a réagi assez bien. C’est pour ça qu’on a gagné assez tôt. D’ailleurs, ce serait à vérifier mais je pense qu’on a gagné une course avant Kalex. On a réagi assez vite, parce qu’il le fallait après ce qui s’était passé, mais après tu t’essouffles au niveau budget et quantité de travail. Parce que quand tu as bossé des semaines à faire des pièces et que tu jettes tout pour en faire d’autres, ou qu’il faut en faire d’autres pour les remplacer et que tu ne peux rien en faire, c’est compliqué. Si tu le fais pour les vendre, très bien, mais si tu le fais à fonds perdus, c’est une autre histoire. Au début, c’était plus d’avoir des bonnes idées qui comptait plutôt que le budget, on pouvait se débrouiller, mais après tu t’essouffles très clairement. Un exemple, en général c’est moi qui faisais les réservoirs. J’arrivais à faire un réservoir en 12 bonnes heures, entre 12 et 15 heures. Des réservoirs, on en a fait 100 sur la période de 9 ans, parce que c’est une pièce qui morfle quand ça chute, et on en avait toujours six d’avance ! Donc, rien que ça, tu vois… dès que tu bouges un truc sur ce genre de motos, en général tu es obligé de changer le réservoir. Si tu as 6 réservoirs d’avance et que tu te dis « faut qu’on le change ou qu’on le modifie », et que tu en as pour 10 heures à chaque, tu les places où tes 10 heure ? Le réservoir, ce n’est pas cher, ça ne coûte rien en matière, mais ça coûte en temps, et le temps il faut le dégager. Et tout est comme ça ! En gros, pour les neuf années, on a fait 31 châssis, 60 bras oscillants et 100 réservoirs. »
Où sont ces motos aujourd’hui ?
« Il y en a un peu partout ! Sur les 31, il y en a bien encore pas loin de 25 ans en activité ou dans des collections. Seules 6 n’existent plus parce qu’on les a souvent réparées : même les cadres, on les a re-démontés pour faire des pièces et les remonter. Dans un cadre taillé dans la masse, tu as des parties qui sont soudées les unes aux autres. En gros, le châssis était fait en 7 pièces, et ça nous est fréquemment arrivé de désassembler le châssis entièrement, de refaire une ou deux pièces, de le remettre sur le marbre et de le ressouder, donc de refaire un châssis neuf qui repartait à zéro. Évidemment, ceux-là ne sont pas comptés comme des châssis en plus : même à la fin, on pouvait aligner nos 31 châssis, dont certains fort abîmés n’ont pas été réparés et doivent toujours être là, mais pas tant que ça, on doit en avoir trois ou quatre, pas plus, qui n’ont pas été jugés réparables. »
Quel est le point le plus positif de cette expérience de Tech3 ?
« Comme je te l’ai expliqué, c’était intéressant à faire, y compris pour les chefs-mécanos du MotoGP qui ont travaillé là-dessus, car ça t’apprend des trucs et ça t’aide à faire ta MotoGP la semaine d’après quand tu es sur le terrain. Ça t’aide à discuter avec des arguments avec les ingénieurs qui font les châssis des MotoGP, et tu peux parler avec eux en leur disant « non on a fait ça et on a obtenu ça ». Donc tu peux confronter un petit peu ce que les uns et les autres ont fait. »
Cela a été un peu suivi par Yamaha ?
« Non, pas du tout ! Un jour, j’avais dit à celui que je connaissais bien « est-ce que tu veux voir la Moto2 qu’on a fait ? » et il m’avait répondu « non, non, ça ne m’intéresse pas ». C’était le même que j’avais emmené voir les premières BMW flat twins modernes avec le châssis treillis et le monobras, parce qu’il travaillait aussi sur les motos de route. Il y en avait une dans le paddock et je l’avais emmené la voir parce que le concept est quand même hyper rationnel et très bien fait. Je l’avais emmené la voir quasiment de force, mais le truc l’avait quand même interpellé. Mais la Moto2, non (rires). »
Sur ces 31 motos, on imagine qu’on en verra une à la Sunday Ride Classic…
« Oui, il y en aura une. »
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Florian Marino pour le premier roulage à Lédenon (1/12/2009)…
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