Marc Marquez est donc retombé dans le cycle infernal des blessures et des convalescences, une série douloureuses commencée en juillet 2020 à Jerez avec la fracture de l’humérus droit, consécutive à une chute au Grand Prix d’Espagne. Mais justement, et comme Marc Marquez l’a lui-même suggéré en apprenant qu’il souffrait pour la troisième fois de diplopie après une commotion cérébrale, on a cette désagréable impression de « déjà-vu », sans trait d’esprit au vu de la pathologie. Comme si, décidément, on n’apprenait rien de ces expériences chez le pilote, l’homme, son entourage et son équipe. Et ça commence à faire jaser dans le milieu qui s’inquiète de la façon dont tout cela pourrait bien finir à ce rythme…
Durant l’intersaison, on a entendu un Marc Marquez délivrer un discours plein de sagesse, jurant qu’il ne prendrait plus de risques inconsidérés sur la piste. Au Qatar, premier Grand Prix de l’année, on a cru vérifier ces intentions avec cette cinquième place prise par l‘octuple Champion du Monde alors conscient qu’il n’avait pas les moyens de faire mieux. Mais en Indonésie, tout a été oublié. Une Honda trop en retrait pour diverses raisons a réveillé le Marc Marquez de toujours, celui qui ne se résigne jamais. Résultat ? Un vrai massacre : quatre chutes, dont deux en six minutes lors de la Q1, et un volume monumental lors du warm-up qui le laisse aujourd’hui retrouver les joies de la diplopie. Les mêmes causes produisent donc obstinément les mêmes effets.
Cependant, ça commence à faire beaucoup et pour certains, c’est déjà trop. Des pilotes estiment que Marc Marquez doit changer de logiciel s’il ne veut pas s’infliger davantage de dommages et ainsi se donner l’opportunité de prolonger sa carrière fructueuse pendant plusieurs années encore. C’est le cas de John McGuinness, un compétiteur qui sait très bien ce que c’est que de se faire mal et, surtout, de rouler toujours à la limite. Cependant, on ne gagne pas 23 fois le TT de l’île de Man si on ne sait pas gérer et assumer avec intelligence quand il faut pousser ou couper.
Sur le site MCN, le Britannique affirme que quelqu’un doit s’occuper de Marc Marquez, et de toute urgence : « nous ne pouvons pas oublier tout ce qu’il a accompli, les titres mondiaux qu’il a gagnés, mais quelqu’un devrait s’occuper de Marc Márquez, parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas. C’est comme si un câble s’était détaché quelque part. Est-ce dû à des accidents antérieurs ? Sa vue ? Sa concentration ? Mais ces accidents, ce n’est pas acceptable, il vaut mieux que ça ».
L’homme de 49 ans est conscient qu’il arrivera un moment où le corps de Márquez « n’en pourra plus », d’autant plus que sa diplopie semble se déclencher à chaque fois que le Catalan reçoit un coup violent à la tête : « après cette chute lors du warm-up, il avait l’air d’un enfant qui en avait assez. Je n’aimerais pas le voir quitter le sport à cause du fait qu’il a pris trop de coups à la tête. Quelqu’un, à un moment donné, devrait lui dire un mot. C’est comme s’il avait besoin de se ressaisir ».
« Marc Marquez ne peut pas apprécier ce qui lui arrive, et je ne pense pas que quiconque apprécie de voir ce qu’il se fait à lui-même«
Malgré sa grave blessure au bras droit et les problèmes de vision dont Marc a souffert ces derniers mois, McGuinness estime que le #93 continue de rouler « au-delà de la limite tout le temps », une stratégie qui « a fonctionné pour lui dans le passé, mais qui ne fonctionne pas pour lui maintenant. Il a eu quatre accidents le week-end dernier, et le dernier était grave. Quel que soit votre niveau, que vous soyez un amateur ou un pilote de MotoGP, vous devez vous poser des questions lorsque quelque chose comme ça arrive ».
Et ces questions, le directeur de l’équipe Repsol Honda Team, Alberto Puig devrait se les poser tout autant. McGuiness le désigne clairement comme la personne qui devrait peut-être calmer les nerfs de l’octuple champion du monde : « j’ai l’impression qu’Alberto Puig veut simplement qu’il remonte sur la moto immédiatement et qu’il aille de nouveau vite, mais il doit retrouver sa confiance. S’occuper de lui, c’est un peu comme ouvrir la boîte de Pandore, mais quand un pilote se plante constamment, il faut faire quelque chose ».
McGuinness admet être « inquiet » pour Marc Marquez, surtout après avoir vu ce qui s’est passé samedi lors de la Q1 du Grand Prix d’Indonésie : « samedi, après avoir chuté, il est retourné aux stands, et quelques tours après être revenu en piste, il a chuté à nouveau dans le même virage. Ce n’est pas bien, il a l’air d’une personne désespérée », a expliqué le Britannique, conscient que l’Espagnol « aurait fini en morceaux » s’il n’avait pas porté une combinaison équipée d’un airbag lors de sa chute au warm-up.
Loin de critiquer le style de Marc Marquez, John McGuinness demande au natif de Cervera de réfléchir à son approche de la course et de prendre de meilleurs risques afin de continuer à profiter du plus grand talent que le motocyclisme espagnol et international a produit au cours de la dernière décennie : « c’est triste de voir cela, parce qu’il est l’un des meilleurs, et quand il est à son meilleur, il est impossible de le quitter des yeux. Mais il ne peut pas apprécier ce qui lui arrive, et je ne pense pas que quiconque apprécie de voir ce qu’il se fait à lui-même ».