Après une première année particulièrement difficile chez Honda, le pilote espagnol souhaite poursuivre sur sa bonne lancée initiée en fin de saison dernière pour jouer les trouble-fêtes aux avant-postes.
L’arrivée de Pol Espargaró au sein de l’équipe Repsol Honda a sans nul doute constitué LE transfert surprise de la saison 2021. Après des débuts en MotoGP en 2014 et un passage notamment chez Tech3, le pilote espagnol avait par la suite cédé aux sirènes de KTM (au même titre que son coéquipier d’alors, Bradley Smith), lorsque le constructeur autrichien s’est lancé dans la catégorie reine en 2017.
Après quatre années de dur développement de la RC16, KTM souhaitant vaille que vaille imposer ses propres technologies avec notamment l’emploi d’un châssis tubulaire en acier, à contre-courant de ses adversaires qui misent sur l’aluminium, ainsi que d’une fourche WP (alors que le reste du plateau privilégie Öhlins), Espargaró avait en effet pris un gros risque en rejoignant Honda.
Un départ osé de chez KTM
D’autant plus que cette décision était intervenue alors que KTM commençait à décrocher de premiers résultats significatifs, avec trois premiers succès en 2020. Certes, aucun d’entre eux n’avait été obtenu par l’intermédiaire du numéro 44, le premier étant du fait de son rookie de coéquipier Brad Binder, en République tchèque, et les deux autres par celui de Miguel Oliveira, alors pilote pour l’équipe satellite Tech3, en Styrie puis au Portugal.
Un camouflet pour Espargaró, véritable cheville ouvrière du projet depuis son lancement, et qui se voyait ainsi bien mal rétribué de ses efforts alors qu’il n’avait pour autant pas démérité au cours de la saison avec deux pole-positions à son actif ainsi que cinq podiums, lui permettant de finir à la cinquième place finale du championnat, faisant de lui le pilote KTM le mieux classé.
Malgré cela, l’Ibère a donc pris le parti de rejoindre le HRC, et de changer une nouvelle fois de machine. Un pari pas si farfelu sachant que la RC213V, usinée selon les desiderata de Marc Márquez, requiert un pilotage agressif pour en tirer le plein potentiel, soit une façon de rouler en phase avec celle d’Espargaró.
L’absence du sextuple Champion du monde de la catégorie reine pour cause de blessure offrait par ailleurs la possibilité à Espargaró de ne pas souffrir d’une confrontation trop directe avec son émérite nouveau coéquipier, et donc de pouvoir prendre ses marques avec plus de sérénité sur la Honda.
Un manque de grip criant à l’arrière
Las, la transition fut bien plus difficile que prévue pour l’Espagnol, qui a notamment souffert d’un manque de grip à l’arrière, ce qui a considérablement ralenti son adaptation. « Quand vous sautez d’une moto à une autre, lorsque la philosophie même de la moto est très différente, il est normal qu’au début ce soit difficile d’être performant sur un tour », explique le très expérimenté ingénieur de course d’Espargaró, Ramón Aurín, au cours d’une interview organisée par le HRC. « Mais petit à petit après quelques longs run, les pilotes prennent conscience qu’ils doivent ajuster leur style de pilotage. La façon dont ils doivent s’engouffrer dans le virage est un peu différente, la façon dont ils doivent freiner aussi, en répartissant la pression sur l’avant et l’arrière : tout cela fait quelques différences qu’il faut bien appréhender. »
« L’an dernier nous avons rencontré quelques problèmes, notamment sur l’arrière », confirme Aurín. « Pol avait vraiment besoin de plus de stabilité à l’arrière, de plus de grip, et il semble que le nouveau prototype réponde à ses attentes sur ce point. »
« Lorsque la philosophie de la nouvelle moto est très différente, il est normal qu’au début ce soit difficile d’être performant »
Malgré quelques moments de démotivation, Espargaró est parvenu à refondre son pilotage pour l’adapter à sa nouvelle moto, avec des progrès notables lors de la seconde partie de saison. Le numéro 44 a ainsi signé sa troisième pole-position en MotoGP à Silverstone avant de monter sur son premier podium lors du GP d’Emilie-Romagne (le même weekend que le sacre de Fabio Quartararo) assurant ainsi le doublé pour Honda derrière Márquez, quatre ans après le dernier réalisé par le constructeur japonais, lors du GP d’Aragón 2017.
Une bonne dynamique que Aurín espère voir se poursuivre en 2022, alors que sa collaboration avec son compatriote semble à présent bien huilée : « Cette saison est un peu différente de la dernière. J’ai le même pilote, donc normalement ce devrait être un peu plus facile d’interpréter ses commentaires et ses demandes. Nous voulons voir si la moto a progressé sur ses points faibles depuis l’an dernier, et nous allons essayer d’en tirer le maximum cette année. »
Des essais officiels prometteurs pour 2022
En ce sens, les essais officiels de présaison, en particulier ceux de Mandalika, ont été plus que rassurants, Espargaró s’étant montré le plus rapide en Indonésie. De là à viser le titre dès cette année ? Aurín préfère botter en touche à ce sujet : « Je pense que le titre est l’objectif de tout le monde en MotoGP. En ce qui nous concerne, nous avons besoin de voir où nous nous situons. Il faut que nous soyons toujours avec le groupe de tête pour nous battre pour le championnat. Après quelques courses nous y verrons plus clair. »
Reste que le retour au premier plan de Márquez, lui aussi confirmé lors des essais officiels, pourrait bien être un nouvel atout dans la manche de son coéquipier, qui va pouvoir bénéficier des retours techniques du « patron » de l’équipe, enfin revenu à son meilleur niveau. « Nous connaissons bien Marc, nous savons que c’est un champion, et en plus de cela il connaît la moto depuis huit ou neuf ans », reprend Aurín. « Normalement lorsqu’il donne son opinion sur un élément de la moto, il est dans le vrai. Nous essayons de suivre ce qu’il dit, et parfois de mettre en application les suggestions et actions qu’ils réalisent. Marc constitue la référence chez Honda, mais aussi en MotoGP. »
Attention donc pour Espargaró de ne pas souffrir de la comparaison avec son coéquipier, qui a lui aussi montré des signes plus qu’encourageants en 2021 avec trois victoires et l’un des meilleurs bilans comptables de la seconde partie de saison.
« Marc Márquez constitue la référence chez Honda, mais aussi en MotoGP »