Après le coup de tonnerre qu’a constitué l’annonce du retrait de Yamaha du Dakar, Éric de Seynes a pris la plume pour revenir en détail sur les raisons qui ont poussé le Président & CEO de YAMAHA MOTOR EUROPE N.V à prendre cette décision après 11 années au plus haut niveau.
Détails techniques, taille de la structure française face aux efforts des usines officielles mais aussi explications géopolitique et commerciales, le passionné de compétition a développé les différentes problématiques sur son compte Facebook.
Aussi, pour ceux qui n’y ont pas accès, voici les propos du passionné qui n’a jamais ménagé ses efforts pour que Yamaha s’implique le plus possible dans une large palette de compétitions. Mais s’engager en course doit aussi avoir du sens, et Iwata aura donc une corde de moins à son arc… pour le moment.
Éric de Seynes : « La décision n’était pas
facile à prendre, mais je suis convaincu que c’était le bon moment
pour le faire.
Lorsque j’avais décidé de retourner officiellement sur le Dakar
avec Olivier Pain, Helder Rodrigues et Jordi Viladoms en 2011,
Jean-Claude Olivier m’avait plutôt dissuadé, car après plus de dix
ans d’absence (David Frétigné s’était toujours engagé avec sa
structure avec un soutien de notre part) relancer la machine était
hasardeux. Nous pilotions ce programme depuis la France, avec des
moyens financiers limités face aux armadas concurrentes..
Mais nous sommes bien repartis avec une structure légère,
managée par Alexandre Kowalski pour le sportif et José Leloir pour
la technique. Le développement de la moto était assuré par
Christian Caillon et l’assistance par Franck Herbert. La base de la
moto était la WRF450 , qui était homologuée à cette époque là.
Malheureusement, cette base a évoluée pour l’YZF450 qui est une
vraie machine de cross, faite pour remporter des manches de 40′ et
pas pour tenir une course de plus de 8 000 km dont 5 000 km à fond.
Nous avons donc travaillé dur pour en faire une machine de rallye,
boîte 6 vitesses, suspensions spécifiques, centrage des masses,
réservoirs, augmentation de la capacité d’huile, faisceau
électrique, etc…Mais l’équation performance/fiabilité reste très
fine et nous avons dû reconnaître, après le Dakar 2021, que nous
étions au bout du développement possible de cette machine. Nous
sommes revenus cette année pour faire une belle course, soudés,
motivés et concentrés . La course a été belle, et en menant le
rallye a deux reprises avec Adrien Van Beveren, nous avons pu
démontrer que nous étions toujours bien là !
Malgré tout, cela est maintenant du passé et il faut l’assumer.
Nous avons vécu 11 années fortes, riches et intenses, à la hauteur
de ce que cette épreuve du Dakar impose. Toutes nos équipes ont
toujours donné leur meilleur pour que nos pilotes puissent être
dans la bataille de cette compétition si exigeante, donc merci à
José Leloir, Guillaume Davion, Marc Bourgeois, John Maillon, Yann
Lozano, Pedro, et tous ceux qui se reconnaîtront. »
« Merci aussi à nos pilotes qui nous apporté 7 top 5 et 3
podiums sur le Dakar, en plus des victoires sur les rallyes de la
Coupe du monde : Adrien van Beveren (4ème 2017 et 2022, Vice
Champion du monde 2021), Helder Rodrigues (3ème 2011 et 2012),
Olivier Pain (3ème 2013), Cyril Despres (4ème 2013), Mickael Metge,
David Casteu, Alessandro Botturi, Bruno da Costa, Xavier de
Soultrait, Rodney Faggoter, Franco Caimi, Andrew Short et Ross
Branch. Je leur souhaite très sincèrement le meilleur
épanouissement possible dans leur carrière sportive, quelque soit
la marque pour laquelle ils continueront de rouler
désormais.
Depuis deux ans, nous avons compris que pour passer une marche
en terme de compétitivité, il nous fallait une moto, et surtout un
moteur adapté à la discipline. Mais cela est impossible sans
l’intervention du Japon, et cela ne pouvait être dans leurs plans
car le marché du rallye raid touche peu les autres régions du
monde, en dehors de l’Europe. Par ailleurs, il y a trois ans, nous
avions pris position pour dire qu’il nous semblait important
qu’après son départ de l’Amérique du Sud, le Dakar élargisse le
terrain de jeu à d’autres pays du Moyen-Orient et ne reste pas
cloisonné à la seule Arabie-Saoudite. Malheureusement, après trois
éditions, cela n’est toujours pas le cas et c’est bien
dommage. »
« Enfin, nous avons aujourd’hui des nouveaux modèles qui se
vendent à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires et qui
portent les valeurs de l’aventure et du rallye raid dans leurs
gènes: les Ténéré Rally et World raid éditions, comme le YXZ1000R
et le futur SSV T3/T4 que nous développons depuis 18 mois.
Ainsi, j’ai pris la décision de suspendre notre engagement
officiel moto sur le Dakar (ce qui n’empêchera pas Yamaha d’être
présents avec ambition en catégories quads, SSV et Prototypes
légers T3) et d’allouer nos budgets en faveur de nouveaux
programmes qui nous permettront de mieux associer nos clients
Ténéré et SSV à nos programmes. L’esprit du Marathon Ténéré est
bien vivant et devrait exister à nouveau dans les années futures,
en partenariat avec plusieurs organisateurs de Rallyes et de Bajas
de notoriété.
D’ici quelques mois l’ensemble du programme pourra être révélé
et j’espère qu’il vous enthousiasmera…
A bientôt sur les pistes ! »