Jeudi 27 janvier 2022 a eu lieu la présentation officielle des équipes MotoGP Red Bull KTM Factory Racing et Tech3 KTM Factory Racing qui alignent respectivement Brad Binder, Miguel Oliveira, Raúl Fernández et Remy Gardner sur des KTM RC16.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos de Pit Beirer, quelques jours avant son départ pour le test de Sepang.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Pit Beirer sans la moindre mise en forme, même si cela est traduit de l’anglais.
Pit Beirer : « Bonjour à tous et merci pour écouter notre histoire et poser quelques questions. Je suis aux USA pour soutenir notre team de Supercross mais le MotoGP est exigeant chaque jour qui se passe, donc l’intersaison ne change pas grand-chose. Nous essayons toujours de progresser car nous ne sommes pas à 100 % heureux avec notre projet dans sa globalité et ce qui s’y passe, donc nous avons décidé de faire quelques changements à sa tête et d’apporter encore deux nouveaux pilotes au niveau MotoGP. Donc globalement, c’est définitivement une période exigeante pour mettre toutes les personnes ensemble et les premières semaines de janvier ont été très excitantes pour atteindre une charge de travail complète à domicile. Si vous aviez vu tous les gars de chez Tech3 interagir avec notre team et nos ingénieurs, c’était un week-end très puissant et j’ai été heureux de voir combien d’énergie il y avait dans ce groupe. Maintenant, tout le monde attend de voyager et de bouger. »
Comment avez-vous pris la décision d’intégrer Francesco
Guidotti ?
« La plupart d’entre vous
suivez de façon très proche comment nous développons le projet, et
aussi à quel point j’étais proche de Mike (Leitner). Vous
mentionnez quelque chose qui finalement est notre principal sujet.
Dès le début, nous avons créé un nouvel atelier, pris des camions,
construit des motos, embauché du personnel, des pilotes, fait tout
ce qu’il y avait à faire pour développer les motos, les essayer,
donc nous avons eu beaucoup de choses à faire. Bien sur, tout cet
aspect technique est devenu peu à peu plus stable, plus
professionnel, mais l’année dernière nous devions encore développer
les motos pendant la course afin d’être davantage prêt, car la
raison en arrière-plan est que nous avions perdu les concessions.
Cela a définitivement beaucoup changé notre vie, car avant, quand
quelque chose était prêt, vous prenez vos meilleurs pilotes et vous
vous rendiez sur n’importe quelle piste pour tester. Maintenant,
bien sûr, nous avons cette restriction et cela rend les choses un
peu plus difficile et nous devons à nouveau tester en course. Mais
finalement, je pense que c’est maintenant le moment pour le projet
de faire un autre pas en avant. Nous laissons tout ce travail de
test au team de test, et je dirais que nous savons que
nous avons le meilleur et le plus fantastique des pilotes d’essais
du monde, qui est Dani (Pedrosa). Nous avons cette équipe prête, et
Dani et Mika (Kallio) forment ensemble une équipe. Nous avons
maintenant séparé le développement de la moto qui se fait
maintenant à l’usine et avec le test team, en laissant le team de
course courir. C’est là où Francesco arrive dans ce rôle parfait
car nous devons gérer notre équipe sur les circuits comme les
autres le font et essayer de faire le maximum durant le week-end au
niveau de nos pilotes, de nos motos et de la performance de nos
motos, et arrêter de tester le vendredi matin. Nous avions une
amitié de longue date avec Francesco et nous l’avons simplement
scellée. Nous avions déjà eu quelques brèves discussions lors des
dernières courses et des dernières semaines, mais nous avions déjà
ce changement en tête avant. Nous en avions également parlé avec
Mike et nous devions simplement trouver la bonne personne et il y a
eu un clash sur le parcours de Francesco donc nous somme très
heureux de le retrouver de retour chez KTM, car il y a toujours eu
des relations que nous n’avons jamais rompues durant toute ces
années. »
Pensez-vous que les tensions qu’il y a eu l’an dernier
entre Remy Gardner et Raul Fernandez vont se retrouver cette année
en MotoGP ?
« Quand vous avez deux
pilotes fantastiques qui jouent le même objectif, il y a quelques
frictions. On a appris cela en tant que groupe dans beaucoup de
disciplines, donc si vous avez des champions qui veulent gagner,
cela va loin et au final ils essaient également de mettre le team
de leur côté. Mais bien sûr, nous, en tant que constructeur, équipe
ou du côté d’Aki Ajo, nous essayons d’aider tous ces garçons comme
si c’était nos enfants, et au final ils doivent se débrouiller sur
les circuits. Je pense qu’à ce moment la meilleure chose était de
ne rien commenter et de laisser redescendre un peu les choses, car
les gars s’étaient mis énormément de pression sur eux. Bien sûr,
l’un d’eux a été extrêmement heureux car il a remporté le
championnat, et l’autre l’a perdu et n’était pas heureux moment.
C’est clair, mais je peux confirmer que tout va bien car nous avons
passé cette semaine en Autriche et tout le monde s’est assis à la
même table, tous les quatre pilotes et les teams managers, donc je
pense qu’il n’y aura pas le moindre sujet de désaccord. Mais bien
sûr, les garçons vont à nouveau avoir le même objectif et chacun va
vouloir être le meilleur, donc nous verrons ce que le futur
apporte. »
Que va apporter Francesco Guidotti au team Factory et à
Tech3 ?
« Nous devrons vraiment faire attention à
la puissance humaine de l’équipe, être certains que nous ne ferons
qu’un sur les circuits et ne pas se laisser bloquer par des
discussions techniques de la direction du team vendredi soir et
samedi après-midi. Nous avons besoin que le team manager soit avec
les pilotes, et nous aurons également Dani assez souvent avec nous
pendant les courses : nous voulons vraiment nous occuper des
pilotes et que Dani puisse les gérer. Et bien sûr, j’attends de
Francesco ce que la plupart des autres teams managers font dans le
paddock MotoGP, car il y a beaucoup de choses où vous devez être le
leader de l’équipe mais aussi une sorte d’amortisseur pour
coordonner les différents départements impliqués dans nos deux
équipes. Mais définitivement, la priorité est d’avoir des pilotes
heureux. Non pas en disant toujours « oui, oui, vous avez
raison » et que nous n’avons pas de problème. Nous voulons
toujours être super honnêtes et ces discussions techniques ne
s’arrêteront pas, mais cela ne doit pas être autant… je ne sais
pas. Par exemple, le chef d’équipe, les meilleures techniciens et
le team manager peuvent parler de la moto quand le pilote a besoin
d’une aide, oui, il faut bien gérer l’équipe, mais avant nous
gérions beaucoup trop du côté technique et nous testions trop.
Francesco n’est donc pas là pour être notre principal technicien,
il est là pour s’occuper de toutes nos personnes sur le
circuit. »
Danilo Petrucci a été très compétitif au Dakar mais
retourne maintenant aux circuits. Pensez-vous qu’il est un peu
dommage de l’avoir perdu, et qui est responsable de ce divorce
?
« (Rires) avant tout, il a fait un travail
incroyable ! Quand nous l’avons annoncé, les gens ont cru que
c’était un genre de coup marketing et je pense que personne n’a
compris le plan qu’il y avait derrière. Mais je savais vraiment
quel genre de bon pilote tout-terrain il était, et je savais qu’il
avait ce rêve. Et nous l’adorons en tant que personne, donc la
séparation de ne pas pouvoir continuer en MotoGP a été très
douloureuse pour moi. Nous avons senti que c’était quelque chose
que nous pouvions lui donner, comme une sorte de cadeau. Non pas
car nous avions besoin d’un autre pilote de rallye fort, car nous
avons une équipe très forte, mais c’était simplement quelque chose
que nous voulions lui donner, comme une marque de respect de ce
qu’il avait fait pour nous. Il y est donc allé, il a piloté, il est
devenu plus rapide chaque jour, il a remporté une étape, et c’était
fou ! Bien au-dessus de nos attentes ! Car nous l’avons payé,
même un salaire, et j’avais dit « je coupe le bonus en
deux ». Il avait demandé « pourquoi tu coupes le bonus en
deux ? ». « Comme ça, nous mettons la deuxième partie du
salaire si tu franchis la ligne d’arrivée ». Je ne voulais pas
qu’il soit trop motivé par le bonus en visant le podium et qu’il
chute en en faisant trop, mais il a quand même gagné une étape.
Donc tout a été fantastique, mais il avait demandé auparavant si
nous pouvions lui offrir quelque chose directement et quel pourrait
être son futur avec KTM, mais à ce moment nous ne pouvions pas lui
offrir quelque chose pour qu’il courre pour nous sur l’asphalte. Je
pense qu’il n’y a pas de porte fermée pour lui pour la saison à
venir mais il devait relever le challenge. Quand nous avons fait
nos plans et qu’il a fait son plan, personne ne le voyait comme un
vainqueur d’étape au Dakar. Cette chose est arrivé et il devait
aussi voir à quel point le Dakar peut être difficile et dangereux,
donc je ne suis pas si sûr qu’il veuille maintenant vraiment
débuter une carrière en rallye, mais il sait où nous sommes et je
suis sûr qu’il nous donnera un coup de téléphone cet été. Pour être
vrai, pas cet été, car nous voulons nous asseoir et quand tout sera
un peu plus calme et quand tout sera plus clair, car je ne sais pas
à quel point son futur est clair pour cet été, mais nous aurons
cette réunion face-à-face pour revenir sur le Dakar passé. Il est
certain que nous l’aurons en face de nous. »
Le changement dans le management est-il lié à la perte
des concessions ? Et qui va prendre les décisions puisque Mike
Leitner a toujours un rôle de consultant ?
« Avant
tout, je pense qu’il apprécie maintenant ce break car il s’est mis
la pression durant les 30 dernières années, en essayant toujours de
remporter des courses quelques part avec quelqu’un. Notre projet
était très exigeant et il faisait bien plus que ce qu’un team
manager fait. Il a donc eu de la pression pendant six ans avec ce
qui n’était certainement pas le travail d’un team manager, et il
était donc trop profondément impliqué dans tout. En analysant où
nous sommes chaque année, c’était la seule façon d’aller aussi loin
aussi vite, car nous avons terminé sixième au championnat l’année
dernière et nous avons obtenu cinq victoires dans ce projet. Nous
avons réalisé quelque chose de fou, mais nous nous sommes dits que
nous allions recommencer à commettre les mêmes erreurs dans les
mêmes moments, et que nous ne franchissions pas le pas en avant
logique. Nous avons donc commencé à discuter un peu, et c’est
pourquoi nous avons dit « OK, regardons un peu à l’extérieur
ce qui est logiquement le prochain pas en avant ». Cela a eu
lieu environ deux mois avant la fin de saison, avec Mike, et nous
voulions vraiment avoir un vrai soutien d’un team manager sur les
circuits, mais il n’était pas certain de vouloir être cette
personne à cause de tous les voyages. Il n’était plus aussi facile
d’être là à toutes les courses, et en même temps son rôle est passé
à celui de consultant car il connaît le projet mieux que quiconque,
il connaît la moto encore mieux que les techniciens, et à coup sûr
il est la personne qui me donnera les conseils sur ce qu’il ferait
et sur ce que nous faisons. C’est tout. Mais il est définitivement
en dehors du quotidien des courses, car nous voulons avoir une
nouvelle organisation et les garçons voulaient également de la
place pour faire un changement. Ce sera le moment pour prendre un
nouveau départ car il y avait quelque chose de trop de notre vieux
style, et nous voulions réellement changer un peu le projet, et
c’est pourquoi nous allons le faire. Je ne peux pas confirmer
pourquoi, je peux juste confirmer que Mike est encore sous contrat
avec nous pour travailler dans et en dehors de KTM et qu’il ressent
bien sûr beaucoup moins de pression qu’il en a eu. Il s’était mis
beaucoup de travail sur les épaules pour amener le projet là où il
est, et nous sommes extrêmement reconnaissants pour tout ce qu’il a
fait pour nous. Donc tout est bon de notre côté. »
KTM a-t-elle quatre pilotes d’usine à part
entière ?
« Oui, absolument, car nous
avons quatre pilotes sous contrat. Nous avons une vision à long
terme avec la MotoGP Academy qui commence avec la Rookies Cup, donc
je pense que maintenant nous avons fait un autre pas en avant dans
ce projet, avec ces jeunes garçons qui sont passés de la Moto2 à la
MotoGP, donc nous avons de jeunes talents qui arrivent là, je
dirais des extraordinaires pilotes de Moto2 avec le champion du
monde et le deuxième, mais nous avons quatre pilotes. Au final, ce
n’est pas aussi facile qu’il paraît car vous avez besoin d’une
énorme quantité de matériel, puisque c’est un énorme projet, pour
combiner les 40 personnes du team de course, et tous nos
techniciens chez Tech3, avec l’équipe Tech3 qui a aussi l’habitude
de travailler de façon indépendante. Mais dès le premier jour, nous
avons dit avec Hervé (Poncharal) que nous aimerions réaliser cette
combinaison forte et ouvrir notre société à chacun d’entre nous,
comme étudier les budgets, voir comment les réaliser et avoir une
philosophie ouverte. Il a dit « OK, j’ai confiance en vous les
gars et je veux faire partie de votre projet avec mon équipe. Donc
allons-y ensemble ». Nous avons donc deux de nos techniciens
dans son team, il apporte son équipe fantastique et nous essayons
de créer une plate-forme pour quatre pilotes. Mon scénario parfait
serait que les pilotes ne se soucient pas être d’un côté ou de
l’autre du garage. Je ne sais pas si cela est possible de le faire
mais nous travaillons très dur pour cela. Il n’y a donc pas de
limite technique pour chacun de nos quatre pilotes, et même, dans
le futur, il est possible que s’il y a seulement une pièce à tester
le meilleur des quatre l’aura en premier. Nous n’avons donc pas de
hiérarchie établie ici et là, donc nous verrons bien. Mais c’est
une charge massive car il faut une quantité énorme de matériel.
Quelque part, c’est logique que les jeunes pilotes qui arrivent
veuillent à coup sûr prendre le leadership, donc nous verrons bien
ce que sera la hiérarchie dans le futur, mais nous sommes plus
proches que jamais. Hervé était en contact avec nous cet hiver et
je pense que là encore nous avons fait des progrès pour avancer
ensemble. »
Pourquoi avez-vous débauché Fabiano Sterlacchini de
Ducati ?
« Fabiano est maintenant le leader
incontesté du point de vue technique, mais l’orchestre était déjà
là, nous avons tous ces gars fantastiques qui ont prouvé qu’ils
pouvaient construire une machine à gagner, avec les cinq victoires.
Donc ce n’est pas que Fabiano vient nous apprendre à marcher, mais
je pense que c’est un ingénieur avec des compétences en course, et
c’est toujours important d’avoir des gens, même s’il n’est pas le
seul puisque nous avons pas mal de gens, qui comprennent les deux
côtés : ce dont une équipe de course a besoin pour performer sur la
piste, et ce que les ingénieurs et tout le groupe à la maison
doivent faire. Et il coordonnera cela. Il apportera son expérience
et je suis vraiment très positivement impressionné après sept mois
de travail avec lui, avec ce qu’il apporte à la table. C’est un bon
gars, et il sera un bon partenaire pour la piste. Au début, il sera
beaucoup sur les circuits et beaucoup à l’usine, donc il est
également prêt à faire beaucoup d’efforts. Cela fait partie de la
grande motivation que nous avons en ce moment, qu’il y a un autre
fort gars qui vient dans le groupe. Je suis également confiant pour
dire maintenant que nous sommes prêts à faire la séparation (entre
l’équipe de course et l’équipe de développement) et aussi décider
ensemble avec lui, mais je veux aussi mentionner Sebastian Risse,
qui est notre leader technique sur les circuits, de son rôle est de
décider en arrière-plan. C’est quelque chose que nous pouvons
apporter aux pilotes, car cela ne les distraira pas de performer
normalement. Mais nous devons avoir cette discussion à la maison
avec nos ingénieurs, et l’améliorer ou la changer avant de l’amener
sur la piste. Donc simplement, si vous regardez la charge de
travail totale que nous faisons, nous ferons la même chose
qu’avant, mais maintenant je pense que c’est prendre un peu de
travail d’ici pour le mettre là-bas, et restructurer l’ensemble du
projet pour mettre les bonnes personnes aux bons postes. »
Après les péripéties avec Raúl Fernández, à quel point
la loyauté est-elle importante pour KTM ?
« Oui,
c’est quelque chose que nous ne pouvons pas écrire. Nos personnes
devraient sentir combien de temps elles doivent rester avec nous.
Nous travaillons simplement très dur, nous voulons mettre notre
cœur sur la table pour nos pilotes et faire tout ce que nous
pouvons pour les rendre heureux. L’année dernière a été la saison
de compétition la plus réussie de notre histoire avec 21 titres
mondiaux pour notre groupe. Du coup, on a réussi à avoir des
pilotes heureux à travers le monde : aux États-Unis, en Europe, en
Rallye, en Motocross et en Enduro… A Noël, j’ai regardé les
journaux chez moi, et quand tu vois tous ces titres, c’est comme
« wow ! ». Mais ces titres sont difficiles ; il
n’est pas plus facile de remporter un titre en Motocross que dans
n’importe quel autre championnat. Il y a beaucoup de travail
et de force humaine derrière, et pourquoi ? Grâce à des
pilotes heureux; si vous n’avez pas un pilote qui se sent très
à l’aise, il ne performera pas. C’est aussi pourquoi si
parfois un pilote veut parfois, même s’il y a un contrat, c’est
peut-être mieux qu’il parte car c’est plus sain sur le long
terme.
Mais encore une fois, vous avez la Rookies Cup pour éclore,
puis nous avons remporté le Championnat du Monde Moto3 et Moto2 et
nous sommes 6e en MotoGP. C’est donc fou ce que nous, en tant que
marque, avons pu réaliser dans ce paddock MotoGP et nous sommes
très heureux et fiers. C’est aussi le moment de saluer comment
Dorna, en tant que promoteur, nous a guidé en tant que rookie dans
notre vie en MotoGP, comment ils nous ont guidé malgré la situation
du Covid, puisqu’au final nous avons toujours été là et nous avons
toujours pu courir et faire ce que nous aimons.
Avec toute notre passion, nous voulons bien sûr les pilotes de
notre côté, mais on ne peut pas retenir nos coureurs indéfiniment,
même si j’aimerais rester avec eux le plus longtemps
possible. Hier soir, j’ai dîné avec Marvin Musquin, ici en
Amérique, et il est avec nous depuis 11 ans. C’est donc bien
d’avoir ces gars et ces relations à long terme avec nous.
J’ai aussi eu de nombreuses conversations avec Raúl . Il est
très jeune et a progressé très rapidement sur les circuits, sans
grandir… je veux dire, ils n’ont aucune chance, en tant que jeunes
garçons, d’avoir un développement normal d’un jeune; dès qu’ils
enlèvent le casque il y a une caméra, un micro, beaucoup de gens
posent des questions. On n’est pas dans une situation relaxe avec
des questions préparées, et les gars sortent (du box), avec parfois
leur fréquence cardiaque mesurée à 180, puis se voient demander par
la caméra « que pensez-vous de ça ? ». Ok… boum ! Ils
disent quelque chose et ça fait aussitôt les gros titre. Raúl est
donc un gars très gentil, mais il est très émotif, très chaud, et
c’est notre travail de le convaincre que le meilleur endroit où
être en ce moment est de rester avec nous. »
Contractuellement parlant, quelle est la
situation entre KTM et Pedro Acosta ?
« C’est le
problème de luxe que nous avons. Nous faisons tellement de travail
chez les juniors que nous formons de bons pilotes et le premier
grand compliment est que d’autres usines veulent aussi ces pilotes.
Et c’est toujours un test : chaque fois que vous signez un nouveau
contrat, c’est un test, et la première récompense pour nous est la
confiance quand un pilote signe un autre contrat. Et la plupart des
gars autour de nous… je veux dire, tous pilotes officiels de GP que
nous avons cette année sur nos motos ont tous déjà signé au moins
un renouvellement de contrat avec nous. Nous ne les avons pas
forcés à le faire, ils l’ont fait. Et avec Pedro, c’est pareil. Il
est très jeune. Je veux dire, c’est un super talent et bien sûr
d’autres gars le veulent. Je ne veux pas mentir parce que je ne
sais pas exactement quelle est la durée de son contrat, il a
quelques années de contrat. Mais ce n’est pas la raison pour
laquelle je veux qu’il reste. Je veux qu’il reste parce qu’il pense
que nous sommes un bon partenaire pour lui, et j’espère qu’il
ressentira la même chose au cours de cette saison lorsque l’attaque
viendra d’autres usines, d’autres équipes ou de quelqu’un
d’autre.
Mais nous ne pouvons pas les forcer, nous pouvons juste essayer
de faire de notre mieux pour qu’ils se sentent à l’aise. Nous
travaillons dur pour cela.
C’est aussi un gars spécial et c’est un gentil garçon. Avoir le
sourire de ce gars dans les stands et le garage est rafraîchissant
et c’était aussi très amusant de faire la saison avec lui. Il a
aussi connu des hauts et des bas et des moments difficiles mais il
n’a jamais perdu son sourire, alors espérons qu’il restera comme
ça. »
De quelle façon KTM a changé le
MotoGP ?
« Wahou ! Je pense qu’il serait présomptueux de dire
qu’on a changé le MotoGP. Nous sommes arrivés très respectueux du
MotoGP et nous voulions simplement être un bon partenaire pour
toutes les personnes de ce paddock et faire un travail
professionnel. Nous n’avons donc pas essayé de changer le MotoGP.
Je pense que ce n’est pas notre rôle pour le moment, nous
souhaitons simplement devenir compétitifs chaque jour de la
semaine, et c’est pourquoi nous poussons si fort. Nous poussons
vraiment dur et nous avons une grande force directement derrière
nous, nous avons une société belle et forte, et nous avons tout le
soutien dont nous avons besoin. Donc non, je ne pense pas que nous
ayons changé le MotoGP. »
Je parlais de cela en évoquant la pyramide
que vous avez construite depuis la Red Bull MotoGP Rookies Cup
jusqu’à la MotoGP…
« Oui, bien sûr, si vous considérez ça de cette façon, il y a
de nombreux pilotes dans le paddock qui ont été liés à nous à leur
tout début, et cela nous rend fiers. C’est bien sûr quelque chose
que nous avons appris en tout-terrain et c’est notre passion
d’aider et de soutenir les jeunes pilotes qui ont besoin d’aide et
qui sont talentueux, car il est difficile de s’intégrer en sports
mécaniques. C’est pourquoi nous avons créé la Rookies Cup, ensemble
avec notre bon ami Thomas ()X ? de Red Bull : nous nous sommes
assis ensemble et nous nous sommes demandés comment créer une porte
d’entrée pour ce sport plus facile pour les talents, et non pas
pour les pères les plus riches qui pouvaient s’offrir une moto dans
le paddock. Comment pouvions-nous avoir des talents dépendant
simplement des chronos sur la moto ? C’est pourquoi nous avons créé
la Rookies Cup, là où les parents n’ont pas besoin de vendre leur
maison pour rentrer dans notre monde de la compétition. Nous ne
savions pas alors que cela allait parfois créer de si fortes
relations, pas toujours, pas pour tout le monde, mais si vous
progressez grâce à cela dans le paddock et en changeant de
catégorie, vous avez de fortes relations. Nous avons remporté cinq
fois le Dakar avec Marc Coma, il a piloté pour nous 14 années en
tant que pilote professionnel, et il est maintenant directeur
opérationnel de KTM Espagne. C’est également le genre d’histoire
que l’on aime en marge de la compétition, d’avoir ces amis partout
dans le monde : c’est un immense réseau que nous pouvons nous
permettre de cette façon en tant que société à travers la
compétition. Donc oui, nous sommes également heureux de pouvoir
amener de nombreux pilotes dans le paddock et être liés à nombre
d’entre eux, et bien sûr tout le monde ne peut pas rester jusqu’à
la fin, mais tout est OK. Nous devrions continuer comme cela.
J’espère que nous pouvons être de un apport positif au paddock, et
c’est tout. »
Précédemment, vous avez justifié la
réorganisation du management en disant que c’était pour éviter de
refaire des erreurs. Pouvez-vous préciser de quelles erreurs vous
parlez ?
« Je ne veux pas appeler cela des erreurs, car vous devez
apprendre si vous voulez faire de la compétition. Pour se battre
avec d’autres constructeurs en MotoGP, vous devez changer chaque
jour car c’est très dynamique : vous revenez sur le même circuit un
an plus tard et le chrono est descendu d’une demi-seconde. Donc si
vous ne changez pas, vous reculez et vous revenez dernier sur la
grille. Cela vous donne quoi qu’il en soit de la force pour changer
chaque jour de la semaine, mais bien sûr au final il y a des
erreurs si vous n’apprenez pas ou si vous n’êtes pas prêts, mais je
ne veux pas appeler ça des erreurs, et cela dirige directement vers
le management. Par exemple pour Mike et moi-même, je suis
responsable.
Je pense que nous n’avions pas d’autre possibilité.Si vous avez
de nouvelles pièces prêtes et que vous attendez, et que l’équipe de
test est ailleurs, et que vous pensez qu’il y a une chance
d’améliorer la moto, vous l’apportez sur la piste de course. C’est
ladite erreur : nous devons savoir que nous sommes maintenant à un
niveau où nous devons nous fier à la moto, et les pilotes sont si
bons et si proches les uns des autres qu’ils ont besoin d’utiliser
le temps pour progresser sur les circuits. Le vendredi matin, ils
doivent travailler sur les réglages et sur les chronos, et ne pas
nous donner l’information si le châssis A été meilleur que le
châssis B, avant de faire la séance suivante pour possiblement
commencer à trouver les bons réglages de la fourche tout en pensant
peut-être encore au châssis. Donc nous avons apporté trop de tout
cela sur les courses, et cela a assurément rendu la vie de nos
pilotes plus difficile qu’ailleurs, et nous devons arrêter. Donc
j’appellerai cela de l’apprentissage et de l’amélioration, pas
simplement des erreurs. »
Lors de votre première ou deuxième année en
MotoGP, monsieur Stefan Pierer a dit que vous aviez un budget de
250 millions pour 5 saisons. Avez-vous besoin de plus
d’argent ?
« Je n’ai pas vérifié mais je pense que la boîte n’est pas
vide, avec les 250 millions que vous mentionnez, et qu’il reste
encore quelque chose. Non, nous avons un budget annuel pour la
compétition, qui a grimpé au fil des ans. Je ne me souviens pas du
chiffre que nous avons obtenu pour les cinq ans de monsieur Pierer,
mais le budget de course est bon, et nous avons assez pour être
performants, et c’est tout bon. Même plus au fil des ans car
l’entreprise a également pu se développer avec un grand succès, et
notre groupe a dépassé pour la première fois dans l’histoire les 2
milliards d’euros de chiffre d’affaires au cours du dernier
exercice la société. L’entreprise est donc devenue encore plus
forte pendant notre courte vie en MotoGP. Et j’en suis très
heureux, parce que vous dépensez beaucoup d’argent en MotoGP, vous
avez besoin de beaucoup d’argent pour être performant à ce niveau,
mais cela signifie que la société pourrait également utiliser la
publicité du MotoGP pour se développer. C’est sûr, que ce n’est pas
seulement à cause du MotoGP, il faut avoir une organisation
fantastique dans tous les segments, dans le développement, dans les
ventes et le marketing, ça passe par une énorme entreprise, qu’ils
peuvent aussi utiliser ce que fait le MotoGP en termes de
publicité.
C’est aussi notre travail de faire du marketing positif pour
notre société, et c’est pourquoi le MotoGP est une tâche critique
et dangereuse. Tout le monde n’y va pas, et c’est facile de le
faire, car cela peut aussi être un projet énorme, avec un budget
énorme, qui apporte une mauvaise image ou une mauvaise publicité à
l’entreprise. Vous devez donc être très prudent avec le budget
qu’on vous donne pour le MotoGP. Cela a été le cas, mais nous avons
un bon budget pour cette année, si cela était votre
question. »
La somme initiale est-elle
suffisante ? Est-elle en expansion ou avez-vous économisé de
l’argent avec le Covid ?
« Bien sûr, le budget n’était pas assez grand pour
remporter le championnat mais je veux vraiment dire maintenant, ce
n’était pas une question d’argent ou de budget, c’est une question
d’expérience et de connaissances. Nous avons tous les outils dont
nous avons besoin pour être compétitifs. Je dois remercier notre
entreprise pour nous donner ce soutien et ce projet. C’est un
détail mais nous avions une marge dans le budget à la fin de
l’année, donc à la fin de l’année tout n’avait pas été brûlé
jusqu’à zéro dans notre budget compétition. Mais il n’y avait rien
dont nous avions besoin et que vous pouviez acheter pour de
l’argent. Nous avons donc une excellente équipe, et nous devons
travailler sur tous ces détails, et nous avons un budget solide
pour être compétitif dans cette catégorie. »
Nous avons entendu que Dani Pedrosa aura un
rôle différent dans le paddock, avec aussi possiblement encore une
wild card…
« Les wild cards donc à sont quelque chose qu’il peut décider
lui-même : chaque fois qu’il voudra en faire une, nous sommes
là. Mais je vous ai dit avant que ce n’est pas important pour
nous qu’il court. Pour moi, il est plus important que nous
puissions l’avoir chaque jour avec nous pour les pilotes sur la
piste et partage son expérience de ce qu’il voit. Il sera donc
plus présent sur les courses pour accompagner nos coureurs et il
sera également chargé de s’entraîner en coulisse avec nos coureurs
pour se préparer. Nous travaillons avec lui sur le
projet. Il est assurément plus impliqué que jamais, en plus
d’être pilote d’essai. »