Andrea Dovizioso, à 36 ans, sera le doyen de la grille de départ MotoGP en 2022. Un statut qui n’est pas seulement un fait, mais aussi un symbole qui entraine des conséquences dans une catégorie dont l’évolution fait la part belle aux nouveaux arrivants. Les nouvelles motos, avec leur électronique et leur aérodynamique, demandent plus d’explosivité de la part de leur pilote que d’expérience avérée. L’ascension et les éloges faits à Jorge Martin l’an passé sont, en ce sens, édifiants. La configuration des tracés aménagés avec les parties vertes a aussi impacté sur la physionomie de la course, mettant à mal la légitimité d’une génération reposant sur l’expérience. Dans ce contexte, un Dovizioso est-il encore l’homme de la situation? Même lui s’interroge…
Andrea Dovizioso a quitté Ducati fin 2020, puis s’est tenu éloigné du MotoGP durant une bonne partie de la campagne 2021, attendant une bonne opportunité pour revenir dans le paddock. Les événements chez Yamaha avec le cas Maverick Viñales ont aligné les planètes pour l’Italien qui a donc enfourché une M1 satellite. Cependant, il n’a jamais impressionné. On a beau rappelé qu’il avait une Yamaha de deux ans et qu’il devait oublier sa longue période Ducati, on attendait quand même un peu plus d’un triple vice-champion du monde de 2017 à 2019 avec 15 victoires à son actif dans la catégorie reine.
Dans son box, Dovi a laissé cette impression, relayée par son chef mécanicien expérimenté Ramon Forcada : « c’est un travailleur acharné, mais surtout il est très attentif aux détails. C’est un peu la philosophie Ducati, dans laquelle les détails sont importants et vous aident à être rapide. Quand il était chez Ducati, on l’appelait « le professeur », et il s’était créé une aura de leader dans le développement d’un projet qui a conduit une moto à être aujourd’hui comme la meilleure sur la grille » dit l’Espagnol qui précise sa valeur ajoutée : « si un pilote vient ici après avoir couru dans une équipe officielle pendant huit ans, est toujours le bienvenu ».
Certes, mais cette qualité, parfaite pour un pilote de développement, est-elle celle qui faut pour un pilote titulaire en 2022 ? Chicho Lorenzo appuie ce doute en déclarant au sujet de l’Italien : « Dovizioso doit changer sa façon de piloter maintenant qu’il a 35 ans. Il a un gros problème. Vous avez votre disque dur, les programmes et puis vous avez le système d’exploitation qui a très peu de mémoire. Le système d’exploitation est d’un Go, le disque dur est de 500 Go. Et c’est comme le conscient et le subconscient. Avec le conscient, la seule chose que vous pouvez gérer est la situation, mais toutes les habitudes et réactions sont des programmes que vous avez installés dans votre subconscient. Donc, accéder au subconscient et changer ces habitudes est problématique ».
Andrea Dovizioso est clair sur le MotoGP actuel : « je n’aime pas ça »
Dovizioso serait donc dépassé… Mais qu’en pense l’intéressé ? Il se dit bien sûr toujours en mesure de vaincre. Cependant, sa nostalgie d’une époque révolue ne trompe pas… Le pilote RNF Yamaha se fait ainsi l’écho d’un Casey Stoner regrettant des pistes trop indulgentes et des motos aux aides électroniques trop intrusives : « vous devez aborder le week-end complètement différemment maintenant », constate Dovizioso. « Vous devez être devant à chaque séance d’essai, sinon vous perdez la course. C’est plus une question de vitesse que de stratégie. Vous ne pouvez plus créer quelque chose de spécial pour la course ».
« Tout est question de vitesse aux essais » répète-t-il. « Dans la course, tout le monde se suit. À mon avis, le championnat est agréable car tout le monde est proche. Les petites choses peuvent faire une grande différence. Mais c’est aussi déroutant car d’une course à l’autre ça peut changer beaucoup de choses ». Puis il précise : « mais ce n’est pas du fait du pilote. Je n’aime pas ça. Vous aviez l’habitude de travailler aux essais et de vous préparer pour la course ».
Andrea Dovizioso termine ainsi sa démonstration sur motorsport-total : « si vous n’êtes pas rapide à ces séances aujourd’hui, vous pouvez en fait rester dans les stands. Parce que vous ne pouvez rien faire de plus en course. Cela a changé pour diverses raisons techniques. Je ne veux pas dire que c’est pire. Mais si je pouvais changer quelque chose, je ferais quelque chose pour que nous ayons plus de duels ». L’enjeu d’Andrea Dovizioso en 2022 ne sera donc pas seulement de mettre à sa main sa nouvelle Yamaha, mais aussi de changer de logiciel. Une gageure.
