Pour le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, les organisateurs du Dakar 2022 et l’Arabie saoudite devraient envisager l’interruption de la 44e édition de la classique du rallye-raid, une grosse semaine après l’explosion suspecte d’un véhicule d’assistance.
Alors que le Dakar est sur le point d’achever sa première semaine de compétition ce vendredi dans les environs de Riyad, la France par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian pose la question de l’annulation de l’épreuve suite aux événements survenus le 30 décembre dernier à Djeddah.
Deux jours avant la tenue du Prologue de cette troisième édition en Arabie saoudite, un véhicule d’assistance de l’écurie Sodicars avait en effet explosé, 500 mètres seulement après que son équipage ait quitté l’hôtel dans lequel il avait passé la nuit. Le véhicule devait alors se rendre au stade où avaient lieu les vérifications d’usage des véhicules qui participent à la course.
Une enquête antiterroriste ouverte
Suite à cet événement, le Parquet national antiterroriste s’est lui-même saisi et a ouvert mardi dernier une enquête pour « tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Interrogé à ce sujet par BFMTV/RMC ce matin, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a laissé entendre qu’une annulation de l’épreuve devait être considérée par les organisateurs compte tenu des circonstances : « Nous avons dit aux organisateurs et aux responsables saoudiens qu’il fallait être très transparent sur ce qu’il vient de se passer, car il y a des hypothèses selon lesquelles il pourrait s’agir d’un attentat terroriste. »
« Il y a déjà eu des attentats terroristes en Arabie saoudite contre les intérêts français. Il était donc important de protéger nos concitoyens, d’avertir, de prévenir, et de demander la plus grande transparence. Le Parquet national antiterroriste s’est donc auto-saisi, et nous sommes à présent face à cette situation : il y a peut-être eu un attentat terroriste contre le Dakar. Il faut être vigilant. Nous avons pensé que cela valait peut-être le coup de renoncer à cette manifestation sportive, mais les organisateurs ont décidé de la maintenir. Il fallait mettre en place des dispositifs de protection suffisants et renforcés. Je pense qu’ils l’ont fait, mais la question [d’une annulation de la course] reste posée »
« Il y a peut-être eu un attentat terroriste contre le Dakar »
Si aucun mort n’a été à déplorer, le conducteur Philippe Boutron, pilote expérimenté et président de l’US Orléans Loiret Foot (équipe évoluant en National), a été grièvement blessé aux jambes et a par la suite été rapatrié en France, à l’Hôpital d’Instruction des Armées de Percy, à Clamart en banlieue parisienne.
Les dernières nouvelles de Philippe Boutron sont plutôt rassurantes selon sa famille, le Français étant sorti du coma hier. Son fils Benoît Boutron, journaliste à RMC Sport, est ainsi revenu hier sur l’état de santé de son père : « Il est sorti du coma. Sur ce type d’accident, il faut prendre les choses étape par étape. La chance qu’on a, c’est qu’on peut aller lui rendre visite quotidiennement. Il est blessé aux deux jambes mas on en saura plus dans une dizaine de jours. On a pu le voir, on peut échanger, ça reste limité mais ce sont des moments particuliers, il est passé par un service de réanimation, et il lui faut du temps pour récupérer. »
La piste de l’accident peu vraisemblable
Si les autorités saoudiennes ont d’abord évoqué un simple « accident », cette version des faits a rapidement été remise en cause par les personnes présentes sur place, notamment celles qui étaient présentes à bord même du véhicule, à l’instar de Thierry Richard, qui a pour sa part évoqué des « scènes de guerre ».
Selon Benoît Boutron, le copilote de son père Mayeul Barbet, lui aussi présent à bord de la voiture au moment du drame, aurait la conviction qu’il ne s’agit en aucun cas d’un accident comme le prétendent les autorités saoudiennes : « Dans la vie, Mayeul est un expert automobile, il a sauvé la vie de mon père en le sortant du véhicule, il lui a fait des garrots et a eu le réflexe de regarder sous la voiture. Son œil d’expert auto lui a fait dire qu’il n’y a pas de doute, qu’il s’agit forcément d’une bombe qui a explosé sous la voiture. La voiture était seule, sur une route; il n’y a eu aucune percussion, il y a eu le déclenchement des airbags. »
Il s’agit de la 44e édition du Dakar cette année, dont la première épreuve remonte à 1978. Depuis, seule l’épreuve de 2008 avait dû être annulée, déjà en raison de menaces terroristes alors que le bivouac devait traverser la Mauritanie, un pays dont certaines régions sont en proie au jihadisme. Le Dakar s’était ensuite translaté en Amérique du Sud de 2009 à 2019, année de sa dernière édition sur le continent latino-américain avant son arrivée en Arabie saoudite en 2020.