La saison 2021 n’aura pas été de tout repos pour le constructeur autrichien, qui a dû composer avec le retrait des concessions techniques, une blessure de Miguel Oliveira, et la poursuite de l’apprentissage de Brad Binder.
Pour sa cinquième saison complète en MotoGP, KTM nourrissait de gros espoirs, nés de ses deux premiers succès obtenus dans la catégorie reine l’an dernier, que ce soit par l’intermédiaire de son équipe d’usine avec la victoire de Brad Binder en République tchèque, ou par l’entremise de Tech3 avec les deux triomphes de Miguel Oliveira, d’abord en Styrie sur les terres du constructeur autrichien, ainsi qu’au Portugal à l’occasion de la finale de la saison 2020.
Un petit bémol devait tout de même se mettre en travers de la route des troupes de Mattighofen pour 2021 : les mêmes victoires à l’origine de cet optimisme impliquaient de facto le retrait des concessions techniques dont elles jouissaient depuis leur arrivée à temps plein dans la discipline en 2017, limitant ainsi à peau de chagrin les essais privés ainsi que le nombre de moteurs à disposition de l’équipe.
Un premier tiers de saison réussi
Ne soyons pas mauvaise langue : dans un premier temps cette nouvelle donne n’a pas semblé perturber le moins du monde KTM, qui a réalisé un début de saison canon, notamment grâce à Oliveira qui a réussi à se mêler lors du premier tiers de la saison à la course au titre, notamment après sa série de trois podiums consécutifs entre le Mugello et le Sachsenring, avec en point d’orgue une nouvelle victoire décrochée cette fois-ci en Catalogne.
Puis plus rien, ou en tout cas pas grand-chose, si ce n’est une victoire improbable acquise par Binder sur le mouillé et en pneus slicks (!) en Autriche, venant ensoleiller une seconde partie de saison bien plus terne que la première. « Nous avons vraiment des sentiments partagés au sujet de l’année écoulée, car nous avons eu à la fois de bonnes périodes et d’autres où nous n’avons clairement pas été dans le coup », a reconnu ainsi l’ancien directeur de course de KTM Mike Leitner, remplacé depuis par Francesco Guidotti (transfuge de Pramac) et passé consultant de l’équipe autrichienne, au micro du site officiel du MotoGP.
« C’était la première saison où nous ne profitions plus des concessions techniques, et cela nous a amené à modifier notre façon de travailler, nos procédures, la façon d’organiser nos tests ainsi que nos weekends de course. Pour être honnête, c’est quelque chose qui nous a mis parfois en difficulté. Malgré cela, je trouve que nous avons plutôt bien géré la situation avec deux victoires à la clé et plusieurs autres podiums. »
« Le retrait des concessions techniques nous a parfois mis en difficulté »
Oliveira amoindri sur la seconde partie de saison
Il faut dire que si l’annulation des concessions techniques n’a pas compromis outre-mesure la performance des RC16, les choses se sont tout de même gâtées pour le constructeur autrichien lorsque Oliveira s’est blessé au poignet en Autriche. Dès lors le Portugais, dont la volonté de continuer à courir à considérablement rallonger son délai de rétablissement, n’a plus été en capacité de se battre pour les premières places, ni même pour le top 10.
Une véritable source de regrets pour Leitner, qui n’a dès lors plus pu compter sur les précieux retours techniques du Lusitanien dans le cadre du développement de la moto. « Quand les choses vont bien pour Miguel, il est en mesure de faire des courses incroyables. Il y a tout de même eu une période cette saison, juste après sa victoire en Catalogne, où il était en deuxième position du championnat. Nous connaissons tous son potentiel, mais le problème cette saison a été sa blessure au poignet droit survenue lors de son accident en Autriche. Cela l’a mis un peu sur la touche en termes de performance. Il faut dire aussi que par moments il a été vraiment malchanceux, en étant par exemple victime d’accidents qu’il n’avait pas provoqués [par exemple lorsqu’il s’est fait harponné par Iker Lecuona à Portimão, provoquant une fin de course anticipée sur brandissement du drapeau rouge]. »
« La blessure de Miguel l’a mis sur la touche en termes de performance »
Les qualifications, point faible de Binder
Pendant ce temps, son coéquipier Binder n’était guère dans une position plus confortable, le Sud-Africain, qui abordait cette année sa deuxième saison en MotoGP, et qui découvrait bon nombre de nouveaux circuits dans la catégorie reine en 2020 après une première campagne au calendrier très restreint en termes de tracés visités, contexte sanitaire oblige.
Conséquence directe : celui-ci a bien souvent souffert en qualifications, peinant à intégrer ne serait-ce que le top 10 (il n’y a figuré qu’à quatre reprises en 18 Grands Prix le samedi). Fort heureusement, le numéro 33 a pu compter sur sa science de la course pour se refaire la cerise le dimanche, avec cette fois-ci 13 arrivées parmi les dix premiers.
Une belle régularité qui lui a permis de terminer à la sixième place du championnat, à la grande satisfaction de Leitner : « Nos deux pilotes ont alterné bons et mauvais résultats, mais au final Brad Binder a tout de même réussi à finir sixième du championnat, donc je pense que cela montre à quel point il était difficile pour tout le monde de maintenir un niveau de compétitivité constant tout au long de la saison », explique ainsi l’Autrichien.
« En ce qui concerne Brad, on peut dire qu’il s’est agi pour lui de sa première saison complète, car l’an dernier en raison du Covid il n’avait pas découvert beaucoup de tracés. Il a donc dû beaucoup apprendre cette année, et il s’en est plutôt bien sorti. Il n’a pas vraiment performé en qualifications, mais il s’est toujours très bien rattrapé en course. C’est donc l’axe de progression majeur pour nous le concernant. D’un autre côté, il a témoigné avoir beaucoup de cœur sur la moto, comme à Spielberg où il a pris la décision de rester en piste avec les pneus slicks alors que la pluie s’intensifiait, une décision risquée mais qui lui a permis de remporter la victoire. C’est donc un pilote très talentueux, mais il est encore jeune et il va par conséquent être intéressant de voir ce qu’il peut faire l’an prochain, car c’est vraiment un gros travailleur et nous sommes très satisfaits de lui. »
« Brad a témoigné avoir beaucoup de cœur sur la moto »
Des perspectives prometteuses pour 2022
Au final, KTM n’a donc pas pu faire mieux que quatrième du championnat des constructeurs, à neuf points seulement de Honda, une autre équipe qui n’a pas été épargnée par les blessures et les coups du sort cette saison. Mais avec un Binder plus expérimenté, un Oliveira enfin rétabli en 2022, une nouvelle organisation et de nouveaux modes opératoires pour le développement de son futur prototype, il fait peu de doutes que l’équipe autrichienne aura les armes nécessaires pour franchir un nouveau cap la saison prochaine, et afficher ainsi une bien meilleure régularité.
« Dans l’ensemble je dirais que nous devons progresser dans notre capacité à extraire le plein potentiel de notre moto », reprend Leitner. « C’est d’autant plus capital que nous avons bien vu cette saison que lorsque nous étions en mesure de faire cela, nous pouvions largement viser des podiums et des victoires. » La concurrence est prévenue.