Le tout nouveau circuit de Mandalika, sur l’île de Lombok en Indonésie, a déjà fait couler beaucoup d’encre, que ce soit par la rapidité de sa construction ou certaines polémiques qui sont venues un peu ternir l’image idyllique d’un concept alliant modernité, luxe et lieu paradisiaque.
Cela a suscité l’attention de certaines personnes concernées par la finale du WSBK qui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne sont pas uniquement préoccupées par la compétition mais se soucient également des conditions, techniques et humaines, dans lesquelles celle-ci se déroule.
C’est pourquoi notre correspondant, membre d’un team bien connu, a pris le temps de contacter puis côtoyer les habitants locaux pour comprendre quelles étaient les réelles répercussions de ce nouveau tracé sur la vie locale.
Voici donc un résumé de ses propos dans lesquels on perçoit bien qu’on ne bâtit pas un circuit comme cela sans complètement bouleverser toute une région.
Bien ? Mal ? Chacun verra midi à sa porte…
« Avant de venir, on avait quelques interrogations sur les
conditions dans lesquelles allaient se dérouler ce weekend à cause
des informations sorties dans la presse. De notre côté, on s’était
mis en contact avec une association locale pour leur donner des
ordinateurs afin d’aider les enfants confinés pendant la Covid. On
n’a pas communiqué dessus mais on considérait que c’était la
moindre des choses de ne pas arriver les mains dans les poches. Ce
qui nous gênait aussi, c’est qu’il y avait des articles comme quoi
des gens auraient été expulsés pour pouvoir construire le circuit,
sans avoir reçu de dédommagement. On a donc enquêté là-dessus
auprès des locaux et s’il n’y a pas de fumée sans feu, la vérité
est quand même différente. En gros, il y a cinq ou six ans, quand
la décision a été prise de construire le circuit, l’État a racheté
les terres et a laissé les habitants continuer à vivre sur place
jusqu’au début des travaux. Entre-temps, d’autres habitants et des
commerces sont venus s’installer avec l’accord de l’État, sans
payer de loyers à condition de partir quand l’État le demanderait.
C’était le deal : Les premiers propriétaires étaient là depuis
longtemps ont bien reçu leur dédommagement et les nouveaux
arrivants n’avaient droit à rien. Évidemment, ce sont ces derniers
qui réclament actuellement…
Concernant la course de l’Asia Talent Cup qui n’a pas pu se
dérouler et qui a été reportée à ce weekend, un des commissaires
concernés, un mécanicien qui travaille dans un garage local, nous a
expliqué que comme beaucoup de ses collègues il avait décidé de ne
pas se présenter car l’organisation ne prenait en charge ni la
nourriture, ni l’eau, ni le parasol. La course n’a donc pas pu se
faire. L’organisateur s’est pris un savon et tout devrait être
résolu pour ce week-end. »
Le lieu :
« Les autochtones sont tous vraiment contents d’avoir ce
circuit malgré les bouleversements engendrés sur l’existant. Ils
sont ravis du tourisme prévu, avec le Superbike mais aussi le
MotoGP, car cela va faire beaucoup d’activité pour les hôtels et
les restaurants. Il va y avoir un boom économique très important
pour eux, comme une sorte de Bali, peu importe qu’il s’agisse d’une
compétition moto, d’une salle de concert ou d’une compétition de
surf. On assiste ici à un changement radical, les gens sur place
étant confrontés d’un seul coup à un projet économique de la
mondialisation.Ce ne sont plus les plages de sable blanc
qu’il pouvait y avoir il y a quelques années, car elles sont
maintenant pleines d’algues et de plastique. En gros, pour résumer,
c’est un peu un super projet économique pour la région, au
détriment de l’écologie. Ce qui choque un peu, c’est qu’en sortant
du circuit tu as immédiatement des enfants qui jouent dans la boue
et tu ne peux pas manquer de voir une certaine précarité assez
poussée aux portes mêmes du circuit. Le contraste avec le prix des
billets d’entrée est saisissant ! D’une manière générale, le
contraste est impressionnant, entre un projet économique en plein
développement et des gens en train de mendier à la sortie du
circuit.
De nombreux hôtels internationaux se sont ouverts, les
bâtiments commencent à pousser comme des champignons, et cela
ressemble au tourisme des années 70 comme on a fait la Costa Brava
en Europe. C’est ce modèle qui est reproduit 50 ans plus tard en
Asie du Sud-Est. »
Le circuit :
« Concernant le circuit proprement dit, on est un peu tous
désorientés, car on aurait aimé avoir un peu plus de transparence
sur les conditions dans lesquelles il a été réalisé ce. La piste
est très belle, au niveau du goudron et du tracé. Il n’y a aucun
souci excepté qu’ils ont défoncé l’écosystème en rasant des
collines. Le circuit paraît totalement apte à accueillir une course
internationale : Les dégagements sont incroyables et le goudron est
un billard ! La piste est très intéressante, et sur le côté
purement sportif, on a l’impression que cela a été fait pour
accueillir la F1 tellement elle est large.
Mais le circuit est sorti de terre en quelques mois. Il n’est
pas encore terminé. Les matériaux utilisés ne sont pas du haut de
gamme. On a l’impression qu’au-dessus des box ce sont des
containers superposés et réaménagés. Les box sont assez étroits et
pas très hauts, les vitres très fines, mais les conditions de
travail devraient être acceptables. C’est quand même un circuit qui
donne l’impression qu’il va être rénové très rapidement, d’autant
qu’on est sur la ceinture de feu et qu’il y a beaucoup de
tremblements de terre et de phénomènes météorologiques violents.
Ils l’ont fait dans l’urgence pour accueillir le Superbike et le
MotoGP, sans doute de manière provisoire. »