L’accrochage qui a décidé du titre en Moto3, et dont l’auteur est un Darryn Binder qui rejoindra le MotoGP en 2022, est un des événements vertement débattus dans les coulisses des Grands Prix, au soir de cette avant-dernière manche de la saison à Portimao. Le Sud-Africain qui sera l’équipier d’Andrea Dovizioso sur une Yamaha M1, semble condamné sans appel et être attendu de pied ferme. Aleix Espargaró se livre à une comparaison qui n’engage que lui, comme celle d’Alex Rins, aux conclusions radicalement différentes…
Darryn Binder n’aura sans doute jamais fait autant parler de lui et il y a fort à parier que l’intéressé se serait bien passé de ce pic de notoriété. Car il est très loin d’être à son avantage. En accrochant dans le dernier tour un Dennis Foggia jouant le titre face à Pedro Acosta, et décidant ainsi de l’issue des débats, le pilote Honda Petronas a porté aux nues une mauvaise réputation qui le suivait déjà.
Parmi ses futurs collègues du MotoGP, l’inquiétude était de mise. On commence par Aleix Espargaró qui, dès l’annonce de son arrivée, avait exprimé son hostilité : « l’affaire Darryn Binder n’a pas de nom. Un de plus, je ne sais pas quoi dire, c’est incroyable ». Mais il a des choses à dire tout de même, la preuve… « Il y a des pilotes agressifs qui ont changé comme Fenati ou Zarco qui était l’un des plus sales de la catégorie, mais depuis l’accident en Autriche, il reste agressif, mais il n’a rien fait de grave. Maintenant voilà Darryn Binder. Il faut attendre que la Direction de Course agisse ».
« En MotoGP, il devrait être plus difficile d’y arriver. A chaque fois il y a plus d’égalité entre les motos et nous sommes plus proches les uns des autres. La catégorie doit être protégée, je ne décide pas des règles, mais vous devez avoir une idée de ce qu’il faut faire » poursuit l’officiel Aprilia évoquant ainsi un système de sélection à mettre en place qui reçoit l’écho favorable de ses compagnons de route.
« Je pense que nous avons besoin d’un super système de licences comme dans le sport automobile » dit ainsi Bagnaia. « Si vous réussissez bien, vous pouvez passer à l’étape suivante. Les responsables doivent y penser. Ce qui s’est passé aujourd’hui n’était pas normal », insiste l’officiel Ducati. « Malheureusement, nous avons déjà vu beaucoup de ces accidents de sa part. Je déteste dire quelque chose comme ça à propos d’un autre pilote, mais l’année prochaine, il courra contre nous. Le MotoGP est beaucoup plus rapide que le Moto3. Je ne peux qu’espérer qu’il ne se passe rien ».
Joan Mir a vu la situation d’une manière très similaire : « ce n’est pas la première fois que ce pilote est remarqué avec une telle manœuvre. Le plus important est que de telles actions soient punies. Je ne parle pas seulement de la course en question. Une interdiction pour une ou plusieurs courses serait appropriée ». Darryn Binder a d’ailleurs été disqualifié du Grand Prix d’Algarve dimanche, mais pour Mir, ce n’est pas suffisant : « s’il n’y a pas de répression sévère, rien ne changera. Heureusement, il ne s’est rien passé de mal aujourd’hui, mais cela aurait pu arriver. Un système de super-licences est difficile à mettre en œuvre, mais ce n’est pas une mauvaise idée ».
Jack Miller prévient Darryn Binder que ce n’est qu’un début
Valentino Rossi voit plutôt une sélection à la carte : « quand un championnat du monde est décidé comme ça, c’est toujours difficile. Ce n’était pas juste pour Foggia. Mais je ne sais pas si un super système de licence a du sens. Il y a des pilotes comme Binder qui sont très, très, très agressifs. Mais tous ne sont pas comme ça. Je pense qu’il faut juger les différents pilotes au lieu d’introduire un super système de licence ».
Jack Miller, qui est lui-même passé directement du Moto3 au MotoGP en 2015, était compréhensif. « Ce qui s’est passé aujourd’hui n’était certainement pas agréable. Bien sûr pour Foggia mais aussi pour Pedro, dont la victoire au titre perd un peu de son éclat. C’était une action étrange et Darryn devrait peut-être faire contrôler ses yeux, mais quelque chose comme ça peut arriver », dit Miller. « Mais je ne suis pas inquiet pour Darryn. Nous faisons tous des erreurs. J’ai accroché beaucoup de pilotes et même Valentino Rossi a commis des erreurs comme celle-ci ». Puisque l’on parle de Miller, l’avis d’Alex Rins est à mentionner : « c’est vrai que j’ai vu l’action et elle s’est bien passée devant Binder. Cela dépend de la façon dont vous le regardez, Miller a fait le même saut, et maintenant il gagne et monte sur des podiums. Je ne sais pas ce qui est le mieux ».
Lors de la conférence de presse des trois premiers ce dimanche, ils se sont accordés sur un point : la promotion MotoGP signifie un fardeau supplémentaire pour Darryn Binder. « Il veut maintenant montrer qu’il le mérite, j’en suis sûr. Bien sûr, cela ne vous aide pas à prendre de bonnes décisions. Nous faisons tous des erreurs sous la pression » dit Miller.
Darryn Binder a célébré une victoire dans 116 courses Moto3 à ce jour et est monté six fois sur le podium. Un record modeste pour une recrue MotoGP. Miller est arrivé au MotoGP en tant que vice-champion du Moto3 avec six victoires et 10 podiums. Mais malgré ces états de service, il a été critiqué après cette ascension. « Je sais par ma propre expérience à quel point la pression est grande lorsque vous passez directement du Moto3 au MotoGP. Je peux dire à Darryn qu’il ne fait qu’effleurer la surface en ce moment » prévient l’Australien.