Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à un pilote
particulier. Fergus Anderson est un personnage sans égal dans
l’histoire des Grands Prix. Cette fois, exceptionnellement,
remontons encore plus loin dans le temps.
1940. La Seconde Guerre mondiale fait rage, et la
France est d’ores et déjà sous le joug allemand. Les Nazis
poursuivent la guerre éclair et prévoient d’attaquer le
Royaume-Uni, tâche loin d’être aisée. Adolf Hitler demande une
liste de personnes jugées dangereuses, à arrêter en priorité en cas
d’invasion de l’île. Reinhard Heydrich, de
l’Office central de sûreté du Reich et Walter
Schellenberg, haut dirigeant SS, ne le savent pas encore
mais ils vont inscrire dans ce rapport – plus tard nommé «
le livre noir d’Hitler » – le patronyme d’un des
plus grands pilotes de l’époque.
Avant même de commencer sa carrière professionnelle, Fergus
Anderson est quelqu’un. Bien que les informations en
question soient, aujourd’hui, difficilement trouvables sans
recherches approfondies. Toujours est-il qu’au sortir de la guerre,
Fergus est en vie, libre. En réalité, son niveau à moto avait
toujours été bon, dès sa jeunesse dans les années 1920. Son nom,
évocateur et connu après-guerre, le fait participer à des courses
d’importance.
À la création du championnat du monde en 1949, il se positionne
pour un guidon solide. Il s’associe une première fois à
Moto Guzzi avant de signer avec la firme italienne
en 1950. C’est l’un des premiers contrats de l’histoire : Anderson
est un précurseur, malgré son âge avancé (41 ans).
Les années suivantes, il conseille même la marque sur le
développement, tout en inscrivant des podiums et victoires. Sa
première intervient sur le tracé de
Bremgarten, catégorie 500cc, en 1951.
Fergus et Guzzi se concentrent sur la 250cc pour
1952. La saison commence de la meilleure des manières mais
Enrico Lorenzetti l’emporte finalement pour quatre
points.
1953 est l’année de la consécration. Son employeur, suivant l’avis
de son pilote, s’engage en 350cc, catégorie relevée. Anderson
retrouve Lorenzetti au sein de son équipe, et la bataille sera
rude. Trois victoires à Spa-Francorchamps, à Rouen et à Berne ne
laissent aucune chance à l’italien. Ce premier titre de champion du
monde est accompagné d’une victoire historique en Espagne : En
effet, Fergus s’impose en catégorie 500cc à 44 ans et
273 jours un record toujours d’actualité.
Le pire, c’est que Anderson remet le couvert en
1954 ! Nouveau titre 350cc et retraite dans la foulée.
Devenu manager chez Moto Guzzi, la collaboration ne se passe pas
comme prévu. Le britannique est limité dans ses décisions et ne
tarde pas à quitter le navire. BMW, voyant
l’opportunité, recrute le double champion du monde.
L’histoire de ce grand personnage aurait pu continuer mais
malheureusement, la mort n’est jamais très loin sur les circuits.
Sur le circuit routier de Floreffe en Belgique
(non loin de Namur), Anderson est à la poursuite de
John Surtees et Bill Lomas, deux pointures des années
1950. Soudain, il est déstabilisé par du gravier et projeté contre
un poteau télégraphique. Les médecins de l’hôpital de Namur ne
purent sauver l’infortuné. Selon son souhait, il fut enterré sur le
territoire belge, non loin du lieu fatal.
Il n’a peut-être pas le palmarès ni la reconnaissance d’un
Surtees ou d’un Duke. Cependant,
Anderson est l’un des plus respectés parmi les Anciens, et son
histoire n’est pas à oublier.
Photo : Joop Van Bilsen / ANEFO