Cette question, qui ne se posait même pas autrefois, est
aujourd’hui légitime. Depuis l’introduction de l’électronique
unique en 2016, le niveau en MotoGP est extrêmement homogène, si
bien qu’il est difficile d’établir une hiérarchie. Tentons de
répondre à cette question en ne prenant en compte que les faits
statistiques.
Tout d’abord, petit rappel des faits. En 2016, la
Dorna introduit l’électronique unique, censé réduire les coûts et
homogénéiser le plateau. Il faut dire qu’avant cela, les usines
bénéficiaient, en développant eux-mêmes leurs systèmes, d’un
avantage certain sur les équipes privées. De 2007 à 2015 (ère 800cc
puis 1000cc à partir de 2012), aucun pilote satellite n’a remporté
la moindre épreuve. Zéro. En 2016 uniquement, Jack
Miller et Cal Crutchlow se sont imposé.
Depuis, d’autres grands talents à l’image de Jorge
Martín, Miguel Oliveira, Fabio
Quartararo ou Franco Morbidelli ont fait
de même.
Avant, l’on pouvait aisément déterminer quel circuit correspondait
mieux à la Honda, et ceux qui favorisaient la
Yamaha. Désormais, la question est un vrai
casse-tête. Maintenant que nous avons posé le contexte, tentons de
répondre à la question initiale.
Tout d’abord, nous pouvons exclure la Honda et
l’Aprilia du débat. Les deux machines ont été
préparées, réglées pour un homme. Cette stratégie est à double
tranchant : Si le talent sur lequel mise la marque s’harmonise avec
sa machine, c’est un pari gagnant. Marc Márquez en est la preuve,
lui qui compte six titres au guidon de la RC213V. En revanche, dès
que celui-ci a connu une avarie physique, les difficultés ont
commencé. Le phénomène est similaire chez Aprilia, écurie où seul
Aleix Espargaró surnage. Les deux firmes sont
d’ailleurs dernières au championnat constructeur.
KTM et Suzuki sont dans un entre-deux quoique très
différentes l’une de l’autre. La KTM fonctionne de manière
inexplicable. Miguel Oliveira, pilote ô combien
régulier, a gagné une course « à la régulière » (la victoire de
Brad Binder à Spielberg est belle mais peu significative) sur le
circuit de Catalunya. Le tracé barcelonais est
souvent considéré comme le « circuit type » et représente souvent
un bon banc d’essai pour déterminer le niveau d’une machine.
Cependant, cela ne l’a pas empêché de terminer au fond du
classement plus tard. Le delta est énorme, le plus grand pour un
constructeur cette année. La RC16 est éliminée du
débat.
La Suzuki semble un peu meilleure, plus polyvalente mais elle
manque cruellement de vitesse. Joan Mir, champion du monde en
titre, ne parvient jamais à se qualifier correctement et ses
courses sont souvent compromises. Certes, il n’est peut-être pas le
meilleur dans cet exercice mais cela passe aussi par la machine.
D’ailleurs, Álex Rins ne fait pas mieux. L’équipe
compte des podiums mais seulement deux tours
rapides, sans pole position à se mettre sous la dent.
Reste deux constructeurs. Cependant, attention à ne pas se faire
berner par la force du nombre. Ducati pourrait paraître largement
au-dessus, car trois pilotes ont gagné à son bord mais aucune autre
équipe ne dispose d’autant de matériel sur la grille.
Yamaha a progressé dans beaucoup de domaines, et ce n’est pas
Fabio Quartararo qui dira le contraire. Rappelons
que l’an passé, la firme avait admis sa part de responsabilité dans
la contre-performance du français. La vitesse de pointe s’est
améliorée et l’équilibre également. Cependant, quelques zones
d’ombre persistent. Pourquoi Petronas Yamaha SRT est-il si
loin ? Pourquoi Franco Morbidelli, que nous avions placé
dans nos favoris pour le titre, n’y arrive plus (même hors
blessure) ? La gestion du pneu arrière semble aussi poser problème.
Il y a fort à parier que la Suzuki soit en réalité plus équilibrée
et polyvalente que la Yamaha. Le talent de Fabio Quartararo
apparait nettement, c’est un fait. Les autres connaissent des
difficultés.
Il ne reste que la Desmosedici GP21. Dans tous
les compartiments, la machine semble meilleure. Misano n’a rien
d’un « circuit Ducati » et pourtant, Bagnaia s’y
est imposé, idem pour Jack Miller à Jerez. Il est
intéressant de constater que la belle rouge s’est appropriée ce que
l’on appelait autrefois les « circuits Honda » (Jerez, Le
Mans, Aragón), qui se composent de phases d’accélération
type « stop & go » mais aussi du sinueux avec des virages lents. La
philosophie a changé et nous observons actuellement la meilleure
Ducati de l’histoire. Vite en qualifs, vite en course, régulière,
sous la pluie, sur le séchant, peu importe le circuit. L’arme
ultime, qui ne sera, sauf surprise, pas titrée pour autant.
Un paradoxe génial, qui traduit la beauté de notre
sport.
Que pensez-vous de la question ? Faites-nous en part en
commentaires, tous seront lus avec passion.
Photo de couverture : Michelin Motorsport