Ce vendredi 10 septembre 2021, Johann Zarco a répondu aux questions des journalistes depuis le circuit de Motorland Aragón, au terme de la première journée du Grand Prix MotoGP de Aragón.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos du pilote français qui figure à la 3e place du championnat.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Johann Zarco sans la moindre mise en forme, même si cela est partiellement traduit (vouvoiement en anglais, tutoiement en français).
Johann Zarco : « Une bonne première journée ! Je suis heureux d’avoir retrouvé une bonne performance cet après-midi. Le dernier run a été très intéressant et même la séance était intéressante pour essayer différentes choses et recueillir des informations, mais des informations claires comparées à Silverstone. J’espère que tout cela m’aidera à être plus fort demain, à être plus fort au chrono mais aussi à être plus fort quant au rythme. Globalement, je suis heureux : J’ai attaqué et j’ai obtenu quelque chose, et ceci est bien pour la confiance. Les conditions étaient bonnes : C’est bien ici à Aragón quand il ne fait pas froid, car il faisait trop froid l’année dernière et il était difficile de savoir quand on pouvait attaquer ou pas. On peut voir que les Ducati fonctionnent bien : Nous avons cet avantage de la ligne droite, mais nous pouvons aussi avoir un gros avantage à différents endroits, et j’espère que je pourrai continuer à travailler demain pour utiliser aussi bien que possible cet avantage et alors me sentir à l’aise dans les autres zones où nous avons peut-être un point faible. Mais pour le moment, je ne peux que en parler et je devrai le faire demain. Nous devons donc attendre demain. »
Votre voyage en Ducati était-il un plan pour vous
enlever du stress ?
« Non ! Ce n’était pas un plan pour déstresser, c’était juste
pour passer un bon moment avec l’équipe et j’ai vraiment passé un
très bon moment. Mais ce n’était pas un plan pour déstresser. Le
plus grand stress est arrivé à Silverstone, avec toutes ces choses
techniques que nous n’avons pas pu bien gérer, mais à partir de
Silverstone, et même dans la course, j’étais déjà bien plus facile
avec ce feeling. J’ai vraiment eu ce sentiment depuis l’Autriche
car je voulais revenir plus fort après la pause mais je n’ai pas pu
bien le faire. La deuxième course en Autriche était très bonne mais
le reste a été difficile : Le deuxième weekend d’Autriche a été
très bon à chaque séance, donc j’étais proche de quelque chose de
bien, mais ensuite je suis allé à Silverstone où j’en voulais
encore plus mais où je n’ai rien accepté. C’est pourquoi j’ai dit
que le stress était grand. Durant le voyage en moto, j’ai vu que
cela me procurait un bon feeling, mais ce n’était pas le plan.
»
Vous parlez d’un point faible des Ducati sur ce circuit.
Quel est-il ?
« Tourner aussi vite que possible pour pouvoir utiliser notre
moteur fort et notre accélération forte dans la bonne direction.
C’est plus facile à dire qu’à faire, mais si nous atteignons la
direction plus vite, le jeu devient facile. »
Le troisième au championnat. Pensez-vous qu’il est temps
d’attaquer ou est-il nécessaire d’attaquer tout le temps
?
« Vous devez être fort durant tout le weekend pour être rapide.
Si vous regardez, aujourd’hui il y avait 21 pilotes en 1,2
secondes. Et le dernier, c’est parce qu’il est complètement nouveau
pour la catégorie. Cela ne vous laisse pas trop le temps de
respirer. Vous n’avez pas d’autre solution que d’attaquer ! Ma
position au championnat est très bonne, donc tant que je pourrai
marquer plus de points que Pecco, Jack, Mir et tous les autres, je
serai heureux. Je ne parle pas de Fabio car il a bon avantage au
championnat : Si je marque plus de points que lui, ce sera bien,
mais pour rattraper plus de 50 points il faudrait que je remporte
quasiment toutes les courses et mette la pression sur Fabio comme
ça. Mais remporter des courses maintenant, je ne suis pas encore
prêt pour faire ce que Fabio a fait depuis le début de la saison.
Chacun à son niveau ! Mon niveau est là, mais il faut encore
progresser pour être au top. »
Nous avons vu le documentaire Red Bull sur votre weekend
à Silverstone. Vous y dites à vos ingénieurs que vous étiez fatigué
après quatre ou cinq tours. Le stress que vous avez ressenti durant
ce weekend a-t-il contribué à cette fatigue ?
« C’est possible ! Mais il y a toujours le fait qu’en Autriche
et à Silverstone, j’ai eu ce problème du syndrome des loges. J’ai
souvent dit que si je me sentais bien sur la moto je n’aurais pas
le syndrome des loges, mais nous atteignons un niveau où il semble
que vous n’avez pas d’autre solution que d’avoir le syndrome des
loges pour être rapide. Cela m’incite à penser à l’opération mais
je ne peux pas encore la subir. Aujourd’hui, je n’ai pas eu la
moindre douleur et j’ai réalisé une bonne performance, mais pour
commencer à essayer de diagnostiquer ce genre de problème, c’est
qu’il semble maintenant que cela fasse partie de notre sport : Nous
atteignons un niveau où si vous voulez vous battre, oui c’est dur
physiquement mais si vous voulez avoir cette opération c’est comme
du dopage. Peut-être que j’ouvrirai mon potentiel à un autre niveau
et je me sentirais alors encore mieux. Fabio en est un bon exemple
: Il a rapidement fait ce genre d’opération. Pour moi, c’était
peut-être trop rapide car il n’avait pas eu le temps de bien
s’adapter à la moto, mais au final c’est lui qui gagne les courses,
donc c’est peut-être celui qui y a pensé le moins longtemps, qui a
bien fait l’opération et qui est peut-être la moto la plus facile.
Cela veut dire qu’il y a un point où il y a une limite corporelle.
À Silverstone, parce que je peinais plus qu’ici, le problème était
plus présent. Mais si vous rendez toutes les choses parfaites pour
ne pas souffrir, vous ne pouvez pas performer pendant 20 courses.
C’est pourquoi c’est maintenant une chose à laquelle je pense
davantage et je l’accepte plus : Peut-être que je devrais franchir
ce pas si je veux performer au même niveau et encore mieux l’année
prochaine. C’est ce que vous avez pu entendre dans ce documentaire,
car quand vous êtes stressé, les choses ne se passent pas bien et
vous essayez de compenser. Si vous ne compensez pas, vous allez
nulle part. Il semble que maintenant cela le fasse avec toutes les
motos : Nous avons une meilleure accélération, nous pouvons freiner
très fort et ralentir énormément, mais si vous le faites très
relâché, vous ne mettez la moto nulle part. Il n’y a que Pecco qui
peut le faire, et Marc Márquez qui, je pense, n’a pas eu cette
opération du syndrome des loges. Il n’y a quasiment qu’eux deux sur
20 pilotes. C’est pourquoi je ne voulais pas le faire et que je
réfléchis encore, mais je vois que si je veux être compétitif avec
mon style, je dois sans doute accepter de le faire.
Voilà pourquoi j’étais fatigué à Silverstone et je suis heureux
de ne pas encore avoir ressenti ça aujourd’hui. C’est positif pour
le weekend. »
Vous ferez ça en fin de saison ?
« J’ai deux choix : Cela peut être à la fin de la saison ou
pendant le break entre Austin et Misano. Cela dépendra de si je
souffre beaucoup à Austin. Je verrai. Je continue à croire que je
peux le contrôler, et c’est pourquoi je dirais que je suis normal,
mais je veux bien faire des choses et avoir suffisamment de temps
pour la convalescence. Deux semaines après Austin peuvent suffire
pour se rétablir car certains pilotes l’ont fait en une seule
semaine, mais c’est quelque chose où, si vous ne vous rétablissez
pas suffisamment, ce n’est pas comme le poignet, il peut y avoir
des suintements de liquide. Personnellement, je suis toujours
prudent et à l’écoute de mon corps. C’est pourquoi je veux le faire
avec intelligence. Si je suis vraiment en crise après Austin et que
le diagnostic est positif pour le syndrome des loges, ce serait
bien de le faire pour terminer les trois dernières courses et
retrouver du feeling après l’opération. Je pense que si je le fais
en hiver, la pause sera trop longue avant les tests à Sepang. Je
dirai à tout le monde comment ça se passe. Pour le moment,
j’accepte que cela puisse arriver, et il semble que simplement en
acceptant, cela fonctionne mieux pour ce weekend. »
De quel bras parlez-vous ?
« Le bras droit, qui freine et qui accélère, et qui est le
plus sollicité. Après, il y a la question de savoir s’il faut faire
les deux, mais si vous ne ressentez aucune douleur au bras gauche,
il n’y a pas de raison de le faire. »
Qu’est-ce qu’il y a de difficile et de technique avec la
Ducati sur ce circuit ?
« C’est toujours contrôler le grip à l’arrière. Quand tu
essaies de passer vite dans un virage comme le 10 ou le 16/17, tu
as tendance à vite perdre l’arrière, et une fois que tu perds
l’arrière la moto s’écarte pas mal, et une fois qu’elle s’écarte en
glissant, ça crée des mouvements. Et quand tu essaies de contrôler
ça, tu passes beaucoup moins vite en virage. C’est toujours d’avoir
ce compromis là, et c’est pour ça que je dis que si on arrive à
prendre la bonne direction plus rapidement en forçant moins, après
il n’y a plus qu’à accélérer et dans ce domaine-là on est les
meilleurs. Donc quand on trouve ça, le jeu devient presque facile,
et c’est là où c’est bon parce que tu sens que tu es proche de
quelque chose de très bon. »
Ton périple de trois jours t’a apparemment fait le plus
grand bien. Ça t’a donné des ailes ?
« Pas spécialement. Ce qui est sympa, c’est de davantage
connaître les mécanos et les gens de chez Ducati. J’ai mon
technicien de suspension qui était avec nous, donc ça crée des
liens forts, et ça c’est bon pour ça. Mais dire que ça donne des
ailes, ça serait exagéré. »
Il y a un an, vous aviez testé des radios à Misano. On
n’en entend plus parler. Est-ce toujours à l’ordre du jour
?
« On arrive à avoir pas mal d’infos sur le tableau de bord,
mais oui, on avait testé ça à Misano. Ça n’avait vraiment pas
conquis les pilotes. Je vais rarement en Safety Commission mais on
n’en a pas reparlé ou je n’ai pas entendu de nouvelles infos. L’an
dernier, c’est Bradl qui l’avait le plus testé, mais pour mettre
les écouteurs dans l’oreille et dans le casque, puisqu’on a déjà
les boules Quies, est-ce que c’était par-dessus la boule Quies ou
est-ce que ça pouvait remplacer les boules Quies… C’était délicat.
Donc les pilotes ont dit qu’ils ne voulaient pas être perturbés
dans leurs oreilles, et c’est pour ça que pour l’instant ça ne
prend pas. »
Est-ce que le retard que tu accuses aujourd’hui sur
Fabio t’incite à aborder les dernières courses avec un autre état
d’esprit, comme par exemple essayer des choses pour l’année
prochaine ?
« Il ne faut pas essayer trop de
choses ou se relâcher. J’essaie de le faire, mais vice-champion du
monde, ça reste trop beau ! Surtout après tout ce que j’ai dû
retraverser ! Donc si c’est deuxième, je le prends ! Un podium
mondial, c’est fantastique, et c’est pour ça qu’il ne faut pas non
plus se dire » Ah, si je ne suis pas champion, c’est pourri
« . Parce que passer de rien à deuxième, ça sera beau
!
Après, au niveau mental il y a moins cette pression de se dire
» Il faut que je sois aussi fort que Fabio « . Fabio a
vraiment fait une belle démonstration de confiance et de pilotage,
et moi je veux être à ce niveau-là mais je vois que ça ne vient pas
aussi vite que je voudrais. C’est là où il faut accepter, et on m’a
bien répété d’où je suis parti en début d’année dernière, et même
ce qu’on visait cette année, on est mieux que prévu. Donc on garde
ça pour aller chercher le plaisir que, si Fabio fête son titre et
que moi je finis à la deuxième place, on aille le fêter
ensemble. »
Classement FP1/FP2 du Grand Prix d’Aragón MotoGP :
Crédit classement : MotoGP.com