18 ans après sa mort, Barry Sheene reste l’un des
pilotes les plus appréciés par les fans d’antan. Son caractère
particulier et son coup de guidon lui conférent une popularité
rarement atteinte dans l’histoire des sports mécaniques. Voici son
histoire.
Barry naît en 1950 à Londres, à Bloomsbury. Ce
quartier, situé au Nord de la ville et qui jouxte Euston, King’s
Cross et St Pancras, respire la multiculturalité, la détente et la
vie. Des valeurs qui seront chères à Barry; Cet état d’esprit le
suivra tout du long de sa carrière.
Le jeune londonien n’est pas à plaindre, mais doit travailler en
tant que livreur pour se faire quelques livres sterling. Son père
était lui-même un coureur respectable par le passé. C’est donc tout
naturellement que sa progéniture s’intéresse et pratique le
sport.
À 18 ans, Barry débute la compétition. Immédiatement, son talent
crève les yeux des scouts et autres spectateurs présents sur les
circuits nationaux. Deux ans plus tard, Barry est d’ores et déjà
champion d’Angleterre en catégorie 125cc, sur une ancienne Suzuki
d’usine achetée pour quelques milliers de livres.
D’ailleurs, il profite de son état de forme pour réaliser une
wildcard en mondial, deux ans seulement après
avoir débuté la compétition moto ! Une deuxième place à
Jerez
cimente définitivement son avenir.
En 1971, il s’engage dans la cour des grands. Barry est
immédiatement compétitif, remportant sa première course à
Spa-Francorchamps. Il profite d’une pige en 50cc pour s’imposer à
Brno, tout en empilant les belles performances en 125cc. Il aurait
pu être titré, mais un mythe lui barre la route. Ángel
Nieto en personne rafle la mise.
Petit saut dans le temps et nous voilà en 1974. Entre temps, Sheene
avait été signé chez Yamaha en 250cc mais le mariage ne s’était pas
passé comme prévu, marqué par des blessures et une brouille avec
son équipe. Suzuki le repère et le prend en 500cc.
C’est le bon moment. La firme japonaise lève le voile sur la
RG500,
bête de course innovante qui terrorisera le championnat pendant
près de 10 ans. L’apprentissage se passe bien, mais le pire
intervient l’année suivante.
Aux essais du Daytona
200, course d’importance majeure, Sheene est
victime d’un crash légendaire, sans doute la plus connue
de toutes les chutes. À plus de 300 km/h, le pilote britannique
s’écrase sur le sol. Miraculeusement, Barry s’en sort avec quelques
os cassés et peut remonter sur une moto sept semaines plus
tard.
Cet épisode lui confère un gain de popularité important. Barry
devient « bionic », en référence à son crash. À l’image d’un
James Hunt en Formule 1 (les deux étaient amis),
Sheene est un personnage sulfureux, qui aime la vie de star et ne
s’en cache pas. L’esprit « Continental Circus », c’est
lui.
De l’invention présumée du « V motard » au trou
dans le casque pour pouvoir fumer sur la grille de départ, « 7 »
est de toutes les frasques. Sa saison 1975 sera marqué par un
retour fracassant et le début des victoires en 500cc.
L’équipe Suzuki UK dans laquelle il évoluait était
devenue imbattable. Il est sacré champion du monde 500cc en 1976 et
1977 sans jamais être inquiété. Deux années de maîtrise totale et
de gloire illimitée. La légende s’écrit.
Oui mais voilà. Les beaux jours ne durent qu’un temps.
Kenny Roberts, jeune arrivé des USA, oblitère
toute concurrence lors de son année rookie, sur une Yamaha en plus
de cela ! En 1979, même combat.
1980, même chanson.
Cette véritable claque, Barry ne s’en remettra jamais. D’ailleurs,
sa « face cachée » se dévoile au fil des années. S’il disposait de
coéquipiers de grande classe (Teuvo
Länsivuori, Wil
Hartog, entre autres), l’anglais n’était pas toujours
réglo avec eux.
Le cas Pat
Hennen est criant. Après son grave accident au
TT 1978, Sheene ne montra aucun remord à oublier
totalement son ancien coéquipier, faisant pression sur son équipe
pour se concentrer de nouveau sur la course au lieu de perdre du
temps avec lui. Pat bousculait la hiérarchie, et était, nous
pouvons le dire aujourd’hui, plus dangereux que Sheene chez Suzuki
en cette année.
Barry ne voulait pas partager la scène, même s’il était obligé de
subir l’humiliation imposée par Roberts. D’ailleurs, en 1979, «
Bionic » termine derrière
Virginio Ferrari, sur RG500 également mais d’une autre
formation.
C’en était trop. Roberts imposait une Yamaha devant neuf
(!) Suzuki, et avait remporté la « course de la décennie »
à Silverstone devant le public anglais. Barry claqua la porte de
l’écurie qui lui avait tout donné.
La fin de carrière du n°7 est moche au possible, l’une des
moins glorieuses de l’histoire des Grands Prix. Il n’était
pas devenu mauvais, loin de là, mais la sensation de « talent gâché
» était bien présente. Sur sa Yamaha privée, mais rapidement doté
de pièces d’usine, il éprouva toutes les difficultés du monde à
trouver de la performance.
Ironie du sort : Marco Lucchinelli et Franco
Uncini seront sacrés champions 1981 et 1982…
Sur Suzuki RG500. Une année 1981 correcte marquée
par une victoire en Suède, il faut le noter, puis des blessures à
répétition. Sheene prit sa retraite fin 1984, après être revenu
dans le giron Suzuki.
Sheene, comme son grand rival « King Kenny »,
changea la face des Grands Prix. Son statut de superstar marié à la
supermodèle Stephanie McLean lui permit de devenir
richissime grâce à la course moto. Sa popularité – au niveau de
Rossi pour vous faire une idée – n’avait d’égal que son bagout.
Après une nouvelle vie passée en Australie, Barry fut diagnostiqué
avec un cancer de l’œsophage et de l’estomac en 2002, peut-être en
lien avec les nombreuses substances ingérées avec Ringo
Starr et George Harrison, deux très bons
copains, et mourut seulement un an après, âgé de 52 ans.
Peu importe les années de vie, nul doute qu’il vécut à
100%, et continuera à exister dans le cœur des
passionnés.
Photo de couverture : ANEFO