Globalement, les Grands Prix motos des années
1950, 1960 et
1970 restent assez peu connus. Pourtant, de grands
pilotes, à l’image de Giacomo Agostini et Phil Read, triomphèrent
sans peur sur des machines rudimentaires. Après avoir évoqué
Gary Hocking, Umberto
Masetti et
Leslie Graham, intéressons-nous à un nouveau champion
du monde 500cc tombé aux oubliettes.
Notre histoire débute bien avant la Seconde Guerre mondiale.
Libero Liberati naît en 1926 dans la ville de
Terni, au cœur de l’Ombrie. Peu
connue, « le cœur vert du pays » borde la
Toscane en plein centre de la botte. À cette
époque, l’Italie bénéficie d’une excellente réputation en matière
de sports mécaniques, et plus particulièrement de motocycles.
Peu coûteux, les petites cylindrées sont assez amusantes et rapides
pour organiser des courses. Libero débute la compétition juste
après la guerre, Comme beaucoup de jeunes de son âge. Il ne faut
pas longtemps pour lui détecter un don, tant l’Italien est
rapide.
Dès 1948, il remporte le championnat d’Italie et s’affirme comme
l’un des futurs grands. Les places au sein des écuries italiennes
sont chères, et souvent déjà occupées. Heureusement,
Moto-Guzzi fait appel à lui pour la dernière
manche du championnat du monde 1950.
Peu concluant, cet essai ne débouche sur rien. Un an après, c’est
Gilera, l’une des meilleures marques en
compétition, qui réclame ses services à l’occasion du Grand Prix
d’Italie. Sans trop connaître la moto, il termine l’épreuve 7e, ce
qui pousse la firme à le doter de matériel pour
1952.
Il faudra attendre 1953 pour voir Libero dans les
trois premiers (seul le vainqueur était autrefois célébré), encore
et toujours à Monza. Pourtant, Liberati ne
participe jamais à toutes les manches du mondial, faisant quelques
apparitions de-ci de-là. Il préfère se concentrer sur le
championnat national, qu’il remporte à plusieurs reprises.
Chaque fois qu’il est présent en tant que «
wildcard », il fait mouche. En 1956, il remet le
couvert à Monza et gagne la manche en 350cc tout
en finissant 2e en 500cc. Cette performance conduit Gilera à
confier un guidon permanent au « chevalier d’acier » pour toute la
saison 1957.
La décision gagnante, autrement dit. En 350cc comme en 500cc,
Liberati remporte le Grand Prix d’Allemagne, écrasant toute
concurrence. À l’image de nombre de ses compatriotes, Libero snobe
le Tourist
Trophy, qu’il juge trop dangereux.
John Surtees et Bob McIntyre en
profitent donc pour récupérer de gros points sur l’italien. Surtees
dompte la piste d’Assen et remporte la course 500cc, reprenant
ainsi les commandes du championnat.
Nous sommes à mi-saison, et trois hommes se tiennent en quelques
points. Mais en Belgique, Libero ne laisse aucune place au suspens.
Johnny, contraint à l’abandon, laisse peut-être filer le
championnat. En sachant que les points des quatre
meilleures courses seulement comptaient (sur six manches),
il n’avait plus droit à l’erreur.
Une nouvelle victoire italienne au Grand Prix d’Ulster, puis en
Italie scelle définitivement le débat. McIntyre profite de
l’irrégularité de Surtees pour lui chiper la deuxième place au
général. En attendant, Liberati est célébré en
tant que champion du monde.
Ce fut la dernière course de notre héros du jour en catégorie
reine, à la suite d’une brouille avec son employeur. Agé de 31 ans
seulement, il fit d’autres apparitions en 350cc sans grand succès.
En 1962, le pire se produit. En essai sur piste
mouillée, l’italien glisse et chute mortellement. La cité de Terni
est profondément attristée de son décès, à tel point que le stade
historique de la ville est renommé « Stade Libero
Liberati ». De nos jours, le Ternana Unicusano
Calcio (3e division italienne) évolue encore dans
l’enceinte.
Triste fin pour un si grand pilote, malheureusement oublié. C’est
dans le sang et les larmes que se termine notre histoire,
comme bien trop souvent à cette époque.