Membre du fameux « big
four » et prétendant au titre MotoGP chaque saison
entre 2007 et 2014, Dani Pedrosa est une icône.
Cependant, l’image du « champion sans couronne »
lui colle à la peau, le hante, le suit partout où il va. Pourquoi
l’Espagnol n’a-t-il jamais soulevé le graal ? Voici
quelques éléments de réponse.
Petit rappel des faits. Au moment de son arrivée en catégorie
reine, Pedrosa est considéré comme le successeur
de Crivillé, ni plus ni moins. Les Espagnols ne
fourmillent pas comme aujourd’hui, mais déjà l’influence du
champion du monde 1999 se fait sentir. Il ne fallait pas plus qu’un
contrat Honda Repsol pour y voir une
coïncidence.
Dani ne l’avait pas volé. Ce dernier fut flamboyant dans les
petites catégories, empochant le titre 125cc en
2003 ainsi que les sacres 250cc
en 2004 et 2005. Remporter les
deux catégories, dans une carrière, est exceptionnel. Depuis, seuls
les frères Márquez l’imitèrent.
Un futur prodige, managé par le très respecté Alberto
Puig. À 21 ans, le catalan s’apprête à prendre le
départ de son premier grand prix, touchant à peine les pieds par
terre, sans exagérer. En fin de croissance, Dani se heurte à un
problème plus ennuyeux que ce qu’il n’y paraît : sa
taille.
1 m 59 pour environ 50 kg. Un poids super-plume
qui lui vaut des ignobles moqueries, mais qui surtout le
désavantage énormément. Les machines sont de grosses 990cc quatre
temps, entraînant beaucoup d’inertie.
L’exercice 2006 est difficile, mais laisse présager de très belles
choses. C’est à Shanghai, après avoir fait la
pole, que Daniel remporte le premier de ses 31 succès en catégories
reine. Un autre suivra quelques temps plus tard à
Donington. Sa saison de rookie se termine
honorablement à la cinquième position.
En 2007, le règlement change. Exit les 990cc, bienvenue aux 800cc.
Sur le papier, une machine plus légère ne peut que ravir le petit
Espagnol. Rien n’y fait. À trois reprises, Pedrosa termine
vice-champion du monde (2007, 2010 et 2012) sans même pouvoir jouer
le titre. Injustice ou froide logique sportive
?
Comme d’habitude, répondre n’est pas aisé. Listons et expliquons
rapidement les principales raisons de cet « échec ».
1) La concurrence.
Pedrosa a évolué dans une période extrêmement compétitive, c’est un
fait. Lui-même était l’un de ces compétiteurs, bien sûr, mais moins
forts que les autres au moment T. Prenons ses meilleures saisons
pour exemple : En 2012, il score 332 points mais tombe sur un
Jorge Lorenzo stratosphérique (17 podiums en 18
courses).
Même chose en 2010, où Lorenzo dicta sa loi au
monde entier, produisant l’une des plus grandes saisons
individuelles de tous les temps. 2007 était (à peine) plus
abordable, mais un Casey Stoner en mode
extra-terrestre barra la route à l’Espagnol.
2) Les blessures
Qui dit petit gabarit dit fragilité physique. Les 800cc étaient en
effet plus adaptées mais aussi plus vicieuses, catapultant les
pilotes sans gêne. Pedrosa fut victime de cette brutalité,
manquant 14 grands prix en MotoGP, parfois à des
moments cruciaux. C’est largement plus que n’importe quel autre
membre du « Big 4 » sur la même période.
3) Le mental
Pedrosa n’a jamais eu un mental de tueur comme
Rossi, Lorenzo ou Marc
Márquez. Timide hors de la piste, mais aussi au moment de
dépasser. Bien sûr, il prit part à quelques joutes magnifiques
(Brno 2012, Aragón 2015) mais c’est trop peu pour
quelqu’un qui doit jouer le championnat. À de trop nombreuses
reprises, Pedrosa s’est fait largement dominer en bataille.
4) L’irrégularité
Dani, sur certains circuits, était imprenable. Sur d’autres,
beaucoup moins. De manière assez inexplicable, ce dernier pouvait
dominer un week-end entier et franchir la ligne en 8e position deux
semaines plus tard. 2012, sa meilleure saison, est la seule sans «
faux pas », si l’on excepte cette chute en
Australie qui offre définitivement le titre à son rival
Lorenzo.
En conclusion, difficile de tout remettre sur le dos de la chance.
Oui, Pedrosa n’a pas eu de chance notamment avec ses blessures à
répétition, c’est un fait. Mais d’autres facteurs ont joué contre
lui durant sa carrière. Oui, « il aurait mérité un titre », comme
beaucoup d’observateurs s’accordent à dire. Mais lequel
?
Si on lui en attribue un, il faut en destituer un pour équilibrer.
Lorenzo 2010, et sa saison à 383 points ? Rossi en 2009, ou Marc
Márquez en 2013, objectivement plus convainquant dès sa première
saison au guidon de la RC-213V ? Impossible à
dire, mais rien ne laisse penser que ces titres ont été
acquis sans mérite au point de les donner à Pedrosa.
Une énigme bien compliquée à résoudre, mais un talent hors pair,
pour une carrière au panthéon du sport.
Photo de couverture : Thomasrdotorg