De façon très régulière, et depuis maintenant deux années, Hervé Poncharal nous fait l’honneur de nous partager son point de vue après chaque Grand Prix (Voir ici).
Écouter ses propos qui sont le fruit d’une expérience de 40 ans
est toujours un plaisir, d’autant que l’homme n’a pas sa langue
dans la poche. Nous vous partageons ainsi ses émotions, qui peuvent
fluctuer au fil des épreuves de la déception à la plus grande des
joies, sans pour autant occulter les petits grincements de dents
passagers ou, au contraire, les envolées qui vont bien au-delà du
sport…
Et nous l’en remercions grandement !
En quittant Austin, alors que vous étiez à l’aéroport, vous nous avez dit d’une façon un peu mystérieuse « Hafizh Syahrin est un grand homme ». Peut-on avoir une explication ?
Hervé Poncharal : « (rires) un grand homme, ça veut tout dire et ne rien dire, mais en tout cas c’est une belle personne, globalement parlant. Je pense que sur le plan du pilotage, il a bluffé tout le monde, nous les premiers. On est aux premières loges, et derrière les écrans, on peut analyser les chronos et les datas, et pour quelqu’un qui n’a seulement que 2 séances d’essais, Buriram et Qatar, il nous a bluffés. Il y a des pilotes avec lesquels tu peux passer des années, voir toute leur carrière, qui n’arrivent jamais vraiment à rouler avec une MotoGP. Et il y en a d’autres qui cliquent tout de suite, et lui fait partie de la 2e catégorie. On n’oublie pas que ses derniers tours de roues remontaient au Grand Prix de Valence et qu’il n’avait pas fait une seule séance d’essais, même en Moto2, avant d’arriver chez nous.
Ce qu’il a fait en course au Qatar, c’était très beau. Ce qu’il
a fait en Argentine, c’était encore plus beau, et tout cela nous a
laissé sans voix et très très heureux. Nous sommes arrivés au Texas
avec des ambitions mesurées puisqu’on savait que le profil du
circuit d’Austin est très compliqué pour nous. On savait que ce ne
serait pas facile, mais je pense qu’avec un peu plus d’expérience,
il pouvait passer en Q2, alors qu’il y avait quand même des
Petrucci et des Miller et compagnie en Q1. S’il n’avait pas été
gêné dans son premier run et qu’il avait moins attendu entre les 2
runs, il aurait pu faire un tour de plus et c’était possible de
passer en Q2, ce qui aurait été une méga perf.
En course, il s’est loupé parce que c’est un circuit où il faut
beaucoup de moteur. Il avait ramarré Lorenzo et Miller mais perdait
des mètres à l’accélération dans chaque bout droit. Quand tu es
ambitieux et agressif comme il est, tu refais tout sur les freins.
Et il a dit qu’à un moment donné, il avait été un petit peu trop
optimiste et qu’il aurait sans doute dû rester derrière, sans
chercher à garder le contact pour pouvoir les dépasser. C’est un
petit excès d’optimisme de débutant qui lui a fait perdre l’avant
sur une erreur de sa part, puisqu’il a été trop agressif sur les
freins.
Donc tout cela, c’est carrément bluffant, mais ce qui me bluffe au moins autant, c’est sa gentillesse, son éducation, le respect et l’approche humble qu’il a de la vie et de la course. Un moment donné, on discutait et je lui dis « tiens, l’année prochaine on sera KTM. Ça te plairait une KTM ? ». Il me dit « mais moi, je ne suis pas là pour dire ce que je veux. Je ne suis personne. Je suis simplement le plus heureux du monde et j’irai où on me dira d’aller. Tout me va, je n’ai aucune requête particulière et tout m’ira ». Or, même si cela peut paraître normal à certains des lecteurs de Paddock-GP, c’est quand même une attitude très rare dans le paddock, même de la part de gens qui sont moins rapides que lui.
Et puis, je ne sais pas, mais il souffle un vent de fraîcheur.
Je vous l’ai déjà dit, mais ça fait vraiment plaisir quand, à
chaque fois qu’il rentre dans le box, vous avez l’impression de
voir un minot devant un sapin de Noël. Il incarne le bonheur et n’a
pas encore vraiment digéré le fait qu’il est en MotoGP, sur une
Yamaha et dans l’écurie qui jouxte celle de Valentino Rossi. Et
c’est beau !
Et comme, en dehors de ça, il met du gaz et ne fait pas beaucoup
d’erreurs, ça fait vraiment plaisir ! »
Vous évoquez sa chute. En fait, il y en a eu deux puisqu’il est lourdement tombé lors du Warm up…
« Oui. L’intégralité du plateau MotoGP était très inquiète par rapport aux conditions de piste qui n’étaient pas terribles : de la pluie et des conditions mitigées. On était donc très indécis quant au choix du pneu arrière, surtout. Donc beaucoup de pilotes, Valentino, Maverick, Márquez, Pedrosa, et beaucoup de Ducati ont choisi de rouler avec le pneu dur au Warm up, pour voir ce que ça donnait. Márquez avait roulé très vite avec, même en FP4. On en a discuté avec Hafizh et il a dit que cela pouvait être intéressant. On lui a bien précisé de faire attention car il faisait frais, et avec un pneu dur, il faut se donner 2 ou 3 tours pour monter progressivement en puissance, mais tu ne pars pas comme une fusée. Mais voilà, dans son tour de sortie, avec un pneu neuf, gaz coupés mais je pense qu’il est rentré un peu fort, l’arrière s’est dérobé et dans ce cas là, c’est highside. Pour la moto, ce n’était pas une grosse chute, mais le problème, c’est que le pilote est monté en l’air et est retombé lourdement sur la tête et sur le bassin. Il était groggy et avait très mal au bassin et aux fesses ».
Mais il a tenu à faire la course…
« Oui, il a été déclaré OK pour rouler et il n’était pas question qu’il ne roule pas. D’ailleurs, en course, il était 12e quand il est tombé et il avait complètement oublié ses douleurs ».
Quelle est l’attitude d’un minot quand il rentre au box après avoir commis une erreur ?
« Il s’excuse ! Après la première chute, il était un peu
groggy et est parti au centre médical, mais à la 2e, il n’a
absolument rien eu. Il a juste glissé et tapé nulle part.
Évidemment que c’est toujours dommage de ne pas finir la course,
surtout quand tu est un jeune pilote et que tu as besoin de faire
beaucoup de kilomètres, mais en tout cas il a fait un super début
de course. Il se battait avec des gars qui étaient beaucoup plus
capés que lui, et peut-être mieux équipés techniquement, sur un
circuit difficile et après une grosse chute. Je pense qu’on ne peut
pas lui en vouloir d’être ambitieux et avoir envie de progresser en
restant en contact avec ces gens-là. Donc notre attitude a été de
le rassurer avant qu’il rentre directement en Espagne, sans passer
par la Malaisie, pour lui éviter le décalage et le reste. J’ai
d’ailleurs une petite photo où il est en train de faire du vélo à
côté de Barcelone, là où il est basé en Espagne, et même s’il a mal
aux fesses, il roule et sera en pleine forme à Jerez.
Vraiment, on est amoureux de lui ! Moi, son équipe technique,
l’équipe de Johann, et même Johann ! Johann sourit du
personnage entre les essais et a plein de respect pour ce qu’il
fait sur la moto ».
A suivre…
Quelques minutes après que nous publiions ces lignes, Hafizh Syahrin diffusait ces photos…
Austin MotoGP Championnat : Classement
1 | Andrea DOVIZIOSO | Ducati | ITA | 46 |
2 | Marc MARQUEZ | Honda | SPA | 45 |
3 | Maverick VIÑALES | Yamaha | SPA | 41 |
4 | Cal CRUTCHLOW | Honda | GBR | 38 |
5 | Johann ZARCO | Yamaha | FRA | 38 |
6 | Andrea IANNONE | Suzuki | ITA | 31 |
7 | Valentino ROSSI | Yamaha | ITA | 29 |
8 | Jack MILLER | Ducati | AUS | 26 |
9 | Tito RABAT | Ducati | SPA | 22 |
10 | Danilo PETRUCCI | Ducati | ITA | 21 |
11 | Dani PEDROSA | Honda | SPA | 18 |
12 | Alex RINS | Suzuki | SPA | 16 |
13 | Hafizh SYAHRIN | Yamaha | MAL | 9 |
14 | Pol ESPARGARO | KTM | SPA | 8 |
15 | Aleix ESPARGARO | Aprilia | SPA | 6 |
16 | Jorge LORENZO | Ducati | SPA | 6 |
17 | Franco MORBIDELLI | Honda | ITA | 6 |
18 | Takaaki NAKAGAMI | Honda | JPN | 5 |
19 | Scott REDDING | Aprilia | GBR | 4 |
20 | Alvaro BAUTISTA | Ducati | SPA | 4 |
21 | Karel ABRAHAM | Ducati | CZE | 1 |
22 | Thomas LUTHI | Honda | SWI | |
23 | Bradley SMITH | KTM | GBR | |
24 | Xavier SIMEON | Ducati | BEL |