Pour beaucoup d’entre nous, le Tourist Trophy
constitue l’épreuve « reine » du monde motocycliste. Le
TT est synonyme de courage, de vitesse et de
folie. Parfois, nous avons tendance à penser que ces pilotes ne
connaissent pas la peur, contrairement aux pilotes de Grands Prix.
Qui n’a jamais entendu dire « oui, mais Rossi n’a
jamais fait le TT comme Agostini ou Hailwood » ! Il faut
sans doute peser ces propos, d’autant plus que les pilotes forts au
TT et sur piste au niveau mondial sont rares. Enfin, rare, c’est
vaste, étant donné qu’il n’y en a qu’un. Son nom : Carl
Fogarty
Le Tourist Trophy, depuis qu’il n’est plus au
calendrier des Grands Prix, met en évidence des spécialistes.
Souvent, ils proviennent des îles britanniques et ont été formés
depuis tout petits sur des circuits routiers. C’est tout le
contraire des pilotes de GP, qui ne connaissent que les circuits de
karting et autres bacs à graviers depuis tout petit.
Carl Fogarty est l’énigme, le chaînon manquant. Né
à Blackburn en 1965, Carl se dirige très rapidement vers une
carrière de pilote moto. Son père George est un coureur respectable
dans les années 1970, et c’est tout naturellement que la passion se
transmet.
Le jeune Carl fait ses armes dans le championnat britannique au
début des années 1980, où il propose un style de pilotage atypique,
agressif, qui l’emmène vers les sommets. Il est vite repéré et
s’engage en tant que wildcard lors du Grand Prix de Grande
Bretagne 250cc 1986, qu’il termine 11e.
Dans le même temps, la dangerosité du TT l’attire. Une victoire au
Manx Grand Prix plus tard, l’antichambre du
Tourist Trophy, il s’y engage avec la ferme intention de gagner.
C’est chose faite en 1989 lors de l’épreuve production 750. 1990
est le parfait exemple de la versatilité du champion anglais. Lors
de la même année, il remporte les courses Formula 1 et Senior
(catégories les plus prestigieuses), tout en remplaçant
Pierfrancesco Chili en 500cc à quatre reprises,
terminant même 6e en Suède derrière les Lawson,
Rainey et autres Doohan.
Toujours dans le même temps, il score quelques beaux résultats en
championnat du monde Superbike, en tant que wildcard. Tout
simplement phénoménal ! Cette saison monstrueuse lui vaut un guidon
en BSB chez Honda UK.
Au fil des années, il multiplie les apparitions. En 1992, il se
permet de battre le record du tour au TT, après une bataille
dantesque avec
Steve Hislop, de remporter sa première course en
Superbike, le Grand Prix de Macao, d’effectuer un remplacement en
500cc sur une Yamaha qu’il découvre, gagner le Bol
d’Or, les 24 Heures du Mans moto et le
championnat du monde d’Endurance. Cela pourrait
bien être la plus grande performance moto de l’histoire.
Devant tant de talent, les usines ne peuvent rester insensibles.
Ducati lui propose un guidon officiel en WSBK, le genre d’offre que
l’on ne peut refuser. Malgré 11 victoires, Scott
Russell lui chipe le titre mondial pour un rien. Il
signera aussi cette année son plus beau résultat en Grand Prix,
avec une 4e place sur ses terres, au guidon de l’intransigeante
Cagiva (plus la North West
200 en bonus).
De 1994 à 2000, « Foggy » est
intouchable ou presque. Quatre titres mondiaux en WSBK, 59
victoires (record absolu jusqu’à ce que John Rea ne vienne
mettre de l’ordre) et 21 pole. Un palmarès stratosphérique qui
aurait pu s’étoffer un peu plus, si ce n’avait été une vilaine
blessure.
Lors de la manche australienne en 2000, Fogarty percute
Robert Ulm à haute vitesse. Un accident
spectaculaire qui contrait le britannique à arrêter brusquement sa
carrière. À cet instant, il est extrêmement populaire et fait
régulièrement des sorties acides dans la presse. Ses commentaires,
toujours piquants, ne manquent jamais d’humour.
Suite à ce crash, Fogarty décida de se consacrer à sa propre
équipe, en lien étroit avec Petronas. L’aventure
tourne au vinaigre et le pousse hors des circuits. Depuis, il est
présent à la télévision dans toutes sortes de programmes, même ceux
ayant pour thème la survie ! Ne reculant devant rien, il va
jusqu’à manger un pénis de chameau, des cafards
ainsi que des tarentules grillés pour remporter l’une de ces
émissions à succès.
Vous l’aimez ou vous le détestez, il n’y a pas d’entre-deux. Son
immense talent n’a d’égal que la superficie de sa salle de
trophées, qui recense des coupes de différentes disciplines glanées
dans le monde entier. Légende au TT et en Superbike, il
restera à jamais dans l’histoire pour son franc-parler et sa
vitesse ahurissante sur la piste.
Photo de couverture : TT GFDL