Parmi les sacres de Valentino Rossi, celui de
2008 est souvent oublié. Pourtant, il s’agit sans doute de l’un de
ses plus beaux, acquis contre une féroce opposition.
Alors que Casey Stoner soulève son premier titre de champion du
monde en 2007, « The Doctor » rumine. Ce dernier passe à
côté depuis deux ans, et de quelle manière. En
2006, il l’offre à Nicky Hayden après une inexplicable erreur
lors de la dernière manche du championnat.
L’année suivante, il ne peut tout simplement pas batailler avec
l’officiel Ducati, et peine à rivaliser avec le jeune Dani
Pedrosa. L’Espagnol lui vole même la deuxième place au
soir de l’ultime Grand Prix, une fois de plus.
Les forces en présence, à l’aube de cette année 2008, n’ont pas
bougé. Nicky Hayden répond toujours présent,
malgré sa dernière saison en demi-teinte. Il faudra se méfier des
rookies Andrea Dovizioso et surtout de
Jorge Lorenzo, son nouvel coéquipier. Dani
Pedrosa, comme
Casey Stoner, font figure d’épouvantails.
L’Australien est archi-favori après sa démonstration de force.
L’équipe Fiat Yamaha Team est divisée.
Rappelez-vous : La guerre des manufacturiers pneumatiques fait
encore rage. Rossi évolue en Bridgestone, quand
Lorenzo chausse des Michelin. Pour éviter tout
espionnage industriel, un mur sépare les deux coéquipiers. Une
drôle d’ambiance…
La saison s’ouvre avec le Qatar. Contre toute attente, le jeune
Lorenzo s’empare de la pole pour sa première
apparition. Malheureusement pour le majorquin, Stoner confirme son
bon état de forme le dimanche. Rossi ne pointe qu’en cinquième
position.
À 29 ans, doit-il laisser la main à la nouvelle vague ? C’est
mal le connaître. Cela paraît difficile à croire, mais l’âge de
Rossi était déjà discuté en 2008. Rendez-vous compte, 13
ans plus tard, Vale’ est encore des nôtres.
Ne lâchant rien, il progresse. Podium en Espagne et au Portugal, et
enfin la victoire en Chine. Dans le même temps, Stoner connaît
d’énorme difficultés. Une aubaine pour l’Italien. Au Mans, il
enfonce le clou avec sa 90e victoire, lui permettant d’égaler
Ángel Nieto.
Un Stoner en perdition au classement lui donne les clés du navire.
Derrière, Lorenzo pousse fort. La personnalité arrogante mais
assumée du n°48 chamboule la hiérarchie. Arrivé au Mugello, le
patron répond avec fermeté. Nouvelle victoire – la troisième
consécutive – devant des tifosi en délire.
Jorge, en phase d’apprentissage, commet des erreurs. Du coup,
Pedrosa semble maintenant en mesure de faire tomber le docteur. Aux
Pays-Bas, la chance sourit au petit Espagnol. Valentino chute dans
les premiers instants mais parvient à franchir la ligne en 11e
place. Au milieu de saison, la tendance s’inverse de nouveau !
Stoner revient d’entre les morts, avec une série de trois
victoires d’affilée.
Vous l’aurez compris, la situation entre Stoner, Rossi et Pedrosa
est extrêmement tendue. 20 points séparent les trois larrons au
moment de s’envoler pour la Californie. Tels des requins affamés,
chacun attend la moindre erreur de l’autre. C’est à qui
restera le plus longtemps dans l’arène.
Pedrosa, blessé, ne pourra observer la bataille de Laguna Seca.
Casey et Vale’ croisent ardemment le fer, ne se lâchant pas d’une
semelle. Jusqu’au tour n°23. L’Australien, en tête, défend, à
gauche, l’intérieur du mythique Corkscrew, mais est loin,
très loin de se douter de ce qui l’attend…
Rossi, sur un coup de génie, l’enrhume par l’intérieur du
Corkscrew, après avoir fait l’extérieur du virage à gauche
précédent, à la limite de la piste. Le dépassement est
sensationnel, grandiose. Les deux ne s’appréciaient déjà pas outre
mesure mais ce jour-là, Rossi remportait la guerre psychologique.
Finalement, le titre s’est joué ici, le temps d’un
dépassement.
D’ailleurs, le parcours des deux sur le reste de la saison illustre
le phénomène. Le n°46 remporte cinq courses de rang, égale et
dépasse Agostini au nombre de victoires en catégorie reine (devant
ses fans à Misano – 68 unités -). Pendant ce temps, Casey
pointe à 87 points de son rival après la course
d’Indianapolis.
Une nouvelle victoire à Motegi scelle définitivement le
championnat. Rossi est titré pour la huitième fois, avec la
manière. 373 points, 9 victoires, 16 podiums, 5 meilleurs tours en
course et deux pole positions, le tout en 18 manches. Échec
et mat. Un nouveau tour de force, un nouveau
Rossi.
Affaire à suivre …
Photo de couverture : Christianb_7