Kawasaki en Grands Prix vous inspire forcément quelque
chose. Rappelez-vous de ces machines au bruit divin,
pilotées par Hofmann, Hopkins, Nakano et autres Jacque au milieu
des années 2000. Pourtant, et si peu de gens le savent, les verts
n’en étaient pas à leur coup d’essai. Au début des années 1980, une
belle mais courte expérience de trois ans vit les japonais galérer,
malgré une machine techniquement surprenante. Voici son
histoire.
Pour bien comprendre, il est nécessaire de remonter en l’an 1978.
Kork Ballington, génial Sud-Africain débarqué il y a quelques
années à peine, fait triompher Kawasaki en 250cc ainsi qu’en 350cc.
La firme avait réussi à construire deux machines de guerre,
supplantant Yamaha et autres Honda : Les KR250 et
KR350.
Un doublé retentissant dans le monde de la moto. La domination fut
d’autant plus appuyée par
Gregg Hansford, deuxième pilote et vice-champion du monde
250cc. Kork ne s’arrêta pas en si bon chemin. En 1979, il écrasa
toute la concurrence et remporta à nouveau le doublé 250cc-350cc,
exploit tout à fait historique.
C’est la consécration pour Kawasaki, qui règne sur le monde des
catégories intermédiaires. Ce succès pousse naturellement la
direction à s’orienter vers le plus haut niveau, la 500cc. C’est
une toute autre histoire. Un vrai aquarium de requins, ou Suzuki et
Yamaha règnent en maître. Des pilotes légendaires, à l’image de
Kenny Roberts ou Barry Sheene, se
partagent la vedette dans un climat hostile.
En réalité, Suzuki est le roi. Les RG500 sont
archi-dominantes. Autrement dit, Roberts compte plus sur
son talent que sur sa Yamaha YZR500. En 1979, à l’occasion de son
deuxième titre consécutif, il précède neuf Suz’. Il faut remonter à
la 11e place et Christian Sarron pour trouver une
autre machine frappée des diapasons.
Kawasaki tranche rapidement sur l’architecture du moteur. 4
cylindres en carré – la patte de Suzuki – refroidissement par eau,
développant 125 chevaux à 11 000 tr/min. La partie-cycle, en
revanche, est plus intéressante.
La firme opte pour un cadre coque en aluminium orignal, rarissime à
l’époque. Ajoutez à cela une suspension arrière à levier ainsi
qu’un dessin de carénage peu conventionnel, et vous obtenez
une machine atypique qui ravit les fans.
Très populaire, Kawa’ obtient facilement le soutien des
observateurs. Kork Ballington, seul, est
logiquement désigné pour piloter la bête. C’est à ce moment précis
que la galère commence. Dès les premiers tours de roues, le
quadruple champion du monde détecte un problème majeur lié au
cadre.
Cela se traduit par une pauvre 13e place au
championnat. Une année terne, marquée par les chute mais
aussi par une belle cinquième place en Finlande. Les améliorations
de 1981 laissent entrevoir de belles choses : Ballington monte
sur le podium à deux reprises (Pays-Bas et Finlande) tout en
améliorant considérablement son classement.
Dans le même temps, Hansford, autre fer de lance
Kawasaki, se blesse lourdement à
Spa-Francorchamps. La KR500
connaît d’énormes problèmes en sortie de virage, car trop longue et
lourde comparée à ses rivales.
Puis vient 1982 et les dernières apparitions de la bête.
Ballington, lassé de constater le manque d’implication de la firme
dans le projet, émet ses premiers doutes. Cette fois, plus de
podium ni de belles performances. En fin de saison, le Sud-Africain
décide de quitter le monde des Grands Prix, peut-être trop
brusquement selon ses propres dires.
Une retraite anticipée qui tue définitivement le projet KR500.
L’intéressé confiera plus tard ses regrets quant à cette
épopée. Si Kawasaki s’y était mis sérieusement, et n’avait
pas tout misé sur un seul cheval, l’histoire serait différente.
Personne ne pourra vérifier. Toujours est-il que l’absence de
Kawasaki en Grands Prix se fait sentir. En observant les exploits
de Jonathan Rea en WSBK, personne ne peut rester
insensible à la tentation de l’uchronie. Kawasaki, comme d’autres
avant et après, tenta. Sans succès. Mais est-ce le plus important,
face à la beauté de ce prototype ? À
réfléchir.
Photo de couverture : Rainmaker47