Aujourd’hui en retrait, les États-Unis étaient autrefois
un vivier de talent. À l’heure actuelle, il s’agit du pays
ayant produit le plus de champions du monde en catégorie reine,
avec sept couronnés. Un exploit incroyable, quand l’on sait que la
grande majorité de ces titres furent remportés en un court laps de
temps. Aujourd’hui, classons et rendons hommages à ces
légendes du sport.
Cet épisode fait suite à la cinquième partie,
parue hier. La première partie, qui détaillait les critères de
sélection ainsi que les mentions honorables, est
trouvable ici même.
N°2 : Kenny Roberts (1951-)
Que le débat commence. En effet, départager
première et deuxième place n’a pas été chose aisée. Avoir une
égalité était possible, mais il s’agit aussi de se mouiller, donc
ne nous cachons pas derrière l’ex-æquo.
Débutons peut-être par la question qui fâche : Pourquoi Roberts
n’est-il pas premier ? Parce que devant, c’est plus fort.
Eddie Lawson – tout suspens était déjà mort –
était un meilleur pilote que Kenny Roberts.
Revenons rapidement sur le cas de « King
Kenny ». Légende Yamaha absolue, il fut grandement
influencé par Jarno
Saarinen, homme qui fut à la base de la révolution du pilotage
au début des années 1970. Roberts prit cette approche de la glisse
et la perfectionna : C’est souvent à lui que l’on attribue le
pilotage moderne, bien que cette affirmation soit galvaudée.
Roberts arrive en mondial en 1978 et remporte immédiatement le
titre 500cc, puis le suivant, et celui d’après. Il est le seul,
dans l’histoire, à avoir remporté ses trois premiers titres suite à
son arrivée au plus haut niveau. Par ailleurs, il est le
premier champion du monde américain.
Ça vous place le bonhomme. Mais la plus grande victoire de Kenny
Roberts est ailleurs. En effet, il est possible de lui attribuer la
modernité et les grands changements de notre sport. Pour
simplifier, bien que ceci mériterait un article à part, il est le
pilote qui transforma le « Continental
Circus » en sérieux et
« professionnel » championnat du monde.
Son influence était presque aussi grande que son talent en
piste.
Par la suite, il créa, en collaboration avec l’usine Yamaha, le
désormais mythique Team Roberts, faisant éclore des talents comme
John Kocinski, Wayne Rainey ou
son fils Junior,
champion du monde en 2000. Si vous regardez attentivement, Kenny a
été mentionné au moins une fois dans le descriptif de chaque pilote
du top 10. C’est dire sa portée.
Le « King », c’est un nombre incalculable de casquettes. Roberts
gagne trois titres d’affilé, Roberts fonde son écurie et gagne des
titres avec, Roberts crée sa propre marque de moto en partenariat
avec Honda, Roberts fait courir son fils …pendant 25 ans, son nom a
résonné dans les paddocks.
N°1 : Eddie Lawson (1958-)
Oui mais voilà : Au dessus, il y a Lawson. Des
deux, il était le plus grand pilote. Certes, il n’a pas tant
d’années dans le circuit, tant de progrès à son nom. Mais sur la
piste, c’est un autre débat. Seul américain quadruple champion du
monde, il s’est affirmé comme l’un des meilleurs pilotes de tous
les temps au sein de l’ère la plus disputée.
La comparaison est simple. Prenez tous les pilotes de ce
classement. Tous, à l’exception de Pat
Hennen (10e), Kenny Roberts Jr. (8e)
et Nicky Hayden (7e), ont roulé de 1978 à 1994.
Sur cette période très faste pour les USA, Lawson a dominé
tout le monde.
Tout l’oppose à Gardner, Schwantz
ou Mamola. « Steady
Eddie » (pour « Eddie le stable ») est un homme
calme, tranquille, timide et loin des caméras. Sur la piste, même
chose. L’équivalent d’Alain Prost en Formule 1, évoluant en même
temps sur quatre roues.
Certaines statistiques sont folles. Douze abandons en neuf années
de compétition. Aucun finish hors des points en 127 courses
500cc.
Lawson fait partie du club très fermé des pilotes ayant remporté
des courses avec trois constructeurs différents, avec
Yamaha, Honda et
Cagiva. C’est d’ailleurs ce dernier qui mit la firme italienne
sur des rails, là où tant avaient échoué.
À une époque relevée et dotée de machines monstrueuses, être autant
régulier est un tour de force. Son pilotage fin lui permit de
remporter deux titres consécutifs sur deux marques différentes en
1988/1989, exploit qui sera reproduit par Valentino Rossi
en 2003/2004.
Pour toutes ces raisons, il est n°1, bien que le débat existe.
Les USA ont fourni leur lot de talent, mais aussi et surtout de
moments inoubliables. En à peine quinze ans, un pays envahit le
mondial pour son plus grand bien. Une époque dorée,
mythique, qui ne cessera de faire rêver les plus nostalgiques
d’entre nous.
Photo de couverture : Rikita