En ce jeudi 29 avril 2021, Johann Zarco a répondu aux questions des journalistes depuis le circuit de Jerez -Angel Nieto en prélude au Grand Prix d’Espagne.
Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les propos du pilote français qui occupe actuellement la 4e place du championnat après l’avoir mené au Qatar.
Comme à notre habitude, nous reportons ici les paroles de Johann Zarco sans la moindre mise en forme, même si la première partie (vouvoiement) est traduite de l’anglais.
Johann Zarco : « Jerez ! Je pense qu’il s’agit d’un circuit que tout le monde connaît très bien et d’une piste, si l’on regarde ses caractéristiques, un peu difficile pour utiliser notre potentiel dans la ligne droite. Mais la moto fonctionne aussi très bien dans les autres endroits et c’est pourquoi la confiance peut être grande, tout comme la très bonne performance de Pecco (Bagnaia) l’année dernière. De plus, la performance qu’il a accomplie lors de la dernière course à Portimao me procure cette confiance qu’il y a encore quelques points à trouver en pilotage pour être vraiment à l’aise dans la bagarre au championnat et de jouer le podium même à Jerez. Pour moi, c’est une très bonne façon de voir ce week-end de course où je pense que nous aurons de bonnes conditions météo. Comparé à l’année dernière, ce sera moins exigeant pour le corps et moins exigeant aussi comparé à Portimao car c’est une plus facile physiquement. Mais clairement, il y aura un rythme à trouver car c’est un petit circuit pour une moto puissante. Si on trouve le bon rythme, je pense alors que nous pourrons vraiment nous amuser. J’espère qu’on le trouvera et je pense que je pourrai le trouver car à chaque fois, avec la Ducati, et avec le pas en avant opéré chez Pramac, je suis plus rapide partout. C’est pourquoi j’arrive ici avec un état d’esprit très positif pour bien travailler afin de trouver les quelques petits progrès qui peuvent vraiment procurer le contrôle pour le podium. Ou même la victoire si tout se passe à la perfection. »
Pourquoi ce circuit n’est-il pas particulièrement favorable aux Ducati et comment comptez-vous y remédier ?
« Comparé aux autres circuits, c’est ici où nous avons une des plus basses vitesses de pointe. On ne dépasse pas les 300 km. Sur certains autres circuits, on peut peut-être perdre quelques dixièmes à certains endroits dans certains secteurs, mais on les rattrape alors dans la ligne droite. Ici, on n’a pas le temps de rattraper du temps dans la ligne droite. Parfois, sur la Ducati, les sensations en virages sont plus difficiles à trouver. Je ne dis pas que les Ducati ne les procurent pas mais elles sont parfois plus difficiles à trouver. Depuis quelques années, ou au moins depuis l’année dernière est à nouveau cette année, les Ducati progressent dans ce domaine, et je le répète : Pour moi, Pecco est un bon exemple car sur les petits circuits, Portimão n’est pas un petit circuit mais a des virages très serrés, il fonctionne bien. L’année dernière, il a également bien fonctionné ici, tout comme à Misano où il a été rapide alors qu’il y a des virages serrés. Il y a donc un moyen de piloter la moto, ou une confiance à avoir lors des freinages pour passer ce cap et prendre beaucoup de plaisir. »
Quel était le problème de boîte de vitesses à Portimão ?
« Le problème de la boîte de vitesses était plus un problème du système seamless que d’un problème vraiment lié à la boîte elle-même. J’ai descendu deux vitesses et au lieu de rétrograder de la quatrième à la deuxième, la troisième s’est enclenchée plus rapidement que ce à quoi je m’attendais et je suis donc passé de la troisième à la première, en ayant donc un peu trop de frein moteur. Et comme j’étais déjà beaucoup sur l’angle, il m’en manquait un peu pour pouvoir rattraper et j’ai chuté. »
Pol Espargaró a dit que c’était un non-sens que l’allocation pneumatique ait fait un cran de plus en dureté alors qu’il fait moins chaud. Qu’en pensez-vous ?
« J’ai déjà regardé l’allocation pneumatique et je pense que le pneu dur peut également bien fonctionner. Je pense que c’est peut-être à l’avant où il a dit que le pneu dur ne sera pas utile. Je pense qu’il a raison en cela, mais comme aussi à Portimão où personne n’a utilisé le pneu dur à l’avant. Ça peut paraître parfois étrange qu’ils l’apportent s’ils savent quasiment que personne ne l’utilisera, mais ils s’attendent parfois à des conditions très particulières et c’est juste pour ne pas être dans la merde qu’ils apportent un pneu sûr, au cas où la météo soit inattendue. Je pense que Michelin veut conserver cette marge : En cas de problème, ce sera moins délicat. Mais même s’il n’y a pas de problème, ils sont quand même critiqués car il y a ce pneu que nous n’utilisons pas. »
Pouvez-vous nous détailler les clics que vous devez faire pour être sur le podium ?
« Il faut deux clics en compression (rires). »
Non, je pense que vous parlez du feeling…
« Oui, avoir davantage d’automatismes dans le pilotage. Je ne dis pas pour avoir le podium, car la capacité d’obtenir un podium est là. Au Qatar, nous avons peut-être eu besoin d’un peu plus de temps pour avoir de bons réglages mais c’est une piste qui favorise peut-être un peu les Ducati et j’ai eu le rythme pour le podium. A Portimão, j’en étais également très proche et je me suis battu pour ça jusqu’à la chute. Donc quand je dis pour le podium, c’est plus avoir davantage de possibilités pour jouer ou d’être plus à l’aise pour avoir le podium. »
Cela concerne davantage l’avant ou l’arrière de la moto ?
« C’est vraiment un compromis de beaucoup de choses car par exemple, quand vous faites bien le freinage et l’entrée en virages, vous devez également rester fort en sortie pour contrôler la puissance, car même avec l’électronique, ce que vous pouvez contrôler avec votre main, nous avons pu voir que cela procurait un avantage. Mais contrôler avec la main vous fait réfléchir davantage, vous êtes moins à l’aise, et c’est pourquoi je dis que si c’est davantage automatique, vous pouvez réfléchir moi et être plus rapide. »
Tu es resté sur place entre le Portugal et l’Espagne. Comment ça s’est passé ?
« Déjà, c’était moins de kilomètres pour aller au circuit suivant. Je me suis entraîné un peu comme j’aurais fait à la maison mais l’océan était froid sur la côte portugaise, l’eau était à 15°, donc il faisait trop froid pour le projet de plonger un peu et de faire un peu d’apnée. Je ne pouvais pas rester dans l’eau, même en combinaison. En revanche, j’ai profité de la côte même s’il y avait un peu de vent et donc pas des grosses chaleurs. Les restaurant étaient ouverts et il n’y avait pas de confinement, et c’est appréciable pour prendre le temps d’en profiter. »
Cela t’a-t-il permis de surmonter la déception relative à ta chute au Portugal ?
« Oui, même si ça ne m’a pas marqué mentalement. Ça fait partie de la course et il faut l’accepter, sinon on ne peut pas aller au-delà. Non, c’était plus joindre l’utile à l’agréable : Je reste sur place, comme ça j’ai juste le focus d’aller au circuit suivant. Et finalement, je suis arrivé tôt en Espagne puisque j’y étais déjà dimanche dernier, j’ai vu qu’il y avait une sorte d’énergie qui faisait que je suis pressé de re-rouler. Et ça, ça fait du bien, alors que si j’avais été à la maison, j’aurais peut-être été plus occupé, j’aurais peut-être pu m’entraîner avec la Panigale, mais au moment d’arriver ici j’aurais peut-être eu moins d’envie. J’ai voulu faire ce rythme-là, qui ressemble un peu à celui du Qatar où je suis resté sur place, et j’aime bien, au niveau physique et mental. C’est un rythme qui me plaît bien, donc si en plus la fin du weekend est sur le podium, c’est un rythme à répéter. »
Comment abordes-tu ce weekend ?
« Positif et concentré à continuer à bosser un peu sur le pilotage pour vraiment gérer ces virages lents. Ce n’est pas le problème de la Ducati, c’est juste un problème de confiance et de bon pilotage. Ce qui me motive, c’est Bagnaia qui dans ce genre de petits virages est très confiant et fait la différence. C’est signe que la Ducat en est capable, et ça me motive beaucoup parce que ça t’enlève plein de doutes de la tête, et ça permet de travailler que sur soit. Plus facile à dire qu’à faire mais ça enlève quand même beaucoup de questionnements. Donc voilà, esprit disons travailleur concentré pour continuer à avancer dans le championnat. Il ne faut pas oublier que je suis toujours en mesure de le jouer et la saison est longue. Sur un circuit peut-être théoriquement plus difficile pour nous, ce qu’on prendra sera très bon à prendre, et mieux on le prendra, mieux ce sera pour les circuits qui arrivent. »
Les trois premiers circuits ont été remportés par Yamaha. Qu’est-ce que ça signifierait si Ducati gagnait ici, pour la suite de la saison ?
« Ce serait encore une confirmation il peut
toujours y avoir des surprises dans le haut niveau, et ça serait
très bon. Après, au vu l’an dernier Quartararo ici, je m’attends
quand même à un Fabio très fort. On sait que ça marche quand même
très bien pour la Yamaha ici ! En revanche, il y a aussi Márquez
qui a été plutôt bon pour un weekend de remise en forme à Portimão,
en sachant que ce n’était pas vraiment un circuit pour la Honda,
que c’était un circuit qu’il ne connaît pas particulièrement bien
et qu’il se re-testait physiquement. Donc trois choses qui
n’étaient pas en sa faveur ! Là, ces trois choses : Il sait qu’il
est mieux physiquement, sur un circuit où la Honda fonctionne très
bien car ils ont testé tout l’hiver, et qu’en plus il l’aime bien !
Donc à mon avis, il y a moyen qu’il nous surprenne.
Après, si en revanche on gagne, c’est qu’on aura vraiment su
combler des points faibles de la moto, mais pour moi ce ne sont pas
des points faibles puisqu’elle en est capable. C’est plus réussir à
le faire au bon moment. En revanche, si on sait aller vite sur tous
les circuits, c’est bon pour le championnat. Pour moi, Jerez est
même plus technique que Le Mans, et après Le Mans il y a le Mugello
où là c’est la piste Ducati. Voilà, s’il y a un niveau podium ici,
ça veut dire qu’il y a un niveau victoire pour Le Mans, Mugello et
Barcelone. »
Quelle est la part du mental dans ta préparation ?
« Je pense que le mental, c’est beaucoup d’expérience parce qu’on voit que moins on pense, mieux on avance. Pareil, c’est plus facile à dire qu’à faire, mais plus on vieillit, plus on pense, et donc en général c’est là que souvent ça coince. Mais quand déjà on s’en rend compte, c’est un premier pas vers la solution et on n’est pas bloqué là-dessus. Je suis conscient de ça et c’est pour ça que je sais à quel point cela peut être important. C’est pour ça que c’est beau de voir des jeunes arriver et ultra bien marcher, comme Jorge Martin. Moins tu penses et mieux tu avances, et lui c’était clairement ça. Après, parfois, trop d’envie et il s’est malheureusement fait mal, d’où savoir quand même parfois penser. Dans la situation où il était, penser était plus important parce qu’il fallait faire un tour complet pour être sûr au niveau des pneus. Mais voilà, le mental c’est beaucoup ça. Je ne peux pas dire aux gens de méditer, parce qu’il faut savoir y croire. Même moi, je le fais de temps en temps mais je le fais au feeling : Quand j’ai le feeling de le faire, je peux le faire, et là je sens que je le fais bien. Si je le fais tous les jours à huit heures par ce que j’ai dit qu’il fallait le faire, des fois je ne vais pas réussir à ne plus penser. À mon avis, la partie mentale, c’est beaucoup là : Empêcher toutes les pensées négatives ou positives. En fait, il faut être neutre : C’est ça qui n’est pas simple. »