Cet épisode fait suite à la deuxième partie,
trouvable ici même.
En janvier 1963, la production de la légendaire Norton Manx
cesse. Cependant, de nombreux privés continuent de rouler
sur le monocylindre, sans grands résultats apparents. Jack Ahern
est l’un d’eux. Comptant parmi les dix meilleurs pilotes
australiens de l’histoire, il se démarque en 1964. Derrière
Mike Hailwood, il termine même deuxième du
championnat 500cc.
Un exploit remarquable, quand l’on connaît l’âge de ces machines.
Il s’impose même en Finlande devant Mike Duff, courant sur une
hybride Norton/Matchless. Toujours sur les
ancêtres, il glane quatre nouveaux podiums lors des deux saisons
suivantes, démontrant la longévité des Manx.
Le Nord-Irlandais Dick Creith parvient lui aussi à
gagner, lors du Grand Prix d’Ulster 1965 sans la
compétition italienne. Certes, la firme est toujours représentée au
plus haut niveau mais ne tient pas la comparaison avec les MV
Agusta.
En 1969, l’impensable se produit. Trente ans après la première
apparition et la mise au point du modèle « Manx », Godfrey
Nash remporte le
Grand Prix de Yougoslavie en l’absence de Giacomo
Agostini. Cette victoire sera la dernière pour la
grand-mère mannoise.
La longévité et la fiabilité de ces machines sont ahurissantes.
Certes, le championnat n’était pas aussi encadré et professionnel
qu’aujourd’hui, mais il n’empêche. La Norton Manx
prend une retraite bien méritée, de moins en moins sélectionnée par
les particuliers pour courir.
La suite est bien moins gaie. Norton vient de sortir le modèle
Commando, disponible pour le grand public, mais se
retrouve au milieu d’une fusion comprenant BSA et
Triumph. La mauvaise gestion économique ainsi
qu’un véritable micmac politique portent un premier coup à la
firme. Norton, en comparaison de Triumph, est un constructeur
relativement modeste; cela précipitera sa chute.
Une importante crise n’arrive jamais seule. Le début et milieu des
années 1970 représente l’invasion des machines japonaises dans les
concessions européennes. Ne pouvant plus suivre le rythme,
Norton met – une première fois – la clé sous la porte en
1976.
Cela ne servirait à rien de tous les énoncer, mais de nombreux
fonds d’investissements voulurent perpétuer le patronyme dans les
années 1980 et 1990 (jusqu’à nos jours). Des choses intéressantes
ont été produites, d’autres beaucoup moins. Parmi les « réussites
», l’on trouve la RCW588 (ci-dessus) à moteur
rotatif de type Wankel.
OVNI au sein du paysage motocycliste, cette technologie efficace
permit à Mazda de remporter les 24 Heures du Mans auto en 1991. Le
légendaire Steve Hislop la hissa même en tête du
Senior TT 1992, bien qu’elle fut aussi pilotée par
Robert Dunlop, Ron Haslam et
consort. Intéressant mais trop polluant, le projet fut finalement
rapidement abandonné. Ceci découla sur un modèle routier apprécié
des collectionneurs, la F1.
Rachats après rachats, l’entité n’est toujours pas stable de nos
jours. Les derniers investisseurs en date avaient à cœur de
retourner là où tout prit forme : au Tourist
Trophy. Ainsi, en 2017, Josh Brookes
était muni d’un somptueux modèle V4, tout de chrome vêtu. C’est
avec cette machine que John McGuinness s’engagea en 2018 et 2019,
sans grand succès malheureusement.
Aujourd’hui, l’entreprise ne sait toujours pas sur quel pied
danser. À l’image d’autres constructeurs iconiques déjà traités, le
nom Norton perdurera, c’est une certitude. Mais à quel
prix ? Depuis quarante ans, la firme patauge et peine à
trouver de la stabilité. Un crève-cœur, quand l’on mesure l’impact
de la marque sur notre championnat du monde. De Goeff
Duke à Jack Ahern en passant par
Jean Manchzeck, de trop nombreuses légendes ont
roulé ces machines pour les oublier. Une triste fin pour un
nom, une firme, un logo légendaire.
Photo de couverture : Lothar Spurzem