Parfois, des courses laissent sans voix. Rares
sont les pilotes à pouvoir réaliser des performances historiques,
ahurissantes. Bien entendu, Valentino Rossi est de ceux-ci. On ne
compte plus les moments mythiques mettant en scène le nonuple
champion du monde à travers ces vingt dernières années.
Aujourd’hui, revenons sur l’une des plus grandes courses de
« The Doctor », Phillip Island 2003.
Pour apprécier ce moment, il est nécessaire de le contextualiser.
Valentino Rossi évolue en catégorie reine depuis 2000, chez Honda.
S’il n’a pas été champion en tant que rookie, son talent éblouit le
plateau. Dès sa deuxième année, le titre lui tendit les bras. En
2002, le sport évolue : Les 500cc deux temps sont amenés à
disparaître pour laisser place aux 990cc quatre temps, plus
modernes et en accord avec le plan de développement de la
DORNA.
Cela ne change pas grand-chose pour Vale. En 2002, il
écrase le championnat sur sa RC211V officielle de la plus belle des
manières. 15 podiums en 16 courses, un seul abandon et 11
victoires. Le pauvre Max
Biaggi, deuxième à 140 points derrière au général, ne peut que
contempler.
Autant dire que le suspens n’était pas de mise pour 2003, ce n’est rien
de le dire. Au bout de cinq courses seulement,
« Il dottore » pose une main sur le
trophée. Il compte 30 points d’avance à mi-saison mais n’est
toujours pas descendu du podium. Gibernau et
Biaggi, ses deux « rivaux » de l’époque,
font du mieux qu’ils peuvent mais rien ne semble pouvoir atteindre
le champion italien.
L’antépénultième course de la saison, disputée en Malaisie, fait
à nouveau retentir le Fratelli d’Italia. Valentino est désormais
titré pour la troisième fois consécutive, alors qu’il reste deux
courses à disputer. L’italien est sur une série de 14 podiums en
cours sur cette saison, en autant de courses. Comment
rivaliser ?
Vient cette fameuse manche australienne. Le samedi ne laisse
présager aucun suspens pour le lendemain, puisque Rossi s’adjuge
aisément la pole position. Troy Bayliss, sur
Ducati, veut briller à l’occasion de son Grand Prix national. Les
autres favoris sont connus : Il faudra compter sur Max
Biaggi sur Honda, Loris Capirossi sur
Ducati et Nicky Hayden, un jeune rookie venu des États-Unis, et
accessoirement coéquipier du docteur. Marco
Melandri, chez Fortuna Yamaha, peut jouer les
trouble-fête.
Le départ est donné. Étrangement, Rossi est vite encerclé et se
retrouve distancé par ses comparses. Une énorme bataille à cinq
s’installe devant, impliquant tous les favoris. Vale peine à
remonter, doublant péniblement Capirossi.
Melandri mène la course mais reste sujet aux
attaques de Gibernau et
Bayliss.
Tout à coup, la course bascule. Bayliss semble
freiner tard et ne peut esquiver Melandri. Les
deux hommes se touchent, mais l’australien est le seul à
chuter ! Cela semble sévère, car une civière est immédiatement
sortie. Dans le même temps, Valentino commet l’erreur de dépasser
sous drapeau jaune logiquement brandi. Quelques tours plus tard, la
sanction tombe. 10 secondes de pénalité, retenues à l’arrivée comme
le veut la coutume.
Entre temps, Rossi avait recollé et jouait aux avants-postes.
Marco Melandri, bien installé dans le groupe de
tête, tombe à son tour ! Au fil des boucles, le rythme de «
Rossifumi » ne cesse de croître. S’en suit une
performance incroyables. Le n°46 prend la tête, puis porte son
avance à plus de trois secondes. Puis cinq. Puis dix. Largement en
tête, il continue de creuser l’écart sur
« Capirex » et le
« Kentucky Kid », ses deux plus proches
poursuivants.
Finalement, il s’impose avec plus de quinze secondes d’avance. Bien
entendu, avec le record du tour, vous l’aurez deviné. Ce jour-là,
un pilote est devenu magicien. Comment a t-il pu mettre autant de
rythme alors qu’il semblait peiner au début de course ? Nul ne
sait. Capirossi, deuxième, et Hayden, troisième ne peuvent
que le féliciter.
Les grands champions sont capables de se transcender quand l’enjeu devient important. Lorsqu’il s’agit d’une victoire, peu sont capables de le faire comme Valentino Rossi. S’imposer avec dix secondes de pénalité, et en rajouter cinq pour le plaisir. L’OVNI du 19 octobre 2003 reste une énigme, un mystère non élucidé dans l’histoire des Grands Prix.