Il y a quelques jours à peine, la marque de Borgo Panigale a amené sur un circuit ses six pilotes engagés en Grand Prix, mais également le pilote test sur la dernière GP21. Comme le soulignait fièrement le PDG de Ducati, Claudio Domenicali, des temps très proches du MotoGP ont été réalisés avec des motos de série : la meilleure Panigale V4S a réalisé un chrono de 1’43.3, et la GP21, aux mains de Michele Pirro, a réalisé un 1’41.1.
Comme cela arrive souvent, ce résultat engendre de nombreux débats, d’autant plus qu’on ne sait pas quel pilote a réalisé le chrono sur la Panigale V4S. Il suffit d’analyser les résultats du Superbike dans des conditions similaires pour comprendre comment les performances de la Panigale V4S et de la Desmosedici GP21 ont été obtenues dans des conditions loin d’être optimales même dans le Sud de l’Espagne, les conditions du mois de février sont loin d’être parfaites.
Comme le rappelait Claudio Domenicali sur son compte Twitter, aucune préparation spécifique et totalement adaptée au pilote par une armada d’ingénieurs maison n’a été réalisée : les Panigale V4S sont équipées de série d’une fourche Öhlins NIX-30, d’un amortisseur Öhlins TTX36, et Ducati commercialise les échappements Akrapovic pour la belle rouge.
Seules différences sur les machines de Borgo Panigale utilisées par les pilotes la semaine dernière : un poly, des commandes reculées, ainsi que pour certains pilotes des suspensions Ohlins NPX présentes sur la V4R et des radiateurs de plus gros volume. Certes, elles ne sont plus totalement de série, mais qui ne prépare pas un minimum sa machine pour rouler sur piste afin d’anticiper la chute, d’avoir des settings de suspensions plus adaptés à la piste qu’à la route mais également d’utiliser des pièces pour anticiper la surchauffe ?
Une autre critique concernant ce comparatif concerne le circuit : Jerez n’a pas une aussi longue ligne droite que le Mugello. Les MotoGP n’ayant pas roulé au Mugello en 2020, il faut revenir en 2019 et aux 356.7 km/h réalisés par Andrea Dovizioso lors de la FP3 au bout de la ligne droite. Rien que ça ! Certes, la vitesse maxi de la Panigale V4S n’est pas connue, puisque pour respecter la législation, les compteurs des motos de série sont bloqués à 300 km/h. Mais la vitesse maxi ne dépend pas que de la puissance, le rapport de transmission y fait pour beaucoup… On se souviendra tout de même qu’à Portimao l’an dernier, Johann Zarco avait dépassé les 325 km/h avec sa V4S.
En 2019, à Jerez, la GP19 d’Andrea Dovizioso avait été flashée à 292.1 km/h en FP3, alors que la Ducati Panigale V4R engagée en WSBK avec Alvaro Bautista avait atteint 286.5 km/h. En comparant les tours les plus rapides de ces 2 machines, la GP19 avait réalisé un tour en 1’37.018, quant à la Panigale, elle était détentrice d’un chrono de 1’38.283 en qualifications (avec des réservoirs peu remplis et des pneus spécifiques).
On est loin des chronos dévoilés par Ducati la semaine dernière, mais les performances de la Panigale V4S et de la Desmosedici GP21 ont été obtenues dans des conditions loin d’être optimales : la pluie a entraîné l’annulation d’une demi-journée d’essais, cela a impacté l’adhérence qui devait être réduite même l’après-midi.
Néanmoins, lors des tests de Jerez la semaine dernière, les machines disposaient de pneumatiques Michelin similaires, et les roulages ayant été réalisés le même jour, avec des conditions similaires, ces chronos restent relativement comparables.
Il n’en reste pas moins que les Panigale V4S et la GP21 roulaient dans les mêmes conditions, et que la comparaison – avec le même pneu – est parfaitement valable même dans des conditions qui ne sont certainement pas idéales.
Mais alors pourquoi utiliser des Panigale V4S ? Pour limiter les coûts des équipes et surtout pour les mettre toutes au même niveau, le nombre de tests avec les prototypes MotoGP est limité par le règlement. Les pilotes utilisent donc les motos issues du commerce ayant les performances les plus proches de leurs prototypes. Fabio Quartararo avait d’ailleurs été sanctionné par la Fédération l’an dernier pour avoir réalisé une séance d’entrainement privée au circuit Paul Ricard avec une moto préparée pour le FSBK, trop éloignée du modèle de série. En fait, la meilleure formation pour piloter une moto est de rouler au maximum.
Cela semble évident, mais ce n’est pas le cas. Allons encore plus loin : la seule formation nécessaire pour piloter une moto spécifique est de piloter cette moto spécifique, ou une moto similaire en termes de position et de style de pilotage. S’il est vrai que le Motocross est définitivement plus fatigant et exigeant, tant du point de vue musculaire que cardiovasculaire, cela permet d’entrainer ses réflexes à deux roues, mais ne suffit pas.
La raison est très simple : les muscles utilisés en Motocross et sur piste de vitesse ne sont pas les mêmes dans la plupart des cas. Et quand bien même ils le sont, ils sont souvent utilisés d’une manière différente. Pensez aux mouvements qui se font dans un changement rapide de direction, ou au mouvement des bras en freinage, au déplacement du poids du corps : ils sont différents en vitesse de ceux qui se font en Motocross, Supermotard ou Flat Track.
Pour cette raison, l’entraînement tout-terrain seul ne suffit pas d’un point de vue musculaire, et pour revenir au discours initial, dans une catégorie telle que le MotoGP où l’on travaille sur des gains marginaux, des aspects de ce type ne peuvent être négligés.
Certes, il y a une part de marketing dans les propos de Claudio Domenicali, et il est évident que cette formation des pilotes est également très utile aux constructeurs, qui trouvent dans ce dernier un aspect promotionnel évident, d’autant plus valable qu’il se rapporte à un segment en grande souffrance comme celui des hypersportives.