Suite à la présentation des couleurs 2021 des deux équipes KTM, c’est à une conférence de presse exceptionnelle que nous avons assisté ce vendredi 12 février.
Exceptionnelle de part le contexte qui prévaut en ce moment et, conséquence du premier point, exceptionnelle de par sa longueur très inhabituelle : Hervé Poncharal s’est en effet exprimé pendant quasiment une heure et demie pour satisfaire la curiosité sans fin des 25 journalistes inscrits à cette visioconférence.
Comme à notre habitude, nous mettrons à votre disposition le texte intégral de ce premier chapitre conséquent de la saison 2021, sans la moindre mise en forme, en plusieurs parties, même si cela va être très, très long…
Hervé, pouvez-vous préciser quels seront les effets du changement de poste de Guy Coulon ?
Hervé Poncharal : « vous savez, Guy a
toujours été avec moi. Nous sommes à peu près nés au même moment et
bien sûr cela représente un grand chapitre qui arrive à sa fin :
Guy ne sera plus chef d’équipe. Car depuis que nous avons commencé
à travailler dans la compétition, en championnat de France, en
championnat du monde d’endurance, au Dakar et même sur le sable au
Touquet, Guy était à mes côtés dans tout ce que j’ai fait. C’est
donc clairement un chapitre qui se termine, mais Guy m’a dit qu’il
resterait impliqué avec moi pour faire fonctionner Tech3 jusqu’à
fin 2026. L’équipe de compétition comprend environ 40 personnes et
il y a beaucoup à faire. Guy sera le responsable technique à
l’atelier où nous accueillons maintenant trois teams, celui du
MotoGP avec deux pilotes, celui de la Moto3 avec deux pilotes, et
celui de la MotoE avec deux pilotes. Il y a beaucoup de logistique
à l’atelier, et en tant qu’équipe satellite, nous sommes un des
teams qui a beaucoup de choses à faire en interne, comme de
travailler sur les camions et sur les box. Guy supervisera tout
cela mais il viendra aussi au premier test à Doha pour voir ce qui
se passe et pour faire une transition en douceur.
Mais vous savez, Nicolas Goyon est un crew chief depuis de
nombreuses années et il connaît parfaitement son travail, et Sergio
Verbena, qui était avec Brad Binder l’année dernière, a gagné une
course et était avec nous en 2019 pour faire la liaison entre KTM
et Tech3 lors de notre première année. Je pense donc que chacun est
maintenant complètement indépendant, mais Guy restera avec nous et
sera complètement disponible pour répondre à toutes les questions
que nous aurions, mais il ne sera pas impliqué dans la gestion
technique de chaque pilote.
Il est donc toujours avec moi mais il est un peu plus dans
l’ombre et je pense qu’il est heureux car il va avoir 66 ans dans
quelques jours, le 18 février, et je pense qu’il a débuté la
compétition à 15 ans. Cela représente donc plus de 50 ans à voyager
sans cesse, et quand vous êtes crew chief, c’est du non-stop le
weekend quand vous êtes sur un circuit pour préparer la FP1, la
FP2, la FP3, la FP4, les qualifications, le warmup et la course. Et
même quand la course est terminée, vous devez déjà penser à la
prochaine. Il avait donc besoin de cette nouvelle vie et il restera
toujours impliqué, mais plus sur les circuits. Il est heureux et
cela me rend heureux. »
Pouvez-vous préciser quels peuvent être les effets de la situation sanitaire de Fausto Gresini ?
« Concernant Fausto, beaucoup de personnes, y compris
moi-même avions pris un peu à la légère la Covid. Nous prenions ça
comme une grippe, mais c’est vrai que pour 85% des personnes,
c’était comme une grippe, parfois une forte grippe mais une grippe.
Mais malheureusement, certaines personnes, et vous ne savez jamais
qui sera touché, souffrent énormément. Pascal Verrière, le bras
droit de Paolo Campinoti chez Pramac, a également été très très
gravement atteint et je suis en contact quotidiennement avec
lui.
Pour Fausto, quand nous avons appris qu’il était positif, nous
avons pensé que ce serait comme pour les garçons qui l’avaient
attrapé durant la saison 2020. Mais malheureusement, cela a été
très mauvais. Les nouvelles que j’ai proviennent de Carlo Merlini
et heureusement, les choses vont définitivement bien mieux : il est
réveillé, la fièvre s’amenuise, le taux d’oxygène dans le sang
atteint un niveau satisfaisant. Mais cela lui prendra du temps pour
être complètement rétabli car quand vous avez été assisté sous
oxygène pendant si longtemps, puisque je pense qu’il a été
hospitalisé le 27 décembre, cela demande beaucoup de temps.
Heureusement, il va dans la bonne direction et le team est très
expérimenté. Carlo Merlini est un très bon organisateur et connaît
très bien le travail. Je ne pense pas que l’équipe rencontrera le
moindre problème pour le début de saison. Bien sûr, nous savons
qu’ils doivent prendre une grosse décision pour 2022 mais,
souhaitons-le, Fausto sera alors à 100 % et de retour dans le
paddock d’ici là.
Je ne veux pas trop parler de cela mais toutes les nouvelles
que j’ai sont très positives. Merci d’avoir demandé. »
Pensez-vous qu’un team indépendant puisse se battre pour le titre en MotoGP ?
« Honnêtement, oui, depuis que quasiment toutes les équipes
indépendantes ont des machines identiques, un soutien identique, et
une vitesse de développement identique ! Nous avons pu voir
l’année dernière, et avec tout le respect que nous avons pour notre
team d’usine, que nous avons pu remporter davantage de courses
qu’eux. Si vous regardez ce qui s’est passé à Jerez 2 et à
Spielberg 1, nous aurions pu être très proches des meilleures
places au championnat. Si vous regardez ce qui s’est passé chez
Yamaha, le team indépendant a clairement été le team leader pour
Yamaha en 2020. Donc un team indépendant a la possibilité de gagner
des courses, ce que nous avons pu voir l’année dernière, et même de
se battre pour le championnat. J’en suis absolument certain !
2020 a été une saison folle et Joan Mir a été un champion
incroyable mais il est sorti de nulle part, donc je crois vraiment
qu’un team indépendant peut remporter le championnat.
On doit pour cela remercier le règlement technique, le niveau
des pilotes que nous avons, et chaque constructeur impliqué dans le
championnat MotoGP pour fournir et pour croire en leur équipe
satellite. »
Vous êtes maintenant une équipe qui a remporté des Grands Prix en catégorie reine : cela va-t-il changer vos attentes et votre approche pour le championnat ?
« Honnêtement, cela ne change pas grand-chose. J’ai écouté l’interview de Pit Beirer et tout le monde lui a demandé s’il ressentait davantage de pression et s’il se sentait prêt à remporter le championnat en 2021. Je pense que 2020 a vu un grand championnat d’une façon générale, un grand championnat pour KTM et un grand championnat pour Tech3, mais nous repartons de zéro. La grille est incroyablement compétitive, que ce soient les motos ou les pilotes, et bien malin celui qui pourrait dire qui va gagner la première course, et bien malin celui qui pourrait dire qui va être champion en 2021 ! Je ne vais pas tous les citer mais cela pourrait être un pilote Ducati, un pilote KTM, un pilote Yamaha, Suzuki, etc. : quasiment tout le monde sur la grille peut remporter des courses et pas mal de pilotes peuvent remporter le championnat. 2020 a été une année incroyable et nous avons des souvenirs inoubliables car notre première victoire dans la catégorie MotoGP est quelque chose que nous n’oublierons jamais, en particulier avec KTM car l’émotion est encore plus grande, mais nous verrons bien. Nous avons un nouveau pilote, un nouveau pilote star, Danilo Petrucci qui doit encore grimper sur la KTM et nous devons encore attendre avant de savoir comment il se sent sur cette moto et comment il peut performer sur cette moto. C’est donc un grand point d’interrogation, même si nous pensons que le potentiel de Danilo est très grand et qu’il sera rapidement rapide avec la moto. Et nous avons Iker qui devrait encore progresser : et quand vous vous souvenez de là où il était à la fin de la saison, je pense nous pouvons aussi être très ambitieux. Nous avons donc des ambitions, mais pas plus de pression que quand nous avons débuté 2020. Je pense même qu’après avoir fait ce que nous avons fait en 2020, nous avons même un peu moins de pression, car quand vous voulez obtenir votre toute première victoire, quand vous voulez prouver à KTM que vous pouvez gagner, quand vous voulez les remercier mais montrer au management et au propriétaire de KTM qu’ils ont eu raison de vous faire confiance, une fois que vous êtes soulagés, c’est un poids de moins sur vos épaules. Cette année, nous repartons de zéro et c’est ce que nous aimons dans ce sport : rien n’est écrit d’avance ! »